Vaccination en élevage bovin : comment procéder et à quelle fréquence ? - La Semaine Vétérinaire n° 1742 du 30/11/2017
La Semaine Vétérinaire n° 1742 du 30/11/2017

DÉCRYPTAGE

Auteur(s) : ANNE-LAURE GILLE ET YVES MILLEMANN  

Une enquête, menée dans le cadre d’une thèse, auprès d’éleveurs bovins et de vétérinaires, livre des indications sur les habitudes en matière de vaccination en France, d’après le panel de l’étude 1.

Comment vacciner ?

Bien que la majorité des vétérinaires interrogés pour cette enquête (27 sur 37 répondants, soit 72,97 %) estiment inférieur ou égale à 10 le pourcentage d’éleveurs de leur clientèle non satisfaits par la vaccination, 58,49 % (31 sur 53) précisent avoir déjà été confrontés à un échec vaccinal. Dans ce cas, la principale cause d’échec était généralement dans la réalisation de l’acte. Plutôt qu’une erreur grossière, il s’agit, la plupart du temps, d’une accumulation de petites maladresses ou de négligences, de mauvaises habitudes… qui finissent par conduire à un véritable échec.

La réussite d’un protocole dépend en grande partie de la rigueur de l’éleveur, puisque, souvent, c’est lui qui réalise la vaccination. Il convient donc, en premier lieu, de s’intéresser à ses pratiques vaccinales.

Ainsi, 97,7 % des éleveurs (170 sur 174) conservent le vaccin au réfrigérateur, c’est-à-dire à l’abri de la lumière et au froid positif (entre 2 et 8 °C). De plus, le transport entre la clinique vétérinaire ou le lieu d’achat et la ferme (Gunn et coll., 2013, Galazka et coll., 1998) est rapide et la chaîne du froid est respectée.

Après achat, 57,23 % (95 sur 166) utilisent le vaccin dans le mois qui suit. Certains ont précisé qu’ils achetaient d’emblée la dose pour la seconde injection de primovaccination (évitant ainsi les conséquences d’une éventuelle rupture de stock), et donc conservaient le vaccin non entamé au moins 3 à 4 semaines. Enfin, la date de péremption ne doit jamais être dépassée (Anses-ANMV2), ce que respectent plus de 90 % des personnes interrogées.

Avant utilisation, le vaccin doit souvent être reconstitué en mélangeant les parties liquide et solide (Delatre, 2017). Une mise en suspension adéquate est nécessaire pour une efficacité optimale. 35,23 % des éleveurs agitent le flacon régulièrement pendant l’utilisation, afin d’obtenir un contenu homogène.

Après ouverture du flacon, une fois le produit reconstitué, il convient d’en faire usage le plus rapidement possible, afin que le vaccin ne se détériore pas. Il est conseillé de l’utiliser dans la demi-journée et aucun flacon entamé ne doit être conservé plus de 24 heures (Andrews, 2015). Cette étude a montré que 89,2 % des éleveurs (157 sur 176) respectent cette pratique.

37,5 % (63 sur 168) emploient du matériel injectable. Le matériel d’injection est, en général, à usage unique, mais quand ce n’est pas le cas, il est encore trop souvent nettoyé à l’alcool et à l’eau de Javel, qui peuvent provoquer une destruction plus ou moins partielle du vaccin vivant et nuire à son efficacité (Delatre, 2017). Seulement 24,4 % (41 sur 168) lavent leur matériel à l’eau chaude et 19,64 % (33 sur 168) à l’eau froide. De plus, 42,22 % (38 sur 90) changent le matériel d’injection après avoir vacciné 20 animaux ou plus et 24,44 % (22 sur 90) uniquement après avoir vacciné un lot entier. Enfin, le matériel d’injection devra être choisi en fonction de la voie d’injection, de l’animal et du produit (notamment de sa viscosité). Ces derniers points n’ont pas été abordés dans l’étude.

En pratique, la voie d’administration n’est pas toujours respectée, ni certaines consignes présentées dans les résumés des caractéristiques du produit (RCP) des vaccins. Ainsi, régulièrement, une administration sous-cutanée est réalisée plutôt qu’en intramusculaire et inversement. Le site d’injection des vaccins n’a pas été renseigné dans les questionnaires ayant servi à l’enquête, mais il tient également une place dans les bonnes pratiques de vaccination.

En ce qui concerne la primovaccination, quand celle-ci est nécessaire, elle est encore trop souvent oubliée, mal réalisée, avec des intervalles entre les deux injections trop variables. Pour les animaux nouvellement vaccinés, seulement 85,71 % des éleveurs sondés (150 sur 175) réalisent la seconde injection de primovaccination lorsqu’elle est nécessaire, alors que, dans 90,45 % des cas (161 sur 178), le vétérinaire aurait insisté sur la nécessité de cet acte.

Les fournisseurs recommandent de ne pas vacciner les animaux avec des produits différents le même jour, mais ce conseil est encore insuffisamment respecté (Paton, 2016). Dans 82,18 % des cas, les éleveurs (143 sur 174) ne vaccinent pas en même temps leurs animaux avec deux vaccins différents. Pour les autres ayant précisé leurs réponses (24 sur 25), 25 % (6 sur 24) combinent un vaccin contre la diarrhée virale bovine (BVD) avec un autre contre les gastro-entérites néonatales (GENN) ; 12,5 % (3 sur 24), deux vaccins GENN, afin de couvrir un maximum d’agents pathogènes à l’origine de cette entité pathologique (un associant rotavirus et coronavirus avec un autre constitué de différents Escherichia coli) ; et 12,5 % (3 sur 24), un vaccin contre les broncho-pneumonies infectieuses enzootiques (BPIE) avec un autre contre les entérotoxémies.

Il apparaît que 94,94 % (169 sur 178) précisent la réalisation de la vaccination dans les registres d’élevage. Sont principalement notés les animaux concernés, le nom du produit et la date de vaccination, mais manque bien souvent le numéro de lot du vaccin (précisé dans seulement 18,39 % (16 sur 87) des cas (arrêté du 5 juin 2000 relatif au registre d’élevage, 2000). Le fait d’effectuer un enregistrement peut pousser les éleveurs vers plus de rigueur et notamment éviter des oublis (figure 1).

Dans l’ensemble, les bonnes pratiques de vaccination sont suivies par les éleveurs de l’enquête ; toutefois, des progrès restent à faire. En effet, certains aspects techniques de la vaccination sont encore négligés et pourraient finir par conduire à un véritable échec vaccinal. Pour éviter cela, il convient d’insister, en amont, sur les différents points abordés ci-dessus, ce que font bien la majorité des vétérinaires (figure 2).

À quelle fréquence vacciner ?

Il semblerait, tout d’abord, que primovaccination et rappel soient deux notions confondues par les éleveurs.

Lors de la mise en place du protocole de vaccination, 97,78 % des éleveurs (176 sur 180) estiment que leur vétérinaire leur a expliqué la nécessité des rappels. De plus, 84,21 % des praticiens (16 sur 19) essayent de faire en sorte que le rappel ait lieu avant le contact avec des animaux autres que ceux de l’élevage et 95,65 % (22 sur 23) qu’il soit effectué avant le départ de l’animal.

Cependant, les rappels ne sont généralement pas correctement réalisés : intervalles entre les deux injections trop variables, utilisation de vaccins différents, etc. Pour pallier cela en partie, certains vétérinaires contactent leurs clients afin de leur rappeler la date de seconde injection du protocole de vaccination (14,81 %) et celle de rappel (15,09 %). Mais, il ne s’agit que d’une minorité de praticiens.

1 Lire aussi le dossier de ce numéro, pages 36 à 41.

2 Agence nationale de sécurité sanitaire/Agence nationale du médicament vétérinaire.

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