Deux cas de gestation extra-utérine chez des lapines - La Semaine Vétérinaire n° 1729 du 02/09/2017
La Semaine Vétérinaire n° 1729 du 02/09/2017

CAS CLINIQUES

PRATIQUE CANINE

Formation

Présentation des cas

Motif de consultation, commémoratifs et examen clinique

Deux lapines de compagnie sont indépendamment présentées en consultation. Leurs conditions de maintien et leur alimentation sont correctes.

La première, âgée de 2 ans et pesant 1 kg 850, est présentée pour un dépassement du terme. Le propriétaire précise la date d’accouplement entre sa lapine et un mâle de gabarit analogue et âgé de 3 ans, 36 jours auparavant. Les lapins ont vécu séparément depuis l’accouplement. La lapine est en bon état général, a un appétit conservé et n’a présenté aucun signe de mise bas. L’examen clinique montre une lapine alerte et en bon état d’embonpoint. L’abdomen est souple, mais une masse caudale dure et irrégulière d’une dizaine de centimètres est palpée. Sa manipulation douce est non douloureuse. La vulve ne présente aucun écoulement. Le reste de l’examen clinique est normal.

La seconde, d’âge inconnu, a été récupérée par une association et présentée pour une consultation de routine. La lapine trouvée en extérieur a mis bas de deux lapereaux trois mois auparavant et a été maintenue seule depuis. Ses antécédents médicaux sont inconnus. L’examen clinique révèle une masse abdominale irrégulière et dure d’environ 8 cm.

Examens complémentaires

Une radiographie de la totalité de l’abdomen indique pour chacune la présence d’un fœtus (photo 1). L’examen biochimique ne révèle pas d’anomalie. Un doppler portable est utilisé sur l’abdomen après tonte d’une zone de quelques centimètres carrés. Aucun bruit cardiaque n’est entendu.

Diagnostic et traitement

En raison du dépassement du terme (temps de gestation normal de 28 à 34 jours) pour la première lapine et de la suspicion de mort fœtale dans les deux cas, un traitement chirurgical est proposé. De par la forte incidence des adénocarcinomes utérins dans cette espèce, les propriétaires acceptent la réalisation d’une ovariohystérectomie et non d’une césarienne. La prémédication anesthésique repose sur l’administration de morphine (2 mg/kg par voie sous-cutanée [SC]), d’un anti-inflammatoire non stéroïdien (méloxicam 1 mg/kg SC), d’un pré-anesthésique (midazolam 0,5 mg/kg par voie intramusculaire) et d’un antibiotique (triméthoprime sulfadiméthoxine 30 mg/kg SC). L’induction se fait dans une cuve à induction à l’aide d’un mélange d’oxygène et d’isoflurane. Un relai au masque est effectué, puis un système supraglottique (Vgel®) est positionné pour le maintien de l’anesthésie. Les lapines sont positionnées en décubitus dorsal et une préparation chirurgicale aseptique de l’abdomen est ensuite entreprise.

Une incision de la paroi abdominale est réalisée en arrière de l’ombilic sur 8 cm. Après ouverture de la paroi musculaire, une adhérence et une vascularisation entre celle-ci et une masse abdominale sont constatées (photo 2). Une dissection mousse et des ligatures sont réalisées pour permettre l’exérèse de la masse (photo 3). L’inspection du reste de la cavité abdominale permet de repérer un utérus sans gestation ni lésion. Une ovariohystérectomie selon une méthode classique est réalisée et la paroi abdominale refermée (photo 4). L’ouverture des masses révèle un fœtus (photos 5 et 6). Le diagnostic définitif de gestation extra-utérine est établi.

Discussion

Les gestations extra-utérines sont rarement décrites chez la lapine de compagnie. Elles sont souvent subcliniques. Le développement du fœtus en dehors de l’utérus se fait dans le péritoine pariétal ou l’omentum. Le fœtus ectopique, appelé lithopédion, est souvent presque à terme et se momifie. Dans notre cas, aucune rupture de l’utérus n’a été constatée, ces gestations extra-utérines sont donc classées comme gestations abdominales primitives et correspondent à la sortie d’un jeune embryon de l’utérus. Un second type de gestation extra-utérine, dite secondaire, consiste en une rupture de l’utérus laissant passer un embryon plus âgé dans l’abdomen. Une fausse gestation extra-utérine est également décrite et correspond à une rupture de l’utérus à la suite d’un traumatisme. À notre connaissance, aucun âge moyen d’apparition de cette pathologie n’a été publié.

Chez le lapin, le site de fertilisation est l’ampoule de l’oviducte, ce qui rend faible la possibilité de relargage d’un ovule fécondé vers l’abdomen. Certains auteurs supposent une fécondation d’un ovule dans la cavité abdominale par du sperme passant par la fimbria. Il est aussi décrit la possibilité d’un développement du fœtus sans placenta. Une anomalie dans la motricité de la frimbria qui réceptionne les ovules depuis les ovaires ou un défaut d’adhérence des cellules de la granulosa qui entoure la surface des œufs ovulés sont supposés être à l’origine d’une fuite de l’ovule fécondé dans la cavité abdominale.

Un cas de gestation extra-utérine multiple a fait l’objet d’une publication, avec dix fœtus ectopiques à des stades d’évolution différents. Il était impossible de savoir si les fœtus ectopiques étaient morts à des stades différents d’une même gestation ou si certains étaient issus de gestations précédentes.

Une étude sur 550 lapines new zealand dans deux fermes d’élevage a dénombré 5 % de gestations extra-utérines. Les auteurs précisent que, dans ce cadre d’élevage, les gestations extra-utérines secondaires sont les principales rencontrées (75 %). Une placentation peut se faire sur la surface du péritoine ou de l’omentum (2 cas sur 28), ce qui n’est pas le cas ici, et une gestation normale peut se faire en parallèle d’une gestation extra-utérine. Les auteurs soulignent que les inséminations artificielles réalisées dans le cadre d’un élevage pourraient être un facteur influençant l’apparition des gestations extra-utérines par une éventuelle modification de la motricité utérine secondaire aux protocoles hormonaux utilisés (PMSG et GnRH).

Dans d’autres espèces animales dont l’homme, le fœtus peut rester dans l’abdomen plusieurs mois, voire années. Dans le second cas abordé ici, le lithopédion datait d’au moins 3 mois, date de la précédente mise bas, voire d’une gestation antérieure.

La gestation extra-utérine doit faire partie du diagnostic différentiel d’une masse abdominale ou d’un dépassement du terme d’une gestation.

Retrouvez les références bibliographiques de cet article sur bit.ly/2tCl4PZ.

Christophe Bulliot Diplomate ECZM (small mammals), praticien à l’Exotic Clinic, à Nandy (Seine-et-Marne). Céline Levrier, Lucas Flenghi Praticiens au service NAC du CHV des Cordeliers, à Meaux (Seine-et-Marne).

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