L’analyse de l’Académie sur la télémédecine vétérinaire - La Semaine Vétérinaire n° 1737 du 26/10/2017
La Semaine Vétérinaire n° 1737 du 26/10/2017

ACADÉMIE VÉTÉRINAIRE DE FRANCE

ACTU

Auteur(s) : PIERRE DUFOUR 

À la demande du Conseil national de l’Ordre des vétérinaires, une séance publique portant sur la télémédecine vétérinaire, coordonnée par notre confrère Francis Desbrosse, s’est tenue ce 19 octobre à Paris.

Le numérique occupe une place croissante dans nos vies professionnelle et privée, principalement grâce au développement des nouvelles techniques et technologies, auquel le domaine de la santé n’échappe pas. Sujet d’actualité, la télémédecine vétérinaire était au centre de la séance publique qui s’est tenue, à l’initiative du Conseil national de l’Ordre des vétérinaires (CNOV), le 19 octobre dernier à l’Académie vétérinaire de France.

Selon l’Organisation mondiale de la santé, la télémédecine est « la partie de la médecine qui utilise la transmission par télécommunication d’informations médicales en vue d’obtenir à distance un diagnostic, un avis spécialisé, une surveillance continue d’un malade, une décision thérapeutique ». Attention à bien différencier télémédecine et télésanté, où la présence du médecin n’est pas obligatoire, télémédecine et télésanté pouvant toutefois, bien entendu, se recouper. La santé vétérinaire numérique, ou télésanté vétérinaire, de par sa diversité d’exercice et d’espèces, pourrait alors concerner la médecine liée au bien-être des animaux.

La télémédecine vétérinaire : une définition s’impose

Notre confrère François Valon, praticien en équine et membre de l’Académie, rappelle, dans un premier temps, que la télémédecine vétérinaire est dépourvue d’un cadre juridique en France, comme en Europe. À cette pauvreté réglementaire s’ajoute une pauvreté documentaire, seuls 30 articles étant disponibles à son sujet sur Pubmed, contre 20 000 pour la télémédecine humaine. Aucun organisme n’encadre ni ne supervise spécifiquement ce genre d’exercice, et certaines activités vétérinaires peuvent d’ores et déjà être considérées comme de la télémédecine.

De par ce manque d’informations, la télémédecine vétérinaire, selon notre confrère, « se constitue et s’organise sur les bases scientifiques de la télémédecine humaine ». On peut alors comprendre que la médecine vétérinaire suivra logiquement l’exemple de la médecine humaine.

Juridiquement, selon le décret n° 2010-1229 du 19 octobre 2010 du Code de la santé publique, la télémédecine humaine est composée de cinq actes.

Tout d’abord, la téléconsultation « a pour objet de permettre à un professionnel médical de donner une consultation médicale à distance à un patient ».

La téléexpertise permet à un professionnel médical « de solliciter à distance l’avis d’un ou de plusieurs professionnels médicaux en raison de leurs formations ou de leurs compétences particulières ».

La télésurveillance médicale permet le suivi médical à distance et « l’interprétation à distance de données ».

La téléassistance médicale permet à un professionnel de santé d’être « assisté à distance par un autre professionnel de santé ».

Enfin, le cinquième acte concerne la réponse médicale pouvant être apportée « dans le cadre de la régulation médicale » (via le 15, par exemple, ou des services téléphoniques de triage), sans que soit réalisé un diagnostic.

La téléconsultation : de l’importance du contrat de soins

La téléconsultation se justifie en médecine humaine en grande partie par les déserts médicaux et une vitesse accrue de prise en charge des patients. Elle peut également être demandée dans le cadre d’un deuxième avis et s’inscrire dans le parcours de soins ou faire l’objet de téléconseils spécifiquement dédiés.

L’accord et la bonne compréhension du patient – en ce qui nous concerne, du propriétaire –, comme lors d’une consultation classique, sont essentiels et cette consultation doit faire partie d’un contrat de soins entre les deux parties. Il permettra le consentement éclairé du propriétaire de l’animal, qui doit avoir une pleine connaissance de la téléconsultation et de ses limites. C’est aussi au sein de celui-ci que s’applique l’éthique professionnelle du vétérinaire.

À titre d’exemple, l’American Veterinary Medical Association (AVMA), aux États-Unis, et le College of Veterinarians of Ontario (CVO), au Canada, recommandent que la télémédecine soit conduite dans le cadre d’une relation vétérinaire-propriétaire-animal ou VCPR (pour veterinarian-client-patient relationship) déjà existante.

La différence entre consultation et téléconsultation invite également à redéfinir l’examen clinique, qui s’étend aujourd’hui à un examen en présence de l’animal, nécessaire à l’établissement d’un diagnostic.

La consultation se conclut souvent par une prescription et une délivrance, mais qu’en est-il pour la téléconsultation ? La question reste ouverte et en soulève de nombreuses autres, notamment en ce qui concerne la confidentialité et la sécurité des données, l’authentification du professionnel de santé et l’identification de l’animal.

Enfin, c’est bien l’acte vétérinaire qui est central et qui permet de savoir s’il s’agit ou non d’une téléconsultation. En effet, si cet acte ne nécessite pas de nouveau contrat de soins, il s’agit de téléassistance ou de téléexpertise.

La téléexpertise et la téléassistance : un meilleur accès aux spécialistes ?

Téléexpertise et téléassistance sont déjà courants dans notre profession, par téléphone, échange d’e-mails entre confrères, mais aussi par l’analyse à distance d’échantillons, en anatomie pathologique ou en biologie médicale.

Selon notre confrère Emmanuel Bensignor, spécialiste en dermatologie et membre de l’Académie, la téléexpertise encouragerait l’accès aux spécialistes. L’échange de connaissances entre vétérinaires serait facilité et conduirait, par voie de conséquence, à une meilleure prise en charge des animaux.

En médecine humaine, le diagnostic des tumeurs cutanées peut déjà se faire en ligne, grâce à un protocole spécifique, un logiciel sécurisé et une signature électronique.

Rappelons que la téléexpertise n’est néanmoins pas tributaire de la verticale spécialiste-généraliste et concerne tous les vétérinaires.

La question de la responsabilité est posée : si une erreur est commise par un vétérinaire sous les conseils d’un autre, qui est responsable ? Michel Baussier, président d’honneur du CNOV, rappelle que c’est le « juge qui, en dernier recours, en décide, via la jurisprudence, et ce, depuis 1936 ».

Notre confrère Paul Barthez, spécialiste en radiologie et membre de l’Académie, a ensuite présenté Vedim, un système opérationnel depuis 2011. Cette plateforme de téléradiologie vétérinaire, qui traite 10 000 interprétations d’images par an, principalement de scanners, propose aux praticiens un diagnostic radiologique sous 24 h. Les images sont interprétées par des spécialistes et permettent à des vétérinaires d’affiner leur prise en charge.

La radiologie a connu un bond extraordinaire en 2000 aux États-Unis, avec l’avènement des appareils de radiologie numérique, créant ainsi de nouvelles opportunités commerciales et médicales.

« Que penser aujourd’hui de l’intelligence artificielle, en particulier dans ce domaine ? », questionne Denis Avignon, vice-président du CNOV.

Télésurveillance : vers une médecine collective ?

Pascal Fanuel, praticien, conseiller au CNOV et membre de l’Académie, a présenté la télésurveillance dans le cas de l’élevage. Grâce au suivi instantané des données, la télésurveillance permettrait de définir des critères d’alerte et d’intervention. On peut penser notamment aux taux cellulaires pour les mammites et à la température pour les chaleurs. Tout l’enjeu consiste en la création d’une plateforme unique réunissant les données sanitaires et techniques, adaptable aux exigences d’un suivi global du troupeau. Certaines inquiétudes demeurent, comme le risque de surdiagnostic, ou, comme pour toute machine, le doute quant aux résultats qu’elle donne, ce qui nécessite l’étude et le calcul de leur sensibilité, de leur spécificité, afin d’analyser toutes ces nouvelles données. Au-delà de l’élevage, la télésurveillance, grâce au nombre prodigieux de données qu’elle émet, serait alors épidémiologique.

De la nécessité de prendre part à la révolution numérique

La télémédecine est un nouvel outil pour la profession, qui, en tant que tel, apporte de nombreuses opportunités, aussi innovantes qu’enthousiasmantes, mais il convient de bien peser les risques qu’elle peut entraîner. Selon l’Académie, ces risques sont « la non-maîtrise de l’information, la dérive vers du commerce électronique non régulé, l’ubérisation, la diminution du maillage territorial, le manque de confidentialité lié à Internet, la déshumanisation de la médecine vétérinaire ».

De cette séance publique ressort la nécessité, presque urgente, pour la profession de s’approprier ces technologies, d’être proactive et de mener la construction de la médecine de demain. Certaines pistes se dégagent, comme la création d’une société dédiée à la télémédecine, la rédaction de recommandations par les organismes techniques, l’ajout de la télémédecine dans la formation initiale, ou encore la poursuite de la recherche scientifique dans ce domaine.

Pour conclure, il apparaît que la rigueur et les exigences liées à la profession vétérinaire et à son exercice soient à transposer à la télémédecine, en gardant toujours à l’esprit que c’est notre profession qui écrit son avenir.

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