Terre 2017 imagine l’élevage de demain - La Semaine Vétérinaire n° 1732 du 23/09/2017
La Semaine Vétérinaire n° 1732 du 23/09/2017

ASSISES DE L’ÉLEVAGE ET DE L’ALIMENTATION

ACTU

Auteur(s) : TANIT HALFON 

Les acteurs du monde de l’élevage se sont réunis le lundi 11 septembre à Rennes (Ille-et-Vilaine) pour discuter de l’évolution des filières alimentaires, notamment face aux nouvelles attentes des consommateurs en termes de bien-être animal.

Pour la deuxième année consécutive, Ouest-France a organisé, la veille du Space1, une journée consacrée à l’élevage et à l’alimentation, intitulée Terre 2017. Le lundi 11 septembre a ainsi vu défiler un large panel d’acteurs du monde agroalimentaire et scientifique, ainsi que des représentants d’associations de protection animale. Au travers de présentations et d’échanges, la question posée a été celle de l’avenir de l’élevage français. Face aux attentes sociétales plus exigeantes, face aux pressions de la part d’associations de protection animale, et face à la concurrence internationale, le secteur s’organise. Un des principaux enjeux sera de renouer le dialogue rompu avec le consommateur, « une perte de lien », comme l’a souligné Laurent Pinatel, porte-parole de la confédération paysanne. Un autre conférencier, Antoine Thibault, éleveur laitier en Normandie et, depuis quelques mois, youtuber, a souligné que « jusqu’à présent, seules les entreprises agroalimentaires montraient l’élevage, mais via des représentations très imagées, ce qui a laissé la porte ouverte à ceux qui veulent montrer le pire ». Rétablir ce lien passe par une évolution des pratiques, proches des attentes sociétales. Des exigences qui prennent du temps et posent la question du coût financier et de la compétitivité des élevages français.

Comprendre les attentes des consommateurs

Sandrine Blanchemanche, responsable qualité et consommateurs au sein de l’Association nationale des industries alimentaires (Ania), a proposé une analyse des tendances sociétales. Selon elle, la santé, le confessionnel et l’environnement sont les trois grandes préoccupations des consommateurs. En témoignent par exemple la baisse de la demande en margarine, face aux nouvelles recommandations nutritionnelles, ou la demande hallal pour la filière lait par les pays d’Asie. Aujourd’hui, l’acte d’achat se réfléchit, et le consommateur veut devenir un consommacteur. Le phénomène dépasse largement les frontières, comme l’a souligné Christine Roguet, agroéconomiste à l’Ifip, Institut du porc, et coordinatrice du projet Accept2. Des travaux de recherche ont recensé les points de débat sur l’élevage en France et dans cinq autres pays européens (Allemagne, Danemark, Espagne, Italie et Pays-Bas). Les pays partagent les mêmes controverses, mais à des gradients différents. Elles concernent plusieurs thématiques : impact environnemental, bien-être animal, risque sanitaire et organisation de l’élevage.

La bientraitance animale, un nouvel enjeu d’élevage

L’un des sujets les plus évoqués par les conférenciers a été celui de la bientraitance animale (ou bien-être en langage courant). Les Français se sentent concernés à 90 % par le sujet (Eurobaromètre 2016), surtout en ce qui concerne l’accès au plein air. « Le bien-être animal est une tendance lourde à laquelle nous n’échapperons pas », indique Christiane Lambert, présidente de la Fédération nationale des syndicats d’exploitants agricoles (FNSEA). Amélie Legrand, chargée des affaires alimentaires au sein de l’association Compassion in World Farming (CIWF) France, souligne que le sujet doit se voir comme une opportunité, et non pas une contrainte, l’idéal étant de faire progresser toute la filière pour élever les critères de bien-être. Martin Scholten, directeur général des sciences marines et animales de l’université de Wageningue (Pays-Bas), rappelle que s’en soucier est une précaution nécessaire pour la santé animale et, indirectement, pour l’environnement. En pratique, l’éleveur améliore sa productivité et la qualité de ses productions, et diminue ses coûts en traitement animal. Des avantages que les éleveurs ont aussi soulignés. Mickaël Benoît, administrateur d’une coopérative agricole en production porcine, a pris l’exemple de la castration du porc. La production du groupe correspond à 80 % à des mâles entiers, ce changement de pratique ayant entraîné une amélioration de la croissance et de l’indice de consommation, ainsi qu’une réduction des déchets. Au-delà de ces intérêts zootechniques, Antoine Baron, éleveur laitier en Loire-Atlantique, rajoute que le bien-être animal et celui de l’éleveur sont intimement liés. « Un éleveur bien dans ses bottes, c’est la base pour le bien-être de ses animaux. » Car derrière une histoire de souffrance et de maltraitance animale existe toujours un désastre social.

Changer son image

La bientraitance animale s’avère un sujet brûlant, que certains empoignent pour remettre en cause l’existence même de l’élevage, comme c’est le cas de l’association L214. Face à ces attaques qui ternissent l’image des éleveurs, Jean-Louis Peyraud, directeur scientifique adjoint en charge de l’agriculture à l’Institut national de la recherche agronomique (Inra), met en avant les rôles bénéfiques de l’élevage dans nos sociétés : valorisation des surfaces, vitalité territoriale et source d’emplois, biodiversité, fertilité des sols, stockage du carbone, entre autres. Pour lui, son abandon pur et simple est « un non-sens écologique ». Autre riposte, développée dès l’ouverture de la journée : l’intérêt des protéines animales dans l’alimentation humaine. Philippe Legrand, directeur du laboratoire de biochimie-nutrition humaine à l’Inra, a insisté sur leur nécessité, particulièrement pour les jeunes (enfants et adolescents) et les plus âgés. « La vraie question est celle de la dose », souligne l’intervenant, un excès de viande étant néfaste, au même titre qu’un régime d’exclusion impliquant, en plus, obligatoirement l’adjonction de « prothèses médicamenteuses », dont la vitamine B12. Plus de transparence, plus de pédagogie et plus de dialogue pourraient redorer l’image de l’élevage et des aliments.

Une évolution coûteuse et longue

Comme le souligne Christiane Lambert, « à la fin, il y a une question de prix », et l’enjeu est de savoir qui règlera l’addition. Pour elle, la solution doit passer par un effort de la part des consommateurs. Autre son de cloche du côté de Laurent Pinatel, qui prône un soutien financier de l’État, tous les consommateurs n’ayant pas le même pouvoir d’achat, ainsi qu’une loi pour cadrer les marges de la transformation et de la distribution. Autre voie possible d’évolution : la segmentation du marché, via le développement de labels. Progresser demande du temps et une direction bien définie. Tout changement de cap pèse financièrement. Pour preuve, l’exemple de la filière avicole confrontée actuellement à une demande citoyenne d’arrêter l’élevage en cage, alors que les éleveurs ont, il y a quelques années, investi à hauteur de 1 milliard d’euros dans de nouvelles cages conformes à la réglementation européenne3. L’évolution ne doit pas se faire aux dépens de la compétitivité, qui passe selon les conférenciers par l’anticipation, la multiplicité des modèles, le regroupement des exploitations ou encore le repositionnement au niveau local. Pour l’heure, l’Union européenne s’avère peu compétitive sur le commerce international, sauf pour la viande porcine, ce phénomène étant lié à la demande croissante chinoise.

1 Salon international des productions animales, du 12 au 15 septembre 2017 à Rennes (Ille-et-Vilaine).

2 bit.ly/2wZe6tS.

3 bit.ly/2wWMjeb.

QUE DIT LE MINISTRE ?

Stéphane Travert, bien qu’absent des assises Terre 2017, s’est exprimé sur le sujet de l’avenir de l’élevage à l’antenne d’Europe 1, le lundi 11 septembre.« La question du revenu est la seule qui vaille aujourd’hui », a déclaré le ministre. Pour y remédier, il s’agit de mieux répartir la valeur ajoutée et de créer de la valeur. Inaugurant le lendemain l’ouverture du Space, le Salon international des productions animales, qui s’est tenu à Rennes (Ille-et-Vilaine) du 12 au 15 septembre 2017, il a souligné l’importance des attentes des consommateurs : « Au final, celui qui décide, c’est le consommateur, qui, en conscience, vote pour chacun d’entre vous en effectuant ses achats. »

DEUX MONDES QUI S’AFFRONTENT

La troisième table ronde de la journée Terre 2017 a opposé la porte-parole de l’association L214, Brigitte Gothière, au monde de l’élevage.« Un éleveur aime ses animaux, madame. Les éleveurs sont blessés, il y a des burn-out. »L’injonction, lancée par Thierry Coué, président de la FRSEA1 en Bretagne, avant le début des échanges, a été suivie d’une levée générale du public, en signe de contestation face aux méthodes et à l’ambition de l’association. Car cette dernière imagine un monde de demain dépourvu de « toute exploitation animale pour la production alimentaire ». Une véritable révolution en commençant par« provoquer une réflexion sur la place des animaux et répondre aux attentes sociétales ». Les échanges sont donc compliqués, « impossibles », selon Christiane Lambert, présidente de la Fédération nationale des syndicats d’exploitants agricoles (FNSEA), face à un groupe qui « tétanisent et révoltent les éleveurs », et dont « les méthodes contredisent de toute façon leur souhait de dialogue ». Face à des citoyens, certes minoritaires, qui« entendent » les idées du groupe, comme le rappelle Brigitte Gothière, les participants s’accordent à dire que la filière doit mieux communiquer, sans hésiter à mettre en avant ses bonnes pratiques.

1 Fédération régionale des syndicats d’exploitants agricoles.
Formations e-Learning

Nouveau : Découvrez le premier module
e-Learning du PointVétérinaire.fr sur le thème « L’Épanchement thoracique dans tous ses états »

En savoir plus

Boutique

L’ouvrage ECG du chien et du chat - Diagnostic des arythmies s’engage à fournir à l’étudiant débutant ou au spécialiste en cardiologie une approche pratique du diagnostic électrocardiographique, ainsi que des connaissances approfondies, afin de leur permettre un réel apprentissage dans ce domaine qui a intrigué les praticiens pendant plus d’un siècle. L’association des différentes expériences des auteurs donne de la consistance à l’abord de l’interprétation des tracés ECG effectués chez le chien et le chat.

En savoir plus sur cette nouveauté
Découvrir la boutique du Point Vétérinaire

Agenda des formations

Calendrier des formations pour les vétérinaires et auxiliaires vétérinaires

Retrouvez les différentes formations, évènements, congrès qui seront organisés dans les mois à venir. Vous pouvez cibler votre recherche par date, domaine d'activité, ou situation géographique.

En savoir plus


Inscrivez-vous gratuitement à nos Newsletters

Recevez tous les jours nos actualités, comme plus de 170 000 acteurs du monde vétérinaire.

Vidéo : Comment s'inscrire aux lettres d'informations du Point Vétérinaire

Retrouvez-nous sur
Abonné à La Semaine Vétérinaire, retrouvez
votre revue dans l'application Le Point Vétérinaire.fr