Les femmes dans les institutions professionnelles vétérinaires - La Semaine Vétérinaire n° 1739 du 09/11/2017
La Semaine Vétérinaire n° 1739 du 09/11/2017

DOSSIER

La dynamique qui voit les jeunes femmes peupler à plus des trois quarts les effectifs des écoles vétérinaires, en France, ne trouve pas encore un écho semblable au sein des institutions professionnelles vétérinaires. Mécaniquement, cependant, les ressorts de l’inertie qui la freine encore finiront bien par s’user.

La féminisation de la profession est attestée à la fois comme état (la parité a été atteinte en février 2017, avec autant de femmes que d’hommes – 9 119 – inscrits à l’Ordre national des vétérinaires) et comme dynamique (les femmes représentent une très grande majorité des nouveaux entrants dans la profession et plus de 75 % des vétérinaires de moins de 30 ans). Ce phénomène massif est cependant trop récent pour se traduire identiquement dans les instances professionnelles les impliquant. Au Conseil national de l’Ordre des vétérinaires (CNOV), elles sont 3 sur 12 ; au conseil d’administration du Syndicat national des vétérinaires d’exercice libéral (SNVEL), elles sont 3 sur 15 ; à la Société nationale des groupements techniques vétérinaires (SNGTV), elles sont 1 sur 5 au comité directeur, 1 sur 14 au conseil d’administration et 5 présidentes de GTV régionaux sur 24. Mais elles sont à la tête de deux des quatre écoles nationales vétérinaires (Isabelle Chmitelin à Toulouse, en Haute-Garonne, et Emmanuelle Soubeyran à Lyon, dans le Rhône), ainsi que de l’Organisation mondiale de la santé animale (OIE), avec Monique Eloit.

« Être une femme ne nous dessert pas »

Ce paysage se féminise donc et les institutions, ignorant la discrimination de genre, favorisent ce mouvement : « Incontestablement, une grande ouverture a été faite dans ces instances, les femmes y sont de plus en plus nombreuses », témoigneCatherine Roy, membre permanent du groupe d’experts de l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN). « Je pense que je suis arrivée au conseil d’administration du SNVEL parce que j’étais une femme. J’étais la plus jeune et la seule. Être une femme ne nous dessert pas pour être élues », explique Françoise Bussiéras. « Lors de ma première candidature à l’élection au conseil régional de l’Ordre d’Aquitaine, raconte Corinne Bisbarre, l’un des arguments du président de l’époque pour m’encourager à me présenter était qu’il n’y avait alors aucune femme dans l’instance, tandis qu’elles étaient de plus en plus représentatives dans la profession. » « Au ministère de l’Agriculture, complète Emmanuelle Soubeyran, j’ai le sentiment d’avoir bénéficié de la confiance de mes patrons, et c’était presque plus facile du fait qu’il n’y avait pas beaucoup de femmes. J’ai plutôt le sentiment que l’on cherchait à m’aider, à me promouvoir. » « Quand j’étais en abattoir, être une jeune femme était presque un atout parce que je pouvais dire des choses qui n’auraient jamais été admises d’un homme », se souvient, pour sa part, Isabelle Chmitelin.

« Le plus discriminant était parfois d’être… vétérinaire ! »

Si discriminations il y a eu, elles sont anciennes. Elles pouvaient relever alors d’un vrai machisme, comme le raconte Corinne Bisbarre : « Au début de ma carrière, cela m’est arrivé d’avoir des clients qui refusaient de passer avec moi parce que j’étais une femme, ou qui, ne pouvant m’imaginer comme une vétérinaire, me confondaient avec une secrétaire. L’un est allé jusqu’à demander un deuxième avis à un confrère parce que j’étais enceinte et que je ne pouvais pas raisonnablement, à ses yeux, être en capacité d’établir un diagnostic ! » Cela pouvait aussi relever d’une forme de condescendance : « Lors de mes premières années d’inspection en abattoir dans le centre de la France, on m’appelait “mademoiselle” quand on servait à un confrère plus âgé du “docteur” à toutes les phrases ! », confirme Isabelle Chmitelin. Ces discriminations pouvaient émaner de la profession elle-même ! « J’ai toujours été bien accueillie par les éleveurs, assure Stéphanie Philizot, vice-présidente de la SNGTV. Le milieu rural est moins machiste qu’il n’y paraît. Les résistances, au début, il y a 18 ans, venaient davantage des confrères. Mais je suis persuadée que, dans les jeunes générations, c’est un débat qui va s’éteindre. »

Le plus discriminant était parfois d’être… vétérinaire, comme l’a constatée Emmanuelle Soubeyran : « Il peut être difficile de faire comprendre, dans la haute administration publique, que les vétérinaires, hommes ou femmes, sont aptes à occuper les postes qu’ils occupent au-delà des sujets typiquement sanitaires. » Il n’en demeure pas moins que l’accession aux postes à responsabilité ne va pas encore de soi et que, dans la société française, le machisme culturel sévit toujours : « On nous confie plutôt les sciences molles que les chiffres, alors que je suis moi-même davantage portée vers eux », reconnaît Françoise Bussiéras.

Un soutien familial fort

L’éducation des enfants constitue également un frein à l’engagement des femmes dans ces instances professionnelles. Stéphanie Philizot souligne qu’« il y a des choix à faire, dans une profession libérale, notamment celui de fonder une famille. On ne peut pas être aussi disponible quand on veut se consacrer à ses enfants ». « Je n’ai vraiment pu m’engager que lorsque ma fille a été suffisamment autonome, renchérit Catherine Roy. Je ne pouvais pas m’absenter autant que maintenant. »

Pour autant, le soutien de la famille est souvent mis en avant pour permettre ce type d’engagement. Emmanuelle Soubeyran a « eu la chance d’avoir un mari qui [l’]a toujours poussée. Travailler dans un cabinet ministériel, où les journées sont très longues, ou partir un an à l’École nationale des services vétérinaires (ENSV) de Lyon avec ses trois enfants sous le bras, cela nécessite un soutien familial fort. Je l’avais ». Et Véronique Luddeni, vice-présidence du SNVEL, d’ajouter que « la possibilité de réalisation de son parcours professionnel dépend aussi des personnes avec lesquelles on vit. Il leur faut de l’ouverture d’esprit, qu’elles comprennent nos passions ».

« Il y a encore à faire »

Des passions mues par un caractère affirmé. Jacqueline Bastien, présidente de la commission médicament de la SNGTV, a « le sentiment que les jeunes femmes se mettent parfois elles-mêmes des barrières. Il convient de ne rien s’interdire. Mais il faut avoir envie de donner du temps pour la vie associative. C’est un état d’esprit ». « Ce que j’espère le plus, au niveau professionnel, insiste Corinne Bisbarre, c’est que l’on parvienne à un gommage complet de la notion de genre. Je ne veux pas la parité, même si à un moment il faut en passer par la loi pour l’imposer afin de faciliter l’accession des femmes aux postes à responsabilité. Je suis toujours désolée d’avoir le sentiment que, trop souvent encore, on considère qu’une femme est à son poste parce qu’elle a bénéficié de la parité. Que chacun soit promu selon ses seules compétences. Il y a encore à faire ! » « Ami journaliste, interroge Stéphanie Philizot, pourquoi devrions-nous penser un problème en tant que femme et non en tant que qualifiée pour le penser ? » C’est dit !

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