Description d’un combat

Couvrant la moitié de la surface de l’Argentine, la Patagonie abrite depuis la fin du xix^e siècle un élevage extensif ovin, organisé en estancias. Ces exploitations de plusieurs milliers d’hectares – dont les propriétaires sont souvent absents, quand ils ne sont pas, comme le film le montre, des capitalistes étrangers – sont gérées au quotidien par une poignée d’hommes isolés de tout, aidés de quelques chiens et de chevaux. C’est au cœur de ces vastes étendues austères, sur fond de cordillère des Andes, que le réalisateur installe un récit laconique, lent et tendu, qui va confronter (impitoyablement) deux hommes pour une même place misérable au sein d’un de ces ranchs.

Alors que la solitude d’Evans est rompue par l’arrivée annuelle des saisonniers pour la tonte des moutons, le vieux contremaître taiseux apprend qu’il est remercié et remplacé par Jara, un jeune Indien guarani qui, pour avoir ce travail, a dissimulé qu’il avait femme et enfant. Mais où peut désormais aller Evans, qui a consacré sa vie entière au ranch ? À travers la lutte amère entre deux hommes, qui sont les deux faces de la même pièce – affrontement dont les animaux feront également les frais –, la réalisation reprend habilement les codes du western, met en parallèle les cycles des saisons et de la vie, souligne l’insignifiance de l’homme face à la nature et construit une sobre allégorie du tragique de la condition humaine face à l’ordre économique mondialisé. Un film âpre, comme ses paysages.
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Patagonia (El Invierno) d’Emiliano Torres, avec Alejandro Sieveking, Cristian Salguero, Adrián Fondari, Pablo Cedrón, Argentine-France, 2016, 1 h 35, sortie le 28 juin.