Valoriser la qualité du service autrement « Le vétérinaire doit faire le pari de l’innovation en se centrant sur son expertise » Valoriser la qualité du service autrement « Le vétérinaire doit faire le pari de l’innovation en se centrant sur son expertise »

Pour innover et développer son offre de service vétérinaire, pourquoi ne pas changer sa façon de voir les choses et s’inspirer de solutions innovantes… comme celle de Nicolas Chabanne ? Le fondateur de la marque du consommateur C’est qui le patron ?! est venu au forum Ergone, le 13 octobre, parler de son aventure. Plein d’idées, ce spécialiste de la distribution alternative de produits alimentaires, membre de la confrérie de la fraise de Carpentras et concepteur des Gueules cassées^®, ces fameux fruits et légumes “moches”, a lancé une brique de lait fin 2016, sans publicité, sans bureau et sans commerciaux, mais avec l’aide des réseaux sociaux et l’apport d’une consultation en ligne des clients. En effet, des milliers d’internautes consommateurs consultés via Internet ont été mis au centre du processus de fabrication, de l’élaboration du cahier des charges du produit et de la rémunération des éleveurs. Pour obtenir un litre de lait de qualité et équitable, il fallait persuader ces consommateurs qu’en dépensant 4 € de plus par an, ils l’obtiendraient et qu’ils participeraient alors à rémunérer les producteurs au juste prix. Résultat ? Nicolas Chabanne a ainsi vendu 18 millions de litres de lait équitable en dix mois, le ministère de l’Agriculture relayant ce succès sur son site.

Cette initiative a prouvé que les consommateurs sont prêts à payer plus cher un produit ou un service qui répond à leurs attentes. Dans le cadre des états généraux de l’alimentation, dont les résultats seront révélés en décembre, les producteurs sont poussés à s’organiser ensemble pour commercialiser leurs produits. Le client connecté devient l’un des moteurs de la stratégie des entreprises. Les structures vétérinaires sont donc concernées. Pour revaloriser son image et son rôle en santé publique, le praticien vétérinaire pourrait-il prendre exemple sur ces innovations pour convaincre les propriétaires d’animaux de la qualité de ses soins et du service rendu ? Et pourquoi pas s’en inspirer aussi pour personnaliser sa relation avec les clients, en décelant leurs attentes, tout en les responsabilisant ?À suivre.
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Alors qu’il détient le savoir médical le plus étendu des professionnels de santé, le vétérinaire a échoué au xx ^e siècle à s’imposer comme la pierre angulaire de la santé publique », a lancé notre confrère Frédéric Bizard, désormais économiste expert des questions de santé et enseignant à Sciences Po Paris, au 8^e forum Ergone à Lyon (Rhône), le 12 octobre. « Cette constatation est volontairement provocante, a-t-il ajouté. Le monde change, et une nouvelle organisation du pouvoir est apparue au xxi ^e siècle à la suite de la révolution numérique : un pouvoir en réseau et non plus vertical. Ce changement est anxiogène, mais c’est l’opportunité pour le vétérinaire de reconquérir la place qui est la sienne, et de faire reconnaître son expertise en santé publique. »

Être connecté et innover pour s’adapter

En effet, notre société évolue actuellement d’un pouvoir hiérarchique, vertical, vers un pouvoir horizontal, « où le but n’est plus d’être en haut de la pyramide, mais au centre du cercle, et où l’indicateur du pouvoir est le niveau de connectivité ». Il est ainsi primordial pour le vétérinaire d’être connecté afin d’évoluer dans le monde de demain. « Nous sommes à cheval entre deux mondes, et de nombreux métiers vont muter ou disparaître dans les 20 ans à venir : le vétérinaire n’a pas le choix, il doit s’adapter », explique Frédéric Bizard, qui déplore le décalage qui existe entre les organisations, qui évoluent peu, et le monde actuel.

Pour cela, le vétérinaire doit innover, car la croissance à long terme résulte de l’innovation. Tous les marchés actuels évoluent dans le même sens : la moyenne gamme plébiscitée jusque-là est abandonnée au profit soit du low cost, soit du haut de gamme. Avoir l’impression de remplir sa mission lorsqu’un animal est bien soigné n’est plus suffisant. Les nouvelles technologies rendent les anciennes obsolètes (principe de la destruction créatrice) et augmentent les coûts de santé, ainsi que les contraintes. Cependant, l’innovation ne devrait pas représenter un problème, mais être, au contraire, une opportunité d’évolution. Or, actuellement, « l’autonomie économique du libéral, qui peut entreprendre et innover, est abandonnée au profit du salariat. Pourtant, il n’est pas souhaitable que les professionnels de santé deviennent des fonctionnaires de l’État », s’alarme notre confrère.

Expertise et nécessité d’un leadership

Le vétérinaire doit ainsi se concentrer sur son cœur d’expertise, et ajouter de la pertinence à ses actes, c’est-à-dire leur donner de la valeur. Par exemple, déléguer tout ce qui peut l’être à d’autres lui permettrait de se concentrer sur ce qu’il est le seul à pouvoir exécuter (cœur d’expertise). De même, la médecine vétérinaire ne doit plus se centrer uniquement sur l’aval du risque, c’est-à-dire la prise en charge de la maladie, mais sur l’amont, c’est-à-dire le maintien en bonne santé des animaux le plus longtemps possible. Ainsi, « le vétérinaire doit faire le pari de l’innovation en se centrant sur son expertise, en repensant les pratiques et les organisations. C’est le seul rempart contre l’ubérisation de sa profession et l’unique façon de réguler le marché pour éviter de basculer dans le low cost ». De plus, s’engager dans la société est nécessaire. Le vétérinaire est potentiellement puissant sur le plan politique, mais il ne prend pas assez cette place de citoyen acteur responsable. « Pourtant, grâce au digital, tous les députés ou les sénateurs sont accessibles par e-mail ou tweet. Il convient d’en prendre conscience pour oser se faire entendre. »

Enfin, le concept One Health est une chance pour la profession, car elle la replace au cœur de la santé publique (santé animale humaine, chaîne alimentaire et biodiversité). Cependant, « il est temps qu’un leadership se constitue pour agir et faire évoluer la profession, en revalorisant la médecine vétérinaire par l’innovation et en régulant le marché dans l’intérêt de tous les acteurs ». Mais qui peut prendre ce leadership : le conseil de l’Ordre, les industriels, les associations de développement d’entreprise, chaque praticien individuellement ? La question reste posée.
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