La parole vétérinaire - La Semaine Vétérinaire n° 1745 du 21/12/2017
La Semaine Vétérinaire n° 1745 du 21/12/2017

ACTU

Un des chantiers qui émerge de Vetfuturs France est celui de l’expression d’une parole vétérinaire forte sur les enjeux de société. Il y est regretté la rareté des vétérinaires “médiatiques” ou l’absence de “leaders d’opinion” face aux questions relatives au bien-être animal ou à la santé animale, à la santé humaine et à la santé environnementale, par exemple. En parallèle, l’enquête menée auprès des vétérinaires, toujours dans le cadre de Vetfuturs, nous apprend que la confraternité, autrement dit, le sentiment d’appartenance à un corps professionnel, celui des vétérinaires, se délite au profit de valeurs plus attachées à la réussite de l’individu et à son épanouissement à travers un équilibre subtil entre vie privée et vie professionnelle.

Ces deux symptômes ne concourent-ils pas finalement à l’expression d’un même diagnostic ? Les organisations professionnelles vétérinaires peinent à jouer leur rôle de catalyseur de la profession vétérinaire, de courroie de transmission ascendante et descendante, voire à être reconnues pour leur capacité à exprimer une vision pour la profession et à y faire adhérer chacun d’entre nous. Le “nous” est bien entendu à comprendre dans son assertion la plus large : l’ensemble des vétérinaires exerçant leur diplôme sur le territoire national, ainsi que les étudiants vétérinaires.

Le cycle, né de la segmentation des organisations professionnelles vétérinaires selon leur objet technique, syndical et ordinal, n’atteint-il pas ses limites laissant présager un scénario disruptif à brève échéance ? La partition opérée voilà bientôt 30 ans a certes permis de clarifier la répartition de la représentation professionnelle et de donner plus de lisibilité aux organisations techniques, mais le logiciel est-il toujours adapté, alors que depuis lors nombre d’initiatives vétérinaires plus ou moins structurées ou robustes, plus ou moins représentatives, sont venues enrichir, pour certaines, perturber, pour d’autres, la lisibilité de cette parole vétérinaire ? Il est un constat objectif de considérer que la tendance s’accélère depuis trois ou quatre ans sous l’effet des nouvelles technologies de l’information et de la communication jusqu’à l’atomisation. Le monde vétérinaire a cette capacité touchante de créer autant d’associations autour de trois ou quatre vétérinaires qu’il y a de causes à défendre. Que d’énergies dépensées ou gaspillées pour un résultat qui tend plus à la cacophonie qu’à l’efficacité d’un message porté collectivement par une profession rassemblée !

Il ne s’agit plus dès lors de véhiculer un message de fond, utile à la profession, mais bien plus de s’affirmer par la surenchère, par un militantisme parfois excessif, pour exister “médiatiquement” dans cette compétition interne. Seuls, nous n’aurons jamais raison. Nous ne serons jamais crédibles face aux enjeux de société dans une telle atomisation de notre représentation professionnelle. Et nous ne serons rapidement plus en capacité de financer notre représentation professionnelle. Les vétérinaires sont à un moment de leur histoire où la segmentation par espèce, par discipline, par conviction, par intérêt… les affaiblit. Cette perte de sens conduit à l’effritement de l’engagement des plus jeunes d’entre nous dans les organisations professionnelles : la relève peine à s’engager et à s’affirmer ! Cette perte de sens conduit de la même manière au délitement de la confraternité.

Je forme le vœu que la profession s’empare de cette question d’une représentation professionnelle vétérinaire capable de s’unir et de faire valoir sa voix dans les grands enjeux de société. Il est temps de rebattre les cartes, de retrouver les moyens de fédérer, de construire une vision partagée de notre métier et de la place du corps des vétérinaires dans la société, dans l’écosystème animal-homme-environnement. C’est finalement toute l’ambition de Vetfuturs France de réunir les conditions de réussir ce tour de force.

JACQUES GUÉRIN (N 88)

est le président du Conseil national de l’Ordre des vétérinaires. Il est aussi praticien en Bretagne. Il copilote, avec le Syndicat national des vétérinaires d’exercice libéral (SNVEL), la réflexion Vetfuturs France, qui vise à définir une vision prospective de la profession à l’horizon 2030 et à engager des pistes innovantes d’évolution.
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