Chylothorax d’origine idiopathique chez un chat - La Semaine Vétérinaire n° 1730 du 09/09/2017
La Semaine Vétérinaire n° 1730 du 09/09/2017

CAS CLINIQUE

PRATIQUE CANINE

Formation

Présentation du cas

Une chatte maine coon de 6 ans, stérilisée, est référée pour prise en charge d’un épanchement pleural. Elle présente une dyspnée d’apparition aiguë depuis 2 jours, un abattement et une dysorexie. Aucun antécédent de traumatisme n’est rapporté. L’animal n’a pas voyagé récemment. À l’examen clinique, il est abattu et présente une dyspnée à dominante inspiratoire ainsi qu’une tachypnée. L’auscultation révèle des bruits cardiaques et respiratoires atténués. Le reste de l’examen clinique est dans les normes.

Examens complémentaires

Des radiographies thoraciques sont réalisées après stabilisation de l’animal (oxygénothérapie, butorphanol 0,2 mg/kg par voie intramusculaire [IM]). Elles révèlent un épanchement pleural bilatéral plus marqué à droite. L’évaluation du médiastin et de l’ensemble du champ pulmonaire est rendue difficile par la présence de l’épanchement pleural marqué. Une thoracocentèse est réalisée, 200 ml d’un liquide laiteux sont ponctionnés à droite et 35 ml à gauche. Les triglycérides sont dosés dans l’épanchement pleural et le sang, leur valeur est supérieure à 3,75 g/l dans l’épanchement, ce qui est nettement plus élevé que la triglycéridémie mesurée à 0,66 g/l (valeur usuelle : 0,10 à 1). La densité du liquide d’épanchement est de 1,048 et les protéines totales sont évaluées à 55 g/l. La cytologie de l’épanchement montre des lymphocytes et la présence de quelques neutrophiles. Il s’agit donc d’un chylothorax. Une échocardiographie est réalisée et révèle une cardiomyopathie hypertrophique concentrique asymétrique débutante sans dilatation cavitaire associée ne permettant pas d’attribuer au chylothorax une origine cardiaque. Une lymphangiographie associée à un scanner est effectuée. Cinq millilitres de produit de contraste iodé (Omnipaque® Iohexol 300 mg I/ml) sont injectés dans un nœud lymphatique mésentérique de manière échoguidée. L’examen tomodensitométrique ne met en évidence aucune rupture du canal thoracique. Le chylothorax est donc idiopathique.

Traitement

Une prise en charge chirurgicale est réalisée après stabilisation médicale. Avant la chirurgie, 10 ml de crème fraîche sont administrés per os afin de faciliter la visualisation du canal thoracique. Le traitement chirurgical choisi comprend trois étapes : la fermeture du canal thoracique, la péricardectomie et une omentalisation de la cavité thoracique.

- La ligature du canal thoracique est réalisée dans sa portion thoracique, par un abord latéral gauche, par thoracotomie au niveau du 9e espace intercostal. Le canal thoracique est visualisé ventralement aux vertèbres thoraciques, il est isolé par rapport à l’aorte et aux tissus conjonctifs l’entourant (en regard de la 8e vertèbre thoracique), puis ligaturé. Après la pose de la ligature, une dilatation de sa partie caudale est constatée, sans fuite de liquide lymphatique.

- La péricardectomie subtotale est entreprise par une seconde thoracotomie au niveau du 6e espace intercostal.

- Omentalisation de la cavité thoracique : par le biais de l’abord intercostal précédemment réalisé, le diaphragme est ouvert le long de ses insertions costales à gauche, sur une distance de 5 cm, donnant directement accès à l’abdomen crânial. Une portion d’omentum est introduite dans la cavité thoracique et est pexiée à la paroi ventro-latérale gauche. Le diaphragme est refermé autour de celui-ci et un drain thoracique est mis en place.

- Lors des soins postopératoires, après le drainage régulier de la cavité thoracique, le drain est retiré lorsque la quantité de liquide retirée est inférieure à 2 ml/kg, une fois par jour, 4 jours après l’intervention. Une antibiothérapie (amoxicilline-acide clavulanique 12,5 mg/kg, deux fois par jour) et une analgésie (morphine 0,1 à 0,3 mg/kg, toutes les 4 heures) sont également instaurées. De la rutine (50 mg/kg, trois fois par jour) est aussi administrée.

Suivi

Lors du suivi téléphonique, 2 mois après la chirurgie, la chatte a une très bonne qualité de vie, sans aucun signe respiratoire. Sept mois après l’intervention, l’animal présente cependant un nouvel épisode de dyspnée, motivant son euthanasie.

Discussion

Étiologie

Le chylothorax, accumulation de chyle dans l’espace pleural, est rare chez le chat. Il est essentiellement dû à une dilatation des vaisseaux lymphatiques avec extravasation du chyle. Les ruptures traumatiques du canal thoracique sont peu fréquentes. La lymphangiectasie peut être due à une augmentation de la production de lymphe par le foie ou à un défaut de drainage lymphatique dans le système veineux. Les cardiopathies (cardiomyopathies, dirofilariose, etc.), les tumeurs lymphatiques ou médiastinales, les granulomes fongiques, une thrombose de la veine cave, une hernie péritonéo-péricardique ou diaphragmatique, une torsion de lobe pulmonaire ou des anomalies congénitales du canal thoracique peuvent être à l’origine d’un défaut de drainage lymphatique.

Examens complémentaires

Des radiographies thoraciques, une échocardiographie ou la recherche éventuelle de dirofilariose sont, par conséquent, les examens complémentaires de choix pour identifier la cause. Une lymphangiographie peut également être réalisée afin de détecter une rupture du canal thoracique. Étant donné les variations anatomiques importantes du canal thoracique entre les individus, l’examen scanner permet d’optimiser son identification et son réseau collatéral en vue de planifier la localisation de la ligature. Si aucune anomalie n’est mise en évidence lors de ces examens, le chylothorax est dit idiopathique.

Traitement

Le traitement du chylothorax consiste à traiter la cause sous-jacente si elle est connue. Un traitement médical doit être tenté initialement. Des thoracocentèses répétées permettent de soulager l’animal dyspnéique, mais si elles deviennent trop fréquentes, elles peuvent favoriser des déperditions caloriques, volumiques et cellulaires. Il est conseillé d’instaurer une alimentation pauvre en graisses de manière à réduire la quantité d’acides gras dans l’épanchement (cela favorise la réabsorption de l’épanchement par les plèvres). La rutine peut également être utilisée (50 à 100 mg/kg, trois fois par jour) pour stimuler l’activité macrophagique et favoriser la réabsorption de fluides, mais son efficacité n’est pas démontrée. L’utilisation d’octréotide chez l’homme diminuerait le volume de chyle produit et serait intéressante après la ligature du canal thoracique pour favoriser sa cicatrisation. Si le traitement médical est inefficace ou si le chylothorax est idiopathique, un traitement chirurgical doit être entrepris. Il repose sur la ligature de la partie caudale du canal thoracique. Si elle est réalisée seule, le chylothorax se résout dans 21 à 53 % des cas chez le chat. Lorsque la péricardectomie y est associée, une étude montre un taux de résolution du chylothorax de 80 %. Les animaux avec un chylothorax peuvent en effet présenter un péricarde épaissi à cause de l’irritation chronique du chyle. Cet épaississement constitue une résistance à l’écoulement sanguin et augmente les pressions veineuses à l’origine d’un mauvais drainage du canal thoracique. Une omentalisation de la cavité pleurale peut être associée pour faciliter le drainage, mais des études sont nécessaires pour prouver son réel intérêt. La présence d’une pleurésie restrictive péjore le pronostic. Une prise en charge chirurgicale précoce limiterait le risque d’apparition de cette pleurésie et améliorerait donc le pronostic.

Retrouvez les références bibliographiques de cet article sur bit.ly/2w3p6Su.

Lucile Gros Chargée de consultations en imagerie médicale à l’ENV de Toulouse. Thomas Cornet Praticien à la clinique de la Côte Fleurie, Deauville (Calvados). Rachel Buttin, Fabrice Bernard Praticiens au CHV Saint-Martin à Saint-Martin-Bellevue (Haute-Savoie).

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