Classe dominante

Le renouveau actuel du cinéma chilien germe sur les plaies non refermées des années Pinochet. En réalisant ici un portrait de femme tout en nuances avec un sens très aigu de l’ambiguïté, Marcela Said révèle une formidable interprète. En pointant la collaboration plus ou moins active de la haute bourgeoisie chilienne avec une dictature qui lui a permis de prospérer, elle montre que la ligne qui sépare le bien du mal reste ténue.

Appartenant à la classe aisée, l’imprévisible Mariana, 42 ans, tient une galerie d’art, chante des airs populaires avec sa bonne, fume, boit, monte à cheval, se montre indocile à l’égard de son père ou de son mari, protecteurs mais dominateurs, et se croit libre… comme son chien qu’elle refuse d’attacher malgré les menaces de son voisin.

Son professeur d’équitation, de 20 ans son aîné, la sort alors de sa zone de confort. Celui qu’on appelle le colonel est accusé d’exactions commises au sein de l’armée pendant la dictature. Personnage opaque, il est paradoxalement le seul qui la comprend et lui témoigne de l’attention. La liaison qu’elle noue avec lui va ébranler les murs qui semblaient protéger sa famille du passé et la mettre face à sa propre allégeance vis-à-vis de cette haute société patriarcale. Une double prise de conscience au-delà de la faute et de l’innocence qui offre à la trajectoire de Mariana une complexité admirable et à laquelle la portée métaphorique de la présence animale (chiens et chevaux) répond en une émouvante dialectique.
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