Le rôle des vétérinaires pour sauver femmes et enfants

En Grande-Bretagne, deux femmes meurent chaque semaine des suites de violence conjugale. Si ce sont majoritairement les femmes qui subissent les agressions (81 %), 20 % des enfants sont également maltraités et 62 % auront été les témoins impuissants de la violence familiale au cours de leur enfance.

150 000 cas de mauvais traitements faits aux animaux sont déclarés chaque année par la Royal Society for the Prevention of Cruelty to Animals (RSPCA) en Grande-Bretagne.

Animal maltraité, enfant en danger

Lors du dernier congrès de la British Small Animal Veterinary Association (BSAVA), Paula Boyden, vétérinaire, directrice de Dogs Trust, est revenue sur les racines de la maltraitance.

Pour ses 60 ans, l’association faisait la part belle à « Éthique et bien-être animal », mobilisant une journée entière sur ce thème, le 8 avril à Birmingham. À cette occasion, Paula Boyden a expliqué que l’animal, dans sa relation harmonieuse avec la famille, est une source de bénéfices psychologiques et physiologiques importants. Cependant, quand un animal est maltraité, un enfant est en danger, et quand un enfant est maltraité, un animal est en danger.

Le fait de posséder un animal de compagnie est aussi un frein qui empêche les victimes de quitter le foyer où elles sont maltraitées : beaucoup de femmes disent ne pas vouloir partir, même si leur vie est en danger, tout simplement pour ne pas que leur animal soit lui-même victime de représailles.

Les enfants qui ont vu leur père battre leur mère ont 2,3 fois plus de risque, à l’âge adulte, de maltraiter les animaux. Tout cas de maltraitance d’un animal dans un foyer doit donc alerter.

Des symptômes à reconnaître

Les signes cliniques sont souvent les mêmes, pour les enfants comme pour les animaux : des fractures, souvent de la base du crâne, des brûlures de cigarettes, et toujours des circonstances atténuantes de la famille invoquant une chute. Il convient de relever les incohérences des commémoratifs, la répétition des lésions à plusieurs endroits, qui ne colle pas avec un accident (si ce sont des coups, il y a répétition des hématomes), accompagnée d’histoires souvent similaires. « Il est tombé du canapé, dans les escaliers, du balcon... »

Les animaux, souvent jeunes (moins de 2 ans), peuvent montrer leur plaisir à être à la clinique (donc en sécurité), craindre les hommes (le plus souvent responsables des violences), être hébétés ou particulièrement agressifs.

Ne pas se voiler la face

Pour Paula Boyden, les vétérinaires se répartissent dans ces trois catégories : ceux qui ne veulent rien voir et rien entendre, ceux qui entendent et voient mais ne veulent rien savoir, et ceux qui comprennent et veulent aider.

L’étape la plus difficile est d’y penser dès la première consultation, alors que même en pédiatrie le déni est souvent très fort pour le pédiatre. Chez les dentistes, en Grande-Bretagne, aux premières loges malheureusement, la mobilisation est forte pour mettre en relation les victimes avec les organismes de protection et faire les déclarations aux autorités.

L’appel lancé par The Links Group, association créée voilà 15 ans par notre consœur Freda Scott-Park, est clair : il n’y a pas besoin d’être un expert en maltraitance pour la voir, il faut juste ouvrir les yeux.

La seule difficulté, c’est de savoir reconnaître le moment clé où la personne qui vient consulter pour un animal battu va accepter de baisser la garde et de dire l’indicible.

Il faut être prêt à reconnaître les signes, et à savoir distinguer la victime du maltraitant, pour savoir parler sans violence et poser les bonnes questions.

De l’ordre et de la méthode

À chaque étape, il est important de prendre des notes, voire des photos, car les preuves sont les éléments tangibles qui peuvent sauver les victimes.

Plus que jamais les vétérinaires et leurs équipes ont un rôle qui est vital. L’identification d’un ambassadeur au sein de la clinique est un véritable plus. Certaines et certains ont un don pour gagner la confiance, recueillir les confidences. Il convient de les identifier au sein des structures et d’organiser des réunions sur les cas suspects. La mise en place d’une procédure est indispensable pour que le vétérinaire joue pleinement son rôle.

La levée du secret professionnel, au nom du risque vital pour l’animal et/ou l’humain, par le Royal College of Veterinary Surgeons (RCVS), a été une étape phare dans la mobilisation de la profession. Le RCVS oriente d’ailleurs régulièrement tous les confrères qui l’appellent pour savoir que faire.

Le fonctionnement local en réseau avec les associations de protection animale, les assistantes sociales, la police est essentiel, car seul on ne peut rien.

Plus que jamais, One Welfare est bien le credo des vétérinaires des années à venir.
•