Asthme équin modéré 1 : de sa définition à son traitement - La Semaine Vétérinaire n° 1744 du 14/12/2017
La Semaine Vétérinaire n° 1744 du 14/12/2017

SYNTHÈSE

PRATIQUE MIXTE

Formation

Auteur(s) : ANNE COUROUCÉ  

Les chevaux atteints d’asthme équin modéré peuvent présenter des signes cliniques comme de la toux ou du jetage et voir leurs performances diminuer et leur temps de récupération postexercice augmenter. À l’endoscopie, une accumulation anormale de mucus dans la trachée peut être visible. Il existe une forte association entre ce phénomène et la baisse de performances, tant chez les chevaux de course que chez les chevaux de sport. En revanche, il n’a pas été démontré à ce jour de relation entre cytologie de lavage bronchoalvéolaire (LBA) et performance.

Pourquoi les chevaux présentent-ils un asthme équin modéré ?

La pathogénie de cette affection reste incomplètement définie. Son étiologie implique des facteurs divers qui agissent de manière synergique pour initier ou prolonger l’inflammation des voies respiratoires. Une variété importante d’agents étiologiques peut être impliquée, et ce à différents niveaux en fonction des populations de chevaux et de l’environnement auquel ils sont exposés, ceci incluant notamment l’entraînement, les repas, le mode d’hébergement, la saison, les pratiques de médecine préventive et la génétique.

L’environnement : un facteur de risque identifié

Des agents non infectieux sont potentiellement au cœur du développement de cette affection. Les chevaux hébergés dans des boxes au sein d’écuries sont particulièrement exposés à une charge importante de particules aérosols et de gaz. Au sein de cet environnement, la fraction respirable peut contenir une grande variété de particules organiques et inorganiques incluant des champignons, des moisissures, des endotoxines, des matériaux végétaux et des gaz nocifs. Dauvillier et Van Erck (2017) ont mis en évidence que les chevaux présentant des champignons dans le lavage trachéal avaient 3,8 fois plus de risques de développer de l’asthme équin modéré que des chevaux n’en ayant pas. Ainsi, un certain nombre d’études ont identifié le fait de mettre les chevaux en box comme un facteur de risque pour le développement de l’asthme équin modéré.

Les allergènes ont-ils un rôle dans le développement de cette maladie ?

La présence de pourcentages importants d’éosinophiles et/ou de mastocytes dans le liquide de lavage bronchoalvéolaire chez certains chevaux suggère le rôle “d’aéroallergènes” dans l’apparition de cette affection.

Les bactéries et/ou les virus interviennent-ils dans le développement de cette maladie ?

Il est vraisemblable qu’un lien existe entre infection bactérienne ou virale et asthme équin modéré chez les jeunes chevaux, notamment. Néanmoins, notons que différents facteurs peuvent agir de manière synergique. Une étude récente (Bond et coll., 2017) a permis de mettre en évidence que le microbiote de l’appareil respiratoire profond du cheval pouvait contribuer à la pathogénie de l’asthme équin modéré et que le contrôle du développement de bactéries chez des chevaux présentant cette affection et traités avec de la dexaméthasone pouvait être intéressant dans la stratégie médicale.

Un phénotype différent lié aux signes cliniques, à l’âge et à la discipline ?

Des phénotypes différents existent et semblent liés aux signes cliniques et à l’âge de l’animal.

La présence de cellules métachromatiques dans l’asthme équin modéré, par exemple, a été associée à une hyperréactivité des voies respiratoires et à une obstruction pulmonaire subclinique. Cela semble être plus le cas chez de jeunes chevaux (moins de 5 ans). La présence de neutrophiles pourrait être plus associée à celle d’une toux et de mucus trachéal. Il semble également que l’on ne parle pas exactement de la même chose si l’on considère des chevaux de course (galopeurs ou trotteurs) ou des chevaux de sport.

Comment diagnostiquer l’asthme équin modéré ?

Comme vu précédemment, les signes cliniques au repos sont non seulement peu spécifiques (toux, jetage), mais également non constants. La présence de mucus dans la trachée visible par endoscopie peut être indicatrice de l’existence d’asthme équin modéré, mais n’est pas spécifique non plus. Le LBA est le prélèvement de choix, à faire soit en aveugle avec une sonde de type Bivona® ou Cook®, soit avec un gastroscope de 3 m de long. À noter que dans le cas de l’utilisation d’une sonde en aveugle et du fait de spécificités anatomiques, le prélèvement se fera en majorité dans le poumon caudal droit. Les recommandations sont d’instiller 250 ml ou plus de chlorure de sodium (NaCl) stérile, sachant qu’il est préférable de préchauffer ce liquide à 37 °C (moins de bronchospasme et de toux).

La préparation et l’interprétation cytologique des lames sont fondamentales, afin de bien distinguer les différentes cellules présentes, en particulier les cellules inflammatoires que sont les neutrophiles, mais aussi les éosinophiles et les mastocytes. Le choix du laboratoire et du cytologiste est donc crucial.

Les neutrophiles sont considérés comme normaux lorsqu’ils sont inférieurs à 5 %, voire 10 %, en fonction notamment des différentes populations de chevaux (pourcentage plus élevé chez les chevaux de course par rapport à ceux de sport).

Les éosinophiles sont considérés comme normaux lorsqu’ils sont inférieurs à 1 % (chevaux de sport et de course, études nord-américaines) ou 5 % (chevaux de course, France ou Suède). De même, les mastocytes sont jugés normaux lorsqu’ils sont inférieurs à 3 ou 5 %.

Rappelons néanmoins que le diagnostic de l’asthme équin modéré ne se résume pas à l’interprétation d’un LBA. L’histoire, la discipline du cheval et son examen clinique sont essentiels. De plus, la technique utilisée pour le LBA est fondamentale à prendre en compte pour l’interprétation de la cytologie : Quel volume a été instillé ? Quel volume a été récupéré ? Sous quelle forme le prélèvement a-t-il été envoyé au laboratoire ?, etc.

Comment gérer des chevaux atteints d’asthme équin modéré ?

Tout comme pour la pousse, l’environnement est fondamental pour la gestion du cheval, le vétérinaire doit se poser en tant que conseiller et apprendre à regarder non plus seulement le cheval, mais également ce qui l’entoure, du bâtiment et des box dans lesquels il vit à la litière de son box et au foin (qualité, stockage, etc.). Une étude récente a montré que le meilleur moyen de supprimer les poussières et les moisissures dans le foin était la stérilisation dans des stérilisateurs de type Haygain®. Il est fondamental de faire le tour de ces différents éléments et d’expliquer aux propriétaires qu’il est de leur responsabilité de modifier des paramètres pour le bien-être de leur cheval et la diminution de l’incidence des troubles respiratoires.

Comment traiter les chevaux atteints ?

Les thérapeutiques disponibles pour le praticien sont les corticoïdes, ainsi que le chromoglycate de sodium pour un sous-type mastocytaire. Concernant les corticoïdes, les molécules et les voies d’administration recommandées sont les suivantes :

- voie orale : dexaméthasone, à la dose de 0,05 à 0,1 mg/kg, ou prednisolone, à la dose de 1 à 2 mg/kg ;

- voie injectable : dexaméthasone, à la dose d’attaque de 0,05 à 0,1 mg/kg, puis diminution ;

- aérosol : béclométasone, à la dose de 500 µg par cheval, deux fois par jour, ou fluticasone, à la dose de 1 à 6 mg par cheval, deux fois par jour. Administration au moyen d’un masque “adaptateur” entre le flacon pressurisé avec valve doseuse et le naseau du cheval, avec l’Equine Aeromask® ou l’Equine Haler® ;

- nébulisation : budésonide, à la dose de 800 µg par cheval, deux fois par jour, ou fluticasone, à la dose de 6 mg par cheval, deux fois par jour. Administration avec un nébulisateur type Flexineb® ou Greenpex®.

L’administration d’interféron α pendant 5 jours semble aussi améliorer la cytologie du LBA de chevaux présentant de l’asthme équin modéré, ainsi que la toux et le score de mucus. De nouvelles études ont examiné l’effet d’oméga 3 polyinstauré dans une ration avec peu de poussières. Il a été montré que cela apporte un bénéfice additionnel quant aux signes cliniques, à la fonction pulmonaire et à la cytologie du LBA. Deux communications ont également été présentées lors du dernier congrès du World Equine Airways Symposium, à Copenhague, en juillet 2017, sur le traitement de cette affection. La première concernait une étude sur l’administration d’huiles essentielles par inhalation, qui a montré des résultats encourageants sur une population de chevaux de sport, avec en particulier une action anti-inflammatoire (Van Erck et coll., 2017a). La seconde a étudié l’administration de sérum autologue chez des chevaux atteints d’asthme équin modéré et son efficacité pour contrôler cette maladie chez des chevaux soumis à des entraînements intensifs (Van Erck et coll., 2017b). Il reste encore beaucoup à découvrir sur cette affection, que la recherche comprend néanmoins de mieux en mieux. L’asthme équin modéré est une entité, un syndrome qu’il convient de décliner et d’adapter en fonction de l’âge du cheval, de sa discipline (cheval de course versus cheval de sport) et de son environnement.

Face à cette maladie, le vétérinaire traitant est plus que jamais un vétérinaire conseil, qui se doit non seulement de diagnostiquer et de traiter, mais également d’évaluer l’environnement de l’animal et de conseiller le propriétaire/l’entraîneur sur la gestion de son cheval au quotidien.

1 Ou maladie inflammatoire des voies respiratoires profondes (MIVRP) ou Inflammatory airway disease (IAD). Voir aussi La Semaine Vétérinaire n° 1742 du 1er/12/2017, pages 34-35.

Retrouvez les références bibliographiques de cet article sur bit.ly/2l2OGas.

Synthèse rédigée d’après l’article de consensus publié en 2016 et des communications orales présentées lors du World Equine Airways Symposium, à Copenhague (Danemark), du 13 au 15 juillet 2017.

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