La visite d’achat en pratique - La Semaine Vétérinaire n° 1723 du 10/06/2017
La Semaine Vétérinaire n° 1723 du 10/06/2017

DOSSIER

Le vétérinaire doit clarifier la situation du cheval mais aussi des participants à la vente par les questions qu’il pose et les réponses qu’il apporte dans le compte rendu. Les mises en cause étant fréquentes, il fera preuve d’une grande rigueur.

Une des premières questions à se poser est de savoir à quel usage le cheval est destiné. Il faut noter cet usage, qui peut être multiple, sur le compte rendu. Par exemple, un cheval peut comporter de petites anomalies qui ne sont pas un souci pour son utilisation, mais qui peuvent l’être pour le commerce », souligne Philippe Lassalas, expert près la Cour d’appel de Versailles et praticien dans les Yvelines.

Par rapport à l’examen, « une discussion est nécessaire. Certains vétérinaires transmettent un listing avec des cases à cocher. Cela peut être une solution, mais aussi, parfois, le bâton pour se faire battre… »

Ensuite, il convient de poser les questions suivantes : qui vont être les intervenants à la vente ? Qui est le vendeur ? Qui sont les intermédiaires éventuels ? « Dans le commerce des chevaux de sport, on constate souvent la présence d’intermédiaires. Le vétérinaire peut clarifier la situation par ses questions. Il notera aussi le niveau de compétence de l’acheteur sur son compte rendu », ajoute Philippe Lassalas, qui indique que l’Institut du droit équin réfléchit actuellement à la rédaction d’un contrat de vente.

« Il faut aussi s’interroger sur un éventuel traitement médicamenteux, poursuit l’expert. Pour connaître les traitements en cours, on peut faire un prélèvement sanguin à titre conservatoire (si une analyse est demandée), ce qui délie parfois les langues ! » En Angleterre, un prélèvement sanguin est systématiquement réalisé, au cas où le cheval aurait un souci dans les semaines à venir.

Le contrôle des médications chez le cheval lors d’une visite d’achat revient à prélever du sang sur six tubes citrate. Le coût est de 170 € HT pour une recherche complète, mais le test peut être limité à des classes d’anti-inflammatoires. La recherche par Labéo concerne 78 molécules. Pour les résultats du Laboratoire des courses hippiques (chevaux de course), une demande doit être faite à la société des courses. Quand il s’agit de chevaux de sport, la fiche d’information de l’animal peut être récupérée et adressée avec le prélèvement. « Lorsque le praticien n’a pas les papiers du cheval soit l’examen est rendu sous réserve de la vérification de son identité, soit on diffère la remise du compte rendu », explique Philippe Lassalas.

L’utilisation à venir de l’animal devra être reportée sur le compte rendu. Les commémoratifs sont obligatoirement recueillis avant l’examen, qui s’intéressera aux éléments médicaux. Le vendeur, s’il tait des informations dont il a connaissance, engage sa responsabilité. « Il faut demander au vendeur d’être libéré du secret médical. Si vous ne connaissez pas le cheval, vous écrivez “néant”. Si le vendeur ne vous dit rien, vous indiquez que vous n’avez reçu aucune information. »

Le vétérinaire poursuit son examen statique. La visite d’achat fait l’objet d’un compte rendu écrit. Le praticien a l’obligation de rapporter la preuve de l’information qu’il a donnée. « Après le constat des lésions éventuelles, il va remettre sa conclusion qui a pour vocation à sensibiliser les acheteurs sur ce que l’acquisition d’un animal vivant suppose en matière de soins. Vous resituez le contexte de l’examen clinique, des lésions identifiées, et ce que cela implique. Vous pouvez rajouter des commentaires sur la visite d’achat, sa finalité, et préciser que beaucoup d’autres investigations sont possibles, etc. » Le praticien peut aussi émettre des petites recommandations. Par exemple, dans le cas d’un cheval avec vessigon et fragment dans un jarret, il marquera la lésion et indiquera qu’elle est susceptible de nécessiter un traitement chirurgical. « C’est ainsi que vous informez au mieux l’acheteur sans vous prononcer sur l’opportunité de la vente. »

Le compte rendu sert à sécuriser le vendeur et l’acheteur, pour éviter les risques de résiliation. Ce certificat est à adresser juste après la visite. « Vous gardez la preuve de cet envoi. C’est bien le compte rendu signé que vous envoyez (vous conserver les doubles). Il est conseillé d’archiver, pendant cinq ans, en cas de procédures, documents, éléments d’imagerie, e-mails, etc. » La dématérialisation est reconnue comme moyen d’envoi.

« L’image se substitue à la parole. Je ne vois pas pourquoi elle remplacerait l’avis d’un vétérinaire. Ou, au bout d’un moment, il faudra enregistrer les vidéos d’échographie, l’examen clinique, etc. ! , déplore un confrère. En effet, l’échographie peut poser un problème en matière d’archivage, car cela peut dépendre de l’opérateur. Mais il est quand même utile de garder les images.

Une source majeure de mise en cause

« La mise en cause de visites d’achat est aujourd’hui la première source de réclamation. Elle a doublé en 10 ans », note Daniel Hagopian, assureur. La visite d’achat entre dans le champ des assurances de dommages immatériels non consécutifs (cela signifie qu’il n’y a pas de dommage matériel sur l’animal). Cette garantie n’existe pas dans tous les contrats, elle est toujours limitée dans les capitaux, ainsi que géographiquement (notamment par rapport aux États-Unis), et souvent soumise à un certain nombre de restrictions. « Il devient impératif pour un vétérinaire de restreindre les possibilités de mise en cause d’un tiers au moyen notamment de documents contractuels. » Daniel Hagopian appelle à la vigilance en citant des exemples de clauses limitatives de l’activité et des capitaux garantis : par exemple 30 000 € par sinistre, mais 20 000 € par animal. « Il faut aussi être vigilant par rapport à de potentielles restrictions supplémentaires en fonction de l’usage du cheval (par exemple, l’exclusion de courses). »

À noter que les clauses limitatives de responsabilité sont essentiellement envisageables entre professionnels, car les tribunaux pourraient les considérer non écrites avec un amateur.

Les mises en cause du praticien

Les cas les plus fréquents de mise en cause de responsabilité concernent les résultats rendus. « Le vétérinaire a une obligation de sécurité durant la visite d’achat ; si le cheval blesse quelqu’un, il est responsable, prévient Philippe Lassalas. Il peut refuser la présentation par une gamine en chaussures de plage, il peut conseiller sur la longe, etc. »

« La loi nous impose de recueillir systématiquement le consentement éclairé pour tout examen, la visite d’achat en fait donc partie. La liste des gens présents à la visite est importante sur un compte rendu, car on peut avoir besoin de témoins pour le consentement éclairé s’il est oral. »

Notre confrère détaille plusieurs cas de jurisprudence. Une affaire, notamment, a opposé un vendeur amateur et un acheteur professionnel, après une vente effectuée en août 2006, mise en cause l’été suivant, et pour laquelle un jugement est intervenu cinq ans après. Le vétérinaire avait réalisé une échographie lors d’une course ; il n’avait pas communiqué l’image, mais estimait que le cheval allait bien et courait normalement. Au cours du mois suivant, l’animal s’est blessé sur la zone où le vétérinaire avait, sans le dire, décelé une anomalie. Ce dernier a été condamné à verser la somme de 55 000 € à l’acheteur pour ne pas avoir révélé ce cliché anormal. Le préjudice subi par l’acheteur s’analyse avec une perte de chance de ne pas acheter le cheval.

Autre cas de jurisprudence : un cheval de dressage vendu 12 200 € par un professionnel à un amateur. Le praticien a réalisé une radiographie de qualité moyenne. L’animal présentait une minéralisation du tendon fléchisseur du doigt qui se voyait à la radio, mais le vétérinaire pensait que c’était de la boue. Le cheval s’est mis à boiter. La vente étant intervenue après la date de mise en cause, elle n’a pas été résolue. Cependant, le vétérinaire a été condamné, car il n’avait pas pris en compte une lésion qui était déjà visible et avait donné un avis favorable pour l’utilisation envisagée. La justice a estimé que le praticien avait commis une faute.

Un autre exemple de mise en cause concerne un cheval de concours de saut d’obstacles (CSO), dont l’achat (51 500 €) a eu lieu en septembre 2004. La mise en cause est intervenue en mars 2006 et la décision de justice a été rendue en 2009. Le cheval présentait des lésions dorsales constitutionnelles et des chevauchements des processus épineux (non vus à la visite d’achat car il n’y avait pas eu de demande de radio), ainsi qu’une lésion de naviculaire, mais qui ne nécessitait pas de donner un avis. La vente a été résolue… et le vendeur a été condamné. Le vétérinaire, lui, ne l’a pas été, car les lésions naviculaires n’étaient pas visibles avant la vente, et les radiographies n’avaient pas été demandées sur le dos.

ENBREF

-  La visite d’achat est un constat clinique à un instant T, complété par des examens.

-  Le vétérinaire doit s’exprimer sur le cheval, pas sur la vente. Il se limite aux aspects médicaux. Son rôle, lors d’une visite d’achat, est d’être le plus transparent possible et il n’a pas à conseiller ou à déconseiller l’achat d’un cheval.
-  Le consentement éclairé s’applique pleinement à cet acte.

-  Les sources principales de mise en cause des vétérinaires sont la non-réalisation d’un examen sollicité (rare), le défaut de mention d’une lésion existante (il est indispensable de signaler les anomalies), l’erreur de pronostic, le défaut de mention du caractère évolutif pour les pathologies dégénératives.
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