Valeur alimentaire du maïs fourrage : quoi de neuf ? - La Semaine Vétérinaire n° 1744 du 14/12/2017
La Semaine Vétérinaire n° 1744 du 14/12/2017

CONFÉRENCE

PRATIQUE MIXTE

Formation

Auteur(s) : SERGE TROUILLET  

Arvalis, Institut du végétal, fait le point de ses travaux concernant la détermination précise de la valeur alimentaire du maïs fourrage pour les bovins, sur le plan énergétique, et ses conséquences sur la date de récolte et le rationnement des animaux.

La valeur alimentaire du maïs fourrage, notamment sur le plan énergétique, est sujette à une grande variabilité tant interannuelle qu’interrégionale. Celle-ci ne concerne pas seulement le critère de l’unité fourragère lait (UFL), qui caractérise la teneur en énergie globale du fourrage. Les variabilités observées de la dégradabilité de l’amidon dans la partie épi et de la digestibilité de la partie fibreuse NDF (neutral detergent fiber) sont également très élevées. En effet, à teneur en énergie globale identique, c’est-à-dire pour une même valeur d’UFL, deux maïs peuvent présenter des caractéristiques de dégradabilité de l’amidon et de digestibilité de la partie fibreuse très différentes. Le conseil de rationnement est donc à affiner au-delà de la valeur UFL, en tenant compte de la provenance de l’énergie.

Ces deux nouveaux critères ne figurent pas encore dans les tables de l’Institut national de la recherche agronomique (Inra) de 2007. Ils seront intégrés dans le futur système de rationnement (parution en 2018-2019), à la suite des travaux menés par l’Inra et Arvalis. Ces derniers ont aussi conduit à mettre à jour les équations de prédiction de l’énergie brute et de la digestibilité de la matière organique (dMO) du maïs, qui interviennent dans le calcul des unités fourragères (UF).

De nouvelles références actuellement non prises en compte dans les “tables Inra 2007”

L’énergie du maïs provient en partie de la digestibilité des fibres. Quand celle-ci augmente, il en est significativement de même de la production laitière. À l’inverse, une ration trop riche en amidon contribue à dégrader la digestibilité de la ration globale.

Quant à l’énergie apportée par le grain, elle est d’autant plus élevée que la dégradabilité ruminale de l’amidon est importante. Elle baisse, par exemple, de 8 points quand, à la récolte, le taux de matière sèche (MS) de la plante entière est compris entre 32 et 38 %. Il convient donc de récolter le maïs à un stade adéquat. Lors de collecte tardive, l’amidon est moins disponible dans le rumen et il faut ajouter du blé dans la ration pour relancer les fermentations ruminales. L’augmentation de la dégradabilité de l’amidon avec le temps est un autre élément concernant sa disponibilité qui n’est pas encore référencé par l’Inra dans ses tables de valeur alimentaire 2007. Plus le maïs est récolté sec, moins l’amidon est dégradable. Il faut alors attendre que l’ensilage fasse son effet avant d’obtenir un niveau de dégradabilité suffisant, qui n’atteindra toutefois jamais celui d’un stade de récolte classique. Un maïs récolté trop tardivement (+ de 38 % de MS) doit donc être utilisé si possible après plusieurs mois. À défaut, pendant cette période, un apport d’énergie rapidement fermentescible est nécessaire à hauteur de 300 à 500 g par jour et par vache pour parvenir à un niveau d’énergie qui aurait été obtenu par une récolte au bon stade (32 à 34 % de MS) (tableaux 1 et 2).

Récolter à des taux de MS compris entre 32 et 34 %

Les essais agronomiques menés sur le terrain ont permis d’illustrer ces résultats, et d’en préciser les conséquences sur les dates de récolte (encadré) et le rationnement des animaux. Si le rendement MS et la quantité d’UFL produites à l’hectare augmentent jusqu’à un stade avancé de la végétation (40 % de MS), cette énergie potentielle n’est pas celle qui est valorisée par les animaux(infographie page précédente). Des pertes sont dues à une moindre valorisation de l’amidon car, avec la maturité de la plante, la digestibilité des parois fibreuses et la dégradabilité ruminale de celui-ci diminuent.

Par ailleurs, un maïs trop mûr doit faire l’objet d’une complémentation pertinente dans la ration pour limiter le risque acidogène (pas plus de 24 à 25 % d’amidon dans l’alimentation), par exemple avec de l’ensilage de ray-grassanglais (RGA), qui diminue en général la densité énergétique de la ration, et donc la production laitière. À l’inverse, si le maïs est récolté à moins de 30 % de MS, des pertes dans les jus qui s’écoulent du silo se produisent. Néanmoins, dans ce cas de figure, il peut être inclus dans tout type de ration sans risque acidogène. Arvalis incite en conséquence l’agriculteur à faire sa récolte à des taux de MS compris entre 32 et 34 %.

Risque d’échauffement du silo à l’ouverture

L’ensilage d’un maïs très sec (40 % de MS) n’est pas non plus sans inconvénients. Une difficulté liée au tassement du maïs fourrage et à la stabilité du silo se présente alors. La densité recherchée, dans les silos, tourne autour de 230 à 240 kg de MS/m3 pour un maïs récolté à 32 à 35 % de MS, ce qui représente environ 40 % de porosité dans le fourrage stocké.

Ce taux de porosité est considéré comme optimal dans un silo pour que sa conservation soit bonne, mais surtout pour que les reprises en fermentation à son ouverture n’entraînent pas trop de pertes de fourrage. Au-delà, les grands espaces vides entre les particules sont une source d’échauffement. Quand le silo est ouvert, l’oxygène vient à disposition des microorganismes présents dans le fourrage (champignons, moisissures, etc.), qui entrent en activité. Ils consomment de la MS et surtout produisent de la chaleur : le silo chauffe.

Or, avec un maïs avancé (40 % de MS), malgré le plus grand soin mis à le tasser, il est impossible de parvenir à une densité de 230 kg/m3, et comme en plus il retient moins d’eau, la quantité de gaz dans le silo, donc la porosité, est bien plus grande. Pour atteindre 40 % de porosité avec ce type de maïs, une densité de 300 kg de MS/m3 serait nécessaire, ce qui n’est pratiquement pas réalisable dans nos exploitations.

COMMENT PRÉDIRE LE STADE OPTIMAL DE RÉCOLTE ?

Alexis Férard Arvalis, Institut du végétal. Article rédigé d’après une présentation faite lors du Sommet de l’élevage, à Clermont-Ferrand (Puy-de-Dôme), du 4 au 6 octobre 2017.

L’agriculteur dispose d’un outil très prédictif de la maturité de la plante : l’état de remplissage de ses grains. Quelles que soient les conditions de végétation, ou presque, c’est le meilleur indicateur. Le grain se remplit en effet, dans une première étape, d’un amidon laiteux, qui devient progressivement pâteux, puis vitreux, complètement dur. Arvalis a fait le constat que le stade optimal de la récolte du maïs est celui où les trois types d’amidon sont également répartis. Cela augure d’un taux de matière sèche (MS) plante entière compris entre 31 et 34 %, selon l’état de l’appareil végétatif. Si ce dernier est très vert, exubérant, il est a priori riche en eau et tire le taux de MS vers le bas, et inversement s’il est déjà sec ou peu développé.
Pour autant, l’agriculteur ne doit pas attendre de constater cette répartition des trois tiers dans le grain. En effet, il sera alors trop tard pour solliciter l’ensileuse, dont le planning se construit souvent avec trois semaines d’avance au moins. D’où la nécessité pour l’éleveur d’observer les maïs suffisamment tôt afin de repérer le stade d’apparition de la lentille vitreuse. Le taux de MS est alors de 23 à 27 %, ce qui lui laisse entre 10 et 20 jours pour organiser le chantier.

Bertrand Carpentier Arvalis, Institut du végétal. Article rédigé d’après une présentation faite lors du Sommet de l’élevage, à Clermont-Ferrand (Puy-de-Dôme), du 4 au 6 octobre 2017.

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