Prise en charge de la “gale de boue” - La Semaine Vétérinaire n° 1737 du 26/10/2017
La Semaine Vétérinaire n° 1737 du 26/10/2017

SYNTHÈSE

PRATIQUE MIXTE

Formation

Auteur(s) : MARION BOIDOT 

Les affections cutanées sont l’un des principaux motifs d’appels des propriétaires d’équidés et, parmi celles-ci, la “gale de boue”, ou dermatite du paturon, reste l’un des syndromes cutanés les plus fréquemment rencontrés en pratique équine. Sa prise en charge étant parfois compliquée, sa guérison souvent longue et les récidives fréquentes, la gale de boue peut être un casse-tête. Voici un point sur les affections sous-jacentes et sur leur prise en charge.

Présentation clinique1

La maladie touche tous les équidés sans réelle distinction de sexe, de race ou d’âge. Les races à fanons longs sont toutefois très prédisposées.

L’environnement joue un rôle prépondérant dans la survenue des lésions (photo 1), dont le développement est favorisé par l’humidité (boue, litières) ou les sols abrasifs (sable). Les conditions météorologiques – froid, humidité, mais aussi soleil – ont également une influence.

La dermatite affecte généralement la partie distale du membre. Elle se caractérise par un œdème et un érythème, associés à un squamosis, ces lésions évoluant rapidement vers une dermatite exsudative associée à des croûtes épaisses et parfois à des lésions ulcératives. Le prurit et la douleur associés à ce tableau clinique sont très variables.

Une hyperkératinisation et des crevasses apparaissent avec la chronicité, jusqu’au développement de proliférations nodulaires lichénifiées lors de l’évolution terminale.

L’état général n’est qu’exceptionnellement altéré.

Étiologies sous-jacentes1, 2

Dans la très grande majorité des cas, le développement de la maladie est lié à une dégradation primaire du revêtement cutané sous l’effet de facteurs environnementaux. Notamment, une humidité persistante au niveau des membres (boue, défaut de nettoyage ou de séchage, fanons très longs) ou une irritation (abrasion, allergie à un topique) peuvent être à l’origine d’une inflammation ou d’une macération, favorables à une surinfection.

Pyodermite du paturon

Il s’agit de la forme la plus commune de gale de boue, notamment en raison des surinfections qui interviennent facilement sur toutes les affections inflammatoires du membre. Deux bactéries sont principalement mises en cause dans les pyodermites du paturon : Staphylococcus aureus (parfois associé à S. intermedius) et Dermatophilus congolensis.

Dermatophytose

Il s’agit d’une cause rare de dermatite du paturon, mais la possibilité d’une forme opportuniste sur un épiderme déjà lésé ou très inflammé doit être envisagée.

La gale “vraie”, due à l’infestation par Chorioptes, est caractérisée par une réaction inflammatoire locale forte, à l’origine d’un prurit parfois intense. Les lésions cutanées (alopécie, hyperkératinisation, crevasses) dépendent en partie de l’intensité des démangeaisons. Cette affection touche plus spécifiquement les chevaux à fanons longs, et est contagieuse. Elle peut persister au sein de l’effectif d’un hiver à l’autre, certains chevaux étant porteurs sains.

Certaines formes de gales de boue sont toutefois essentiellement inflammatoires2, 3. Ainsi, il est possible de rencontrer des formes estivales liées à une vascularite, souvent exacerbée par la lumière, ressemblant à une photosensibilisation locale. Dans cette forme, les lésions touchent surtout les zones claires ou peu pigmentées ; elles deviennent coalescentes en évoluant, puis peuvent prendre un aspect verruqueux au stade chronique.

Prise en charge de première intention

La gale de boue est un syndrome commun à plusieurs affections. Les conditions d’apparition de la maladie sont très informatives : la saisonnalité, les conditions de vie et les traitements déjà mis en place, notamment, permettent d’orienter le diagnostic.

En première intention, il convient d’améliorer les conditions environnementales, afin de lutter contre les phénomènes de macération ou d’irritation et de traiter la pyodermite si une surinfection bactérienne est soupçonnée.

Prise en charge environnementale 1, 2

- Litières propres et sèches.

- Exclusion des sols boueux.

- Nettoyage des membres après chaque sortie du cheval.

- Membres nus, à l’exception des cas de photosensibilisation ou des protections anti-UV peuvent être posées si le cheval est à l’extérieur la journée.

Soins locaux 1, 2, 4

- Tonte de toute la partie distale du membre (photo 2).

- Désinfection locale : utiliser un shampoing à base de chlorhexidine plutôt que de la povidone iodée, susceptible d’aggraver l’irritation locale. Les shampoings doivent être envisagés quotidiennement pendant 7 à 10 jours minimum.

- Séchage minutieux après chaque shampoing.

Traitements topiques

- Pommades cicatrisantes : afin d’éviter toute macération, il est préférable d’utiliser des pommades avec de la lanoline, en évitant les formulations à base de vaseline. Par ailleurs, une étude a validé l’efficacité de miel stérile concentré à 25 ou 50 % dans la cicatrisation des lésions et dans la réduction de la population bactérienne5.

- Antibiotiques locaux : l’application d’antibiotiques par voie locale ne peut se substituer à des soins locaux. Il convient par ailleurs de prendre conscience qu’ils ne seront utiles que lors de pyodermites superficielles, la pénétration transcutanée des antibiotiques non critiques étant faible2. Le choix doit alors se porter sur un antibiotique comme l’acide fusidique (Forudine®), deux fois par jour, sur les lésions peu étendues, et idéalement après un antibiogramme, du fait des résistances bactériennes fréquentes.

Les études déconseillent les pommades contenant des corticostéroïdes car, si une amélioration rapide est notée lors des premières utilisations, elles semblent entraîner un amincissement cutané et favoriser les récidives et les surinfections cutanées2. S’il semble nécessaire d’agir sur l’inflammation locale, il est préférable d’envisager un traitement systémique court (dexaméthasone 0,05-0,1 mg/kg, une fois par jour).

L’amélioration des conditions environnementales et la mise en place d’une hygiène locale suffit généralement à la cicatrisation. Il est néanmoins impératif de se rappeler que, dans le cas d’une pyodermite simple et superficielle, 3 semaines de traitement avant cicatrisation complète seront nécessaires.

Deuxième partie de la prise en charge

En cas d’échec lors de la prise en charge de première intention, des examens complémentaires peuvent être nécessaires pour obtenir un diagnostic étiologique et mettre en place un traitement ciblé.

Examens complémentaires 1, 6

- Raclage cutané : il est nécessaire d’examiner le prélèvement immédiatement au microscope pour confirmer l’hypothèse d’une gale chorioptique.

- Biopsie cutanée : la biopsie peut être intéressante, d’une part dans l’hypothèse d’une dermatite inflammatoire type vascularite et, d’autre part, afin de réaliser une culture bactériologique (associée à un antibiogramme) et éventuellement fongique.

Utilisation des antibiotiques en accord avec la lutte contre l’antibiorésistance 1, 2 , 7, 8

Le respect des bonnes pratiques implique de limiter l’usage des antibiotiques systémiques aux molécules non critiques (pénicilline, triméthoprime-sulfamides), sans les substituer aux soins locaux et à l’amélioration des conditions environnementales. L’utilisation d’antibiotiques critiques est à réserver exclusivement aux lésions ayant fait l’objet d’une culture et d’un antibiogramme.

Traitements antiparasitaires

En cas de suspicion d’une gale vraie par Chorioptes equi, ou après un raclage positif, un traitement antiparasitaire local (Sebacil®) doit être envisagé.

Traitements antifongiques

Lors de suspicion d’une dermatophytose, des applications locales d’énilconazole (Imaveral®) tous les quatre jours, pendant 16 jours, sont nécessaires.

Dans tous les cas, la prise en charge de la gale de boue se doit donc d’être minutieuse et méthodique. La relation avec le client est fondamentale pour le faire adhérer aux différentes mesures environnementales et hygiéniques, qu’il convient de maintenir dans le temps et qui sont indispensables à la guérison.

1 Akucewich L. Equine dermatology I. Proceeding of the NAVC 2005. 85-88.

2 Marianne M. Sloet van Oldruitenborgh-Oosterbann, equine pastern dermatitis, an unsolved problem ? Proceeding of the Beva congress 2011. 119-120.

3 Hendrickson D. What you should and you should not put in or on a wound. Proceeding of the AAEP annual convention 2015. Vol. 61, 9-12.

4 Knottenbelt D. C. Some enigmas in equine skin disease. Proceeding of the Weva congress 2011.

5 Halkes S. et coll. Honey treatment of equine pastern dermatitis. Proceeding of the EVC 2012. 307.

6 Knottenbelt D. C. The principles of dermatologic diagnosis. Proceeding of the Weva congress 2008.

7 Heripret D. Se sortir d’une infection cutanée en 2017. Proceeding of FranceVet 2017.

8 Recommandation pour l’usage des antibiotiques. Commission Avef thérapeutique. 2014, bit.ly/2imXIhp.

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