Liste et catégorisation des maladies animales en Europe : un processus aux enjeux considérables - La Semaine Vétérinaire n° 1745 du 21/12/2017
La Semaine Vétérinaire n° 1745 du 21/12/2017

ACTU

Avec la loi de santé animale (LSA), l’Union européenne s’est dotée d’un texte fondamental. En effet, la LSA est conçue pour encadrer l’action des pouvoirs publics ainsi que celle de tous les intervenants du secteur de l’élevage (éleveurs, vétérinaires praticiens, laboratoires de diagnostic, GDS1, entre autres) pour les prochaines décennies. Mais si ce texte fixe les grands principes de l’action sanitaire de l’Union, il ne se suffira pas à lui seul. Comme la loi alimentaire a eu besoin du “paquet hygiène”, la LSA va devoir être accompagnée de plusieurs textes d’application pour permettre sa mise en œuvre. La première étape de ce processus porte sur le choix des maladies qui relèveront de la réglementation européenne et sur les mesures qui leur seront appliquées. Cette étape constitue une sorte de préalable essentiel. Il s’agit non seulement de déterminer quelles maladies seront prioritaires au plan européen dans les prochaines années, mais aussi de décider des objectifs de l’Union face à chacune d’elles, ainsi que des moyens à mobiliser tant au niveau de l’Union et des États membres qu’à celui des éleveurs, directement au sein de leurs élevages.

Pour établir cette liste et catégoriser les maladies, la Commission européenne doit notamment s’appuyer sur des évaluations scientifiques élaborées à partir des critères fixés par la LSA. La Commission a identifié un peu moins d’une centaine de maladies des animaux terrestres et aquatiques pouvant potentiellement faire l’objet d’une telle évaluation. Elle a chargé l’Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA) de concevoir une méthodologie à partir de ces critères et ensuite de l’appliquer pour évaluer 29 maladies prioritaires telles que la tuberculose, les brucelloses, la fièvre catarrhale ovine ou encore l’IBR, la BVD, le SDRP2 et la varroase. Au cours de l’été et au début de l’automne, l’EFSA a publié le résultat de ses travaux. Les 29 opinions scientifiques sont consultables sur son site internet. Très bien documentées, ces opinions réservent diverses surprises. Tout d’abord, dans leur grande majorité, les maladies évaluées répondent aux critères de la LSA et sont donc “éligibles” pour être inscrites sur la liste européenne. Seuls Borna disease et les sérotypes BTV16 et BTV25 à 30 ne sont pas éligibles. Pour cinq autres maladies, l’évaluation a été non concluante, c’est-à-dire que les scientifiques de l’EFSA n’ont pas eu un jugement unanime au regard des critères et paramètres de la LSA. Cela équivaut à un “ni oui, ni non” et laisse donc toute latitude à la Commission. La leucose bovine enzootique est dans cette catégorie. En revanche, la BVD, la paratuberculose et la Border disease sont déclarées éligibles à la liste européenne, alors qu’actuellement elles ne font pas l’objet de règles européennes généralisées.

Ensuite, dans une seconde étape, les scientifiques de l’EFSA ont évalué les 23 maladies éligibles à la liste européenne afin de les catégoriser dans cinq grands types de mesures. Il s’agit :

- des maladies principalement exotiques donnant lieu à un plan d’urgence,

- des maladies présentes dans l’Union et pour lesquelles l’éradication est obligatoire,

- des maladies pertinentes pour certains États membres officiellement indemnes ou ayant engagé un programme d’éradication et pour lesquelles l’Union permet le recours à des garanties additionnelles,

- des maladies dont il est nécessaire de prévenir la diffusion dans l’Union à l’aide de mesures de contrôle aux mouvements intracommunautaires,

- des maladies pour lesquelles une surveillance est nécessaire dans l’Union.

Parmi les résultats de l’EFSA pour cette seconde évaluation, il convient de souligner que :

- la fièvre catarrhale ovine (sérotypes 1 à 24, sauf le 16) ne répond pas aux critères pour être soumise aux mesures d’urgence et son évaluation est non concluante en ce qui concerne les mesures de contrôle aux mouvements. En revanche, cette maladie est éligible aux mesures d’éradication obligatoire et à une surveillance généralisée dans toute l’Union ;

- la paratuberculose et la Border disease répondent aux critères concernant les mesures/garanties additionnelles aux échanges, alors que l’évaluation concernant cette catégorie de mesures est non concluante pour l’IBR et la BVD et est négative pour la maladie d’Aujeszky et le SDRP.

La Commission européenne doit prendre en compte ces résultats et conduire ses propres évaluations en intégrant également d’autres facteurs tels que les aspects économiques et commerciaux. Elle a débuté ses consultations avec les experts des États membres et devrait consulter les parties prenantes au cours des prochains mois. Elle souhaite finaliser sa décision avant la fin du printemps 2018. Pour les éleveurs, les organisations membres de la Fesass3 et la profession vétérinaire, les enjeux sont considérables. Par exemple, si la leucose ne devait plus être listée au niveau de l’Union, il ne serait plus possible d’assurer une protection réglementaire à l’importation contre cette maladie. À l’inverse, si la Commission devait retenir la paratuberculose et la Border disease, alors que nous ne disposons d’aucun outil de diagnostic efficace pour les jeunes animaux, il est difficile d’envisager les garanties qui pourraient être instaurées. Nul doute que les prochains mois vont donner lieu à des négociations acharnées.

1 Groupement de défense sanitaire.

2 IBR : rhinotrachéite infectieuse bovine ; BVD : diarrhée virale bovine ; SDRP : syndrome dysgénésique et respiratoire porcin.

3 Fédération européenne pour la santé animale et la sécurité sanitaire (Fesass).

ALAIN CANTALOUBE

est le secrétaire général de la Fédération européenne pour la santé animale et la sécurité sanitaire (Fesass). Il a contribué aux travaux de la fédération sur la loi de santé animale, texte européen qui vise notamment à lutter efficacement contre les zoonoses. Il est également chargé de mission à GDS France.
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