Abcès ombilical chez un lapin nain - La Semaine Vétérinaire n° 1737 du 26/10/2017
La Semaine Vétérinaire n° 1737 du 26/10/2017

CAS CLINIQUE

PRATIQUE CANINE

Formation

Présentation du cas

Motif de consultation et examen clinique

Un lapin nain mâle entier de 4 mois est présenté en consultation pour gestion d’un abcès ombilical. Ce dernier a été diagnostiqué par un confrère à la suite de radiographies et d’une échographie abdominale. Il avait été traité médicalement en première intention, avec plusieurs injections d’oxytétracycline. Le volume de l’abcès avait alors bien diminué, mais réaugmentait dès l’arrêt des antibiotiques et l’état général du lapin commençait à se dégrader (diminution de l’appétit et ralentissement du transit, principalement). En consultation, le lapin présente un assez bon état général. Une malocclusion des quatre incisives est relevée et une tuméfaction abdominale ventrale en région ombilicale, avec un pelage souillé autour de l’ombilic, est notée. La palpation est inconfortable et une masse intra-abdominale ferme, volumineuse (au moins 8 cm de diamètre) est palpable.

Traitement

Le lapin est gardé en hospitalisation en vue d’une laparotomie curative le lendemain. La douleur est gérée à l’aide de méloxicam (1 mg/kg, par voie sous-cutanée [SC], en une prise quotidienne) et de buprénorphine (0,06 mg/kg, SC, deux fois par jour). La couverture antibiotique est assurée par une injection unique de pénicilline G (53 mg/kg, en intramusculaire [IM]). Le lendemain, le lapin est prémédiqué avec de la morphine (1 mg/kg, IM) et du midazolam (0,5 mg/kg, IM), puis induit au propofol après mise en place d’un cathéter sur la veine saphène externe gauche. L’entretien de l’anesthésie se fait à l’isoflurane après intubation endotrachéale à l’aide d’une sonde de 2 mm (photo 1). Une perfusion de chlorure de sodium (NaCl) 0,9 % est mise en place pendant toute la durée de la chirurgie (10 ml/kg/h) et de l’hospitalisation (5 ml/kg/h). Le monitoring est assuré par un oxymètre de pouls et un électrocardiogramme. Le site est préparé chirurgicalement : l’abdomen est tondu de l’appendice xiphoïde jusqu’au pubis et latéralement aux chaînes mammaires, puis nettoyé et désinfecté à la chlorhexidine savon et solution. Une incision cutanée en côte de melon autour de l’ombilic et celle du plan musculaire sur la ligne blanche permettent de disséquer autour de la masse (photo 2). Une dissection à la compresse permet d’isoler le pédicule ombilical constitué des vestiges d’artères ombilicales et, à l’opposé, un vestige du canal de l’ouraque vers la vessie. Il est ligaturé avec un fil tressé d’acide polyglycolique 3.0 et sectionné. La cavité abdominale est maintenue ouverte avec un écarteur de Lonestar, ce qui permet d’objectiver l’absence d’autres lésions ou de malformation (photo 3). L’abcès est intégralement retiré avec sa capsule, sans fuite du contenu dans la cavité abdominale (photo 4). Il constitue 10 % du poids total du lapin. La paroi musculaire est suturée par un surjet simple en polyglécaprone 25 3.0 et le plan cutané par un surjet simple en polyamide monofilament 4.0.

Suivi

Le lapin se remet très bien de son anesthésie, il a de l’appétit et un transit dès le lendemain. Il est rendu avec une prescription de méloxicam (1 mg/kg per os [PO], une fois par jour pendant 5 jours), au bout de 2 jours d’hospitalisation postchirurgicale. Au contrôle 10 jours plus tard, il est en bon état général, le transit et l’appétit sont normaux, et la plaie chirurgicale est bien cicatrisée. Aucune masse n’est sentie à la palpation abdominale.

Discussion

> Rappel anatomique

Le cordon ombilical est constitué d’une gaine amnio-cutanée renfermant deux artères et une veine ombilicales ainsi que le canal de l’ouraque, le tout baignant dans un tissu conjonctif avasculaire (gelée de Wharton). Il traverse la paroi abdominale au niveau de l’anneau ombilical, qui consiste en une perforation aponévrotique au sein de la ligne blanche et une perforation de la peau qui se replie en manchon. Il s’étire et se rompt au moment du part, les artères se rétractent pour donner les ligaments latéraux de la vessie, tandis que la veine et le canal de l’ouraque régressent.

> Étiologie

Les abcès constituent un motif de consultation fréquent chez le lapin, qu’ils soient d’origine dentaire, traumatique ou qu’ils soient consécutifs à une infection par des pasteurelles. En revanche, les abcès ombilicaux sont peu documentés et semblent rares chez les lagomorphes. Les cas décrits concernent plus souvent des veaux, des poulains et parfois des chiots. Pour ces espèces, plusieurs facteurs favorisants ont été mis en évidence. D’un point de vue épidémiologique, les mâles semblent plus touchés que les femelles. De mauvaises conditions environnementales, l’utilisation de désinfectants caustiques et un retard dans la prise colostrale peuvent également favoriser le développement d’un processus infectieux. En règle générale, il convient de se laver et de se désinfecter les mains avec soin lors de la manipulation des nouveau-nés, de veiller à l’hygiène du nid et à celle de la mère. Chez les carnivores domestiques, le développement d’abcès ombilicaux est fréquemment en lien avec une mauvaise hygiène buccodentaire de la mère. Si ce fait semble plus anecdotique chez les lagomorphes, la question mérite d’être soulevée, notamment dans le cas d’une infection dentaire. Les infections sont également favorisées par une coupe excessive du cordon, lorsque l’éleveur s’en charge lui-même. Enfin, les traumatismes néonataux (arrachage du cordon lors du part ou par léchage) occasionnant une plaie ombilicale béante favorisent également le développement d’une omphalite.

> Traitement

Le traitement médical est, comme l’illustre ce cas, souvent décevant. L’utilisation d’antibiotiques permet en règle générale de juguler l’infection, mais les récidives à l’arrêt du traitement sont quasi systématiques dans le cas d’abcès déjà collectés. Le traitement chirurgical constitue alors le traitement de choix, mais il convient de prendre toutes les précautions de soutien nécessaires au bon déroulement de l’anesthésie chez un lagomorphe, qui plus est pédiatrique. L’intubation endotrachéale est (quand elle est possible) fortement recommandée, ainsi que la mise en place d’une perfusion continue et d’un réchauffeur, d’un tapis chauffant ou de bouillotes. Le monitoring des fonctions respiratoire et cardiaque doit également être le plus rigoureux possible.

Juliette Magrans Praticien à FauneVet, CHV Atlantia à Nantes (Loire-Atlantique).

Emmanuel Risi Praticien à FauneVet, CHV Atlantia à Nantes (Loire-Atlantique).

Formations e-Learning

Nouveau : Découvrez le premier module
e-Learning du PointVétérinaire.fr sur le thème « L’Épanchement thoracique dans tous ses états »

En savoir plus

Boutique

L’ouvrage ECG du chien et du chat - Diagnostic des arythmies s’engage à fournir à l’étudiant débutant ou au spécialiste en cardiologie une approche pratique du diagnostic électrocardiographique, ainsi que des connaissances approfondies, afin de leur permettre un réel apprentissage dans ce domaine qui a intrigué les praticiens pendant plus d’un siècle. L’association des différentes expériences des auteurs donne de la consistance à l’abord de l’interprétation des tracés ECG effectués chez le chien et le chat.

En savoir plus sur cette nouveauté
Découvrir la boutique du Point Vétérinaire

Agenda des formations

Calendrier des formations pour les vétérinaires et auxiliaires vétérinaires

Retrouvez les différentes formations, évènements, congrès qui seront organisés dans les mois à venir. Vous pouvez cibler votre recherche par date, domaine d'activité, ou situation géographique.

En savoir plus


Inscrivez-vous gratuitement à nos Newsletters

Recevez tous les jours nos actualités, comme plus de 170 000 acteurs du monde vétérinaire.

Vidéo : Comment s'inscrire aux lettres d'informations du Point Vétérinaire

Retrouvez-nous sur
Abonné à La Semaine Vétérinaire, retrouvez
votre revue dans l'application Le Point Vétérinaire.fr