« Les vétérinaires de La Réunion sont mobilisés contre l’errance animale » - La Semaine Vétérinaire n° 1740 du 16/11/2017
La Semaine Vétérinaire n° 1740 du 16/11/2017

ENTRETIEN AVEC HÉLÈNE ENCATASSAMY-RONDEAU

ACTU

Auteur(s) : PROPOS RECUEILLIS PAR TANIT HALFON 

Hélène Encatassamy-Rondeau (T 03), présidente du Groupe d’étude vétérinaire sur l’errance des carnivores à La Réunion, évoque le dynamisme de l’association.

Quelles problématiques l’errance animale engendre-t-elle à La Réunion ?

D’abord, avoir des animaux errants donne une mauvaise image de La Réunion et pénalise le tourisme. Les meutes de chiens font aussi courir des dangers pour l’être humain (morsures de promeneurs ou accidents de la voie publique, notamment), mais aussi pour les animaux, de nombreux troupeaux pouvant être attaqués. Les associations de protection animale sont rapidement saturées, et ne trouvent pas assez d’adoptants pour les animaux recueillis. Si, globalement, le chat errant pose moins de problèmes que le chien, la vigilance est de mise dans les Hauts de l’île, où l’animal menace la faune sauvage protégée. Dans les zones portuaires, il est plutôt bien toléré par les pêcheurs, car il participe à la gestion des déchets en les ingérant, et diminue la pression d’invasion des rats. On trouve, dans ce cas, des groupes de chats libres d’associations. En revanche, certaines associations continuent à nourrir des meutes de chiens errants, ce qui favorise la multiplication des rats néfastes pour la faune et la flore localement. Au final, près de 15 % des euthanasies dans les fourrières de France, départements et régions d’outre-mer (Drom) inclus, concernent notre seule île !

Comment le vétérinaire de La Réunion s’engage-t-il sur cette question ?

Le Groupe d’étude vétérinaire sur l’errance des carnivores à La Réunion (Gevec) est une association loi 1901, créée par des vétérinaires, en 1998, pour lutter contre l’errance animale, et les euthanasies qui en découlent. Aujourd’hui, près de 95 % des vétérinaires de l’île y adhèrent. En pratique, le Gevec répond aux appels d’offres lancés pour les campagnes de stérilisation des carnivores domestiques. L’adhésion massive des praticiens de l’île permet une négociation unique des tarifs, un monopole par quelques structures vétérinaires n’ayant de toute façon que peu d’intérêt financier. De plus, ce bon maillage géographique facilite la diffusion de la stérilisation sur toute l’île. Actuellement, le Gevec prend en charge toutes les campagnes menées à La Réunion, sauf celles de la ville de Saint-Denis, assumées par la Société protectrice des animaux.

Les campagnes de stérilisation suffisent-elles à lutter contre l’errance animale ?

Non, et tous les acteurs de terrain (vétérinaires, associations, politiques) sont d’accord sur ce point. Un simple ressenti n’étant pas suffisant, et vu le manque de données chiffrées sur la question, une étude, financée par la préfecture à hauteur de 100 000 €, est menée par deux consœurs du lycée agricole de Saint-Paul, pour apprécier la situation de l’île et évaluer l’efficacité des campagnes de stérilisation. Nous avons d’autres pistes de réflexion, comme mener des campagnes d’identification, rendre obligatoire la stérilisation ou verbaliser systématiquement les propriétaires des animaux divagants, qui est un phénomène très répandu sur notre île.

PLUSIEURS CATÉGORIES D’ANIMAUX ERRANTS

- Vrais chiens errants : sauvages, ils sont souvent organisés en meutes près de zones de nourrissage (aires de pique-nique, par exemple) ;
- Chiens divagants : ces animaux, pas forcément identifiés ni stérilisés, ont des propriétaires. Ils errent une grande partie du temps, rejoignant potentiellement les meutes de chiens errants ;
- Chiens communautaires : ces individus sont rattachés à des quartiers où ils sont nourris par des familles ;
- Chats sauvages dans les zones naturelles : ils menacent la faune sauvage protégée ;
- Chats sauvages en zone urbaine : ces groupes de chats sont maintenus par des associations ou des particuliers, qui se chargent de les nourrir et éventuellement de les stériliser.

LE PLAN DE LUTTE CONTRE L’ERRANCE ANIMALE

Face à une situation préoccupante (15 000 chiens et chats errants comptabilisés en 2016), l’État a décidé de mener des actions de terrain pour endiguer l’errance animale. Le plan de lutte repose d’abord sur les campagnes de stérilisation, financée à hauteur de 600 000 € pour trois ans (2017-2019), l’objectif étant d’arriver à 2 000 interventions supplémentaires par an, soit une hausse de 50 % des actes. S’ajoute une étude (entretien ci-dessus) qui a pour but d’évaluer la situation de l’errance sur l’île, afin de mieux orienter les politiques de gestion. Enfin, une campagne de sensibilisation du grand public, à laquelle participe activement le Groupe d’étude vétérinaire sur l’errance des carnivores (Gevec) à La Réunion est bientôt prévue, à travers des affiches, des spots publicitaires ou encore des flyers.
Abonné à La Semaine Vétérinaire, retrouvez
votre revue dans l'application Le Point Vétérinaire.fr