Gens de peu ?

Longtemps après l’avoir vu, Sans Adieu continuera d’irradier en vous sa lumière sombre. À la fois âpre et tendre, ce film humaniste nous renvoie à un monde perdu au fond de nous-mêmes. Photographe installé à New York, mais originaire de Montbrison (Loire), Christophe Agou a photographié¹ et filmé de 2002 à 2014 de vieux paysans du Forez (de petits éleveurs rencontrés en suivant les visites d’un ami vétérinaire) avec qui il a pris le temps de nouer des relations de confiance. Sous des cieux tragiques, dans la boue des cours ou à l’intérieur de fermes chaotiques, au milieu des chats et des poules, nous regardons – et écoutons – vivre des gens laborieux et pauvres, infiniment respectables : l’incroyable Claudette (indomptable au téléphone dans ses démêlés avec la société d’aménagement foncier et d’établissement rural, la Safer), les formidables Christiane, Mathilde, Jeannot (offensé, meurtri par l’abattage sanitaire de son troupeau pour cause d’encéphalopathie spongiforme bovine), le taiseux Raymond, Jean (esseulé depuis le décès de son frère)… Autant de figures oubliées, voire sacrifiées, par une modernité dont elles ne sont pourtant pas dupes, et qui, bien qu’incarnant un monde voué à l’extinction, nous apparaissent ici étonnamment résistantes. La très grande proximité du photographe avec ses protagonistes, l’absence totale de complaisance de ses cadres donnent à ce film une force inédite. Christophe Agou est mort en septembre 2015 avant de l’avoir finalisé et c’est grâce à un miracle de ténacité et d’entraide qu’il existe aujourd’hui et peut sortir en salles.
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¹ Photos qui ont fait l’objet d’un ouvrage chez Actes Sud, Face au silence, prix européen du livre de photographie (2010).

Sans adieu de Christophe Agou, France, 2017, 1 h 39, sortie le 25 octobre.