Ventipulmin ® : quand ordonnances et pharmaciens ne font pas bon ménage

Est-il facile de se procurer du clenbutérol (Ventipulmin^®) en pharmacie ? La question est d’autant plus d’actualité que l’Ordre national des pharmaciens (ONP) informait en avril dernier qu’un pharmacien a été condamné pour avoir fourni, sans ordonnance ou sur présentation d’ordonnances fictives, des substances anabolisantes à son entourage¹. C’est avec les mêmes procédés un peu grossiers que des journalistes de l’émission Pièces à conviction, diffusée le 13 juin dernier sur France 3, ont réussi à se faire délivrer ce produit. Le constat est sans appel : sur six pharmacies visitées en caméra cachée, six ont délivré du Ventipulmin^® sur présentation d’ordonnances fictives et parfois même sans ordonnance.

Des pharmaciens laxistes

Malgré les alertes répétées en direction de la profession sur la prévention du dopage, les pharmaciens piégés dans l’émission de France 3 ne corrigent pas la faille. C’est durant un court passage² (un peu plus de 6 minutes) que des journalistes tentent de prouver qu’il est possible de se procurer aisément du Ventipulmin^® en pharmacie. Ils commencent par réaliser une fausse ordonnance avec un nom de cabinet vétérinaire fictif et un faux tampon, puis la présentent à des pharmaciens. Avec ce procédé grossier, ils parviennent à obtenir le produit auprès de trois pharmacies dont le manque de vigilance ne fait aucun doute. Mais le test ne s’arrête pas là, les journalistes surenchérissent en tentant, cette fois, l’opération auprès de trois autres officines, mais sans ordonnance. Là encore, le constat est accablant.

Le nom d’un vétérinaire pioché sur Internet

Dans un cas, une pharmacienne ne connaît pas le produit, mais le délivre tout de même, et ce sans ordonnance. Dans deux autres pharmacies, en l’absence de document de prescription, les registres informatiques empêchent les pharmaciennes de finaliser la saisie. L’une décide de cliquer sur “hors ordonnance”, quand, pour surmonter l’obstacle, sa consœur d’une autre officine choisit, sur les conseils d’une de ses collègues, de piocher sur Internet le nom d’un vétérinaire, qui existe et exerce réellement, et valide en cinq minutes la saisie. Interrogé sur les résultats de l’enquête, François Chast, conseiller scientifique de l’ONP, en charge notamment de la lutte contre le dopage, refuse d’accabler les pharmaciens, mais souligne ironiquement les talents de faussaire des journalistes. Sans tenter d’expliquer les faits constatés, ce dernier décide tout simplement de couper court à la conversation.

Des failles inquiétantes

Diffusé tard dans la soirée, le magazine d’investigation s’intéressait notamment aux circuits empruntés par les culturistes amateurs pour se procurer des produits anabolisants, tels que le clenbutérol, largement apprécié dans les milieux sportifs. Ce médicament, connu aussi sous la dénomination Ventipulmin^®, est exclusivement destiné au traitement de pathologies respiratoires chez les chevaux. Alors, que convient-il de retenir de cette enquête ? Que la plupart des utilisateurs particuliers s’approvisionnent en produits de ce type de façon illicite sur le marché noir, que ce soit via des revendeurs, à travers le réseau internet ou auprès de professionnels de santé. Dans ce cas, ce sont les pharmaciens qui sont mis sous le feu des projecteurs. Pour ces derniers, les affaires s’enchaînent et se ressemblent, et c’est là où le bât blesse.

Des rappels qui s’enchaînent

Pourtant, l’ONP diffuse, depuis plusieurs années, des messages d’alerte et de sensibilisation. Pas plus tard qu’en avril dernier, l’Ordre rappelait en effet aux pharmaciens que « le Ventipulmin ^® , inscrit sur la liste I des substances vénéneuses, est un médicament vétérinaire β -agoniste indiqué dans le traitement de pathologies respiratoires des chevaux. Pour sa dispensation, la réglementation impose la présentation d’une ordonnance vétérinaire, dont le renouvellement est interdit. Dans le cas d’un détournement d’usage, ce produit à l’effet anabolisant peut occasionner, à forte dose, de graves troubles cardiovasculaires ». En juin, soit quelques jours après la diffusion de l’émission, l’ONP publiait sur son site des fiches pratiques sur la dispensation du médicament vétérinaire³.
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¹ bit.ly/2tHKhMa.

² bit.ly/2uhS6d1.

³ bit.ly/2t3hW4h.