Réforme du Code du travail : « Tout ça pour ça ! » - La Semaine Vétérinaire n° 1736 du 11/10/2017
La Semaine Vétérinaire n° 1736 du 11/10/2017

DROIT

ÉCO GESTION

Auteur(s) : SERGE TROUILLET 

Les cinq ordonnances de la réforme du Code du travail signées par Emmanuel Macron vont progressivement entrer en vigueur, d’ici au 1 er janvier 2018. Qu’en pensent les praticiens ? Témoignages de chefs d’entreprise vétérinaire.

Michel Radiguet, praticien mixte à Saint-Genis-Pouilly (Ain), considère la spécificité de la profession : « Je ne suis pas sûr que cette réforme change fondamentalement la donne pour nous. Notre marché du travail est en effet assez tendu, en ce sens que la majorité des vétérinaires peinent à recruter. Cela nous oblige davantage encore, au regard de nos employés, qu’ils soient vétérinaires ou auxiliaires spécialisés vétérinaires (ASV). Nous faisons le maximum pour les garder. Aussi, nous sommes tenus de bien réfléchir à leurs conditions d’exercice, aux relations professionnelles et humaines que nous nouons avec eux, à ce que l’on peut proposer pour les encourager à rester avec nous. »

Les grandes lignes des ordonnances lui apparaissent cependant aller dans le bon sens. Reste à en examiner le détail : « La mesure qui, selon moi, va le plus impacter les vétérinaires, c’est le plafonnement des indemnités prud’homales. Même si cela nous arrive très rarement, c’est quand même une crainte de devoir se retrouver aux prud’hommes avec des montants astronomiques à payer pour nos structures. »

Joëlle Baillet, praticienne mixte au Montet (Allier) et déléguée départementale du Syndicat national des vétérinaires d’exercice libéral (SNVEL), y voit également plus de lisibilité : « On parle là de licenciement abusif, ce à quoi je n’ai heureusement jamais été confrontée. Mais qui est parfait ? »

Plus de souplesse dans la gestion du personnel

L’argument selon lequel cette réforme vise à accorder plus de flexibilité aux entreprises afin de doper l’emploi séduit Michel Radiguet : « Je crois assez à ce concept de “flexisécurité” que d’aucuns pays européens développent plus avant ; il faudra aller plus loin. Les salariés doivent être convaincus que nous avons besoin de leurs compétences. En 35 ans de carrière, j’ai licencié deux personnes, tandis que j’en ai embauché plusieurs centaines. » À cet égard, précise-t-il, « la possibilité pour les branches professionnelles de modifier par accord la durée, le nombre de renouvellements et la période de carence des contrats à durée déterminée (CDD) concerne à la marge les entreprises vétérinaires qui embauchent essentiellement en contrat à durée indéterminée (CDI) ».

Avec trois salariés vétérinaires et trois ASV, Joëlle Baillet ne se sent à l’abri de rien. D’autant qu’elle ne trouve personne pour succéder à son associé, qui est parti à la retraite il y a six ans, et l’épauler. Aussi, que l’employeur ait un peu plus de souplesse dans la gestion de son personnel ne peut que lui convenir : « Pour autant, que certaines mesures me soient utiles ou non, j’ai toujours besoin de mon cabinet comptable auquel je fais pleinement confiance. Son soutien professionnel et ses conseils me sont indispensables. Je ne peux pas tout faire, tout savoir. »

Un référendum d’entreprise bienvenu

Désormais, jusqu’à 11 salariés, l’employeur pourra soumettre à référendum un projet d’accord sur l’ensemble des thèmes ouverts à la négociation d’entreprise. Pour être validé, l’accord devra être approuvé par les deux tiers du personnel. Cette possibilité est également offerte aux entreprises de 11 à 20 salariés sans élus du personnel. « Cela peut être intéressant pour des entreprises de notre taille, où on est une vingtaine de personnes, dont une douzaine de salariés. Pouvoir en interne, dans une entreprise, discuter en direct avec les salariés, sans avoir à passer par une négociation à l’échelon supérieur ou par l’intermédiaire de syndicats qui ne sont pas représentés dans l’entreprise, est une bonne chose », estime Michel Radiguet.

Cet accord peut porter sur tous les sujets, y compris ceux ressortissant de la branche, dès lors que l’accord est au moins équivalent à ce qu’elle a défini. Joëlle Baillet ne se sent guère concernée par cette mesure : « J’entretiens une relation individuelle, directe, avec chacun de mes salariés. Ils ne sont pas nombreux et nous nous connaissons bien. L’essentiel est de répondre au mieux à leurs préoccupations lorsqu’ils m’en informent, sans passer par un tiers. »

Une seule branche professionnelle

La fusion des branches professionnelles concerne directement les vétérinaires. Sur les 700 branches que l’on compte aujourd’hui en France, il ne devra plus en rester, selon le gouvernement, que 200 à la fin de l’année 2018. La profession vétérinaire en compte deux : celle du personnel non vétérinaire et celle du personnel vétérinaire salarié. Elles devront être fusionnées. Peut-être même cette branche unique devra-t-elle se rapprocher d’une autre branche pour atteindre les objectifs en question. « La priorité du gouvernement est déjà de supprimer d’office toutes les branches qui comptent moins de 5 000 salariés. Si, chez les non-vétérinaires, on doit être plus de 12 000, on doit se situer à peu près au niveau de ce seuil chez les vétérinaires salariés. Pour éviter que cette branche ne parte de manière autoritaire dans une autre branche, nous travaillons dans un premier temps à la rapprocher de l’autre. Nous nous y attelons au sein de la commission paritaire (SNVEL et syndicats représentatifs des salariés), avec mes confrères Simon-Claude Laugier (Bouches-du-Rhône) et Joëlle Finez-Leteneur (Nord). Il nous faut relire et lisser les conventions collectives vieilles de 20 ou 30 ans, surchargées d’amendements. Nous devons remettre à plat les différents avenants et rendre un texte lisible et compréhensible », explique Jérôme Frasson, praticien mixte à Saint-Laurent-en-Grandvaux (Jura), délégué départemental et administrateur du SNVEL.

Pas de quoi provoquer de grands émois

Le salaire minimum et la classification restent des prérogatives de la branche. « On pourra avoir des accords d’entreprise, mais qui ne pourront pas aller en deçà. L’inversion de la norme ne nous concerne pas trop, en dehors peut-être de la prime d’ancienneté, qui pourra être définie au niveau de l’entreprise. De même pour les contreparties liées aux astreintes », poursuit Jérôme Frasson. Bref, pas de quoi provoquer de grands émois chez les libéraux de la profession. « Je vois plus d’un bon œil l’augmentation du pouvoir d’achat des salariés, avec la baisse des cotisations salariales qui sera engagée dès le début de 2018 », convient Michel Radiguet.

La distorsion entre l’écho de cette réforme et la réalité de ses conséquences sur la profession étonne même Christophe Vernet, praticien canin à Rungis, dans le Val-de-Marne, délégué du SNVEL dans ce département : « Nous aurions souhaité une simplification des normes, un assouplissement des contrôles, une diminution des contraintes, tout ce qui peut freiner parfois la construction d’une clinique ou la vie du vétérinaire au quotidien. Car, en résumé, nous sommes peu impactés. Certes, nous attendrons les décrets d’application, car le diable peut toujours se nicher dans le détail. Mais nous en sommes presque à dire : “Tout ça pour ça !” »

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