Effets du pollen sur la santé des abeilles infestées par Varroa destructor - La Semaine Vétérinaire n° 1744 du 14/12/2017
La Semaine Vétérinaire n° 1744 du 14/12/2017

ANALYSE

PRATIQUE MIXTE

Formation

Auteur(s) : TANIT HALFON  

Des chercheurs1 des universités d’Udine (département des sciences agroalimentaires), en Italie, et de l’État de Pennsylvanie (département d’entomologie), aux États-Unis, se sont penchés sur le potentiel effet bénéfique du pollen sur des colonies d’abeilles infestés par le parasite Varroa destructor. Comme les auteurs le rappellent, le régime alimentaire des abeilles mellifères est composé de nectar et de pollen. Le premier, riche en sucre, s’avère leur principale source énergétique ; le deuxième constitue leur source primaire en protéines et en lipides. Si des études ultérieures ont pu montrer l’influence positive du pollen sur la santé des abeilles, cette expérimentation est la première à étudier son effet face à une infestation à Varroa, le parasite étant considéré comme une menace majeure pour la survie des colonies d’abeilles domestiques.

Une durée de vie augmentée dans des conditions expérimentales

Dans une première expérience, les chercheurs placent, pendant 12 jours, des larves d’abeilles, récupérées de différentes colonies des ruchers de l’université d’Udine, dans des cellules artificielles aux conditions environnementales contrôlées (température : 34 °C ; taux d’humidité relative : 75 % ; faible luminosité), un groupe étant infesté parVarroa,l’autre pas. Les adultes émergents2 sont mis immédiatement dans une cage et nourris avec du sucre, un groupe étant complémenté au pollen, l’autre pas. Dans les quatre groupes ainsi obtenus, les 3 premières semaines de vie n’ont pas été influencées par le régime alimentaire, ce qui laisse penser que le pollen n’est pas critique pour la survie et la santé des abeilles sous des conditions expérimentales. En revanche, par la suite, il est noté une hausse significative de la durée de vie pour les abeilles infestées nourries au pollen. Parasite ou pas, la consommation de pollen est restée stable. Ce résultat reflète possiblement la quantité maximale pouvant être ingérée par les abeilles, un excès de macronutriments (acides aminés) étant néfaste (réduction de la longévité). Collecté en mai 2013 dans la région d’Udine, dans une zone éloignée des cultures, le pollen utilisé était d’origine multiflorale.

Une mortalité réduite en condition réelle

Dans une deuxième expérimentation, huit colonies homogènes et infestées sont placées en plein air en fin d’été, quatre sont nourries avec 50 g de pollen par semaine pendant un mois. Toutes sont libres d’aller butiner dans l’environnement, les auteurs précisant qu’aucune floraison majeure n’est en cours à ce moment-là. Après un traitement contreVarroa,toutes les colonies sans supplément de pollen sont mortes dès la fin du mois de novembre. En parallèle, deux colonies avec supplément de pollen ont survécu, sans que cette différence ne soit significative. Bien que l’échantillon soit faible, ce résultat suggère l’intérêt du pollen dans la prévention des pertes des colonies.

Un effet bénéfique des lipides

Afin de préciser les constituants bénéfiques pour la santé des abeilles, les chercheurs ont testé deux groupes d’abeilles infestées : un premier était nourri avec du pollen sans composants apolaires et le deuxième sans composants polaires. Il en a résulté une hausse significative de la mortalité des abeilles privées des composants apolaires, visibles surtout après 4 semaines, ce qui peut traduire un possible rôle des lipides dans la santé des abeilles. Les hypothèses proposées par les scientifiques sont schématisées ci-contre . De plus, en s’intéressant au profil d’expression des gènes chez les abeilles infestées, les chercheurs ont montré une différence significative entre les abeilles complémentées au pollen ou pas dans la régulation des gènes reliés au métabolisme lipidique, suggérant que les composants du pollen pourraient être impliqués dans la restauration de l’intégrité de la cuticule altérée par le parasite ou des pathogènes secondaires. Pour les auteurs, ces résultats sont « particulièrement intrigants » étant donné les recherches récentes3sur les préférences alimentaires des bourdons pendant le butinage, basées sur un ratio protéines/lipides. Selon eux, cette étude ouvre la voie à de nouvelles stratégies de protection des abeilles, vial’écologie nutritionnelle.

1 go.nature.com/2nXbauR.

2 Hybrides Apis mellifera ligustica Spinola et Apis mellifera carnica Pollmann.

3 Vaudo A. D., Patch H. M., Mortensen D. A. et coll. Macronutrient ratios in pollen shape bumble bee (Bombus impatiens) foraging strategies and floral preferences. Proc. Natl. Acad. Sci. USA. 2016;113(28):E4035-4042.

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