La visite d’achat en équine - La Semaine Vétérinaire n° 1723 du 10/06/2017
La Semaine Vétérinaire n° 1723 du 10/06/2017

DOSSIER

La visite d’achat était le thème de la 17 e journée européenne de l’Association vétérinaire équine française (Avef). Tour d’horizon d’une pratique qui implique les confrères, mais soulève aussi des interrogations.

Lors de la vente d’un cheval, la principale obligation de l’acheteur est de payer le prix. « Le vendeur a plus d’obligations, notamment d’informations », souligne Philippe Lassalas, expert près la Cour d’appel de Versailles et praticien dans les Yvelines. La journée européenne de l’Association vétérinaire équine française (Avef) était cette année consacrée à la visite d’achat. Parmi les participants, Philippe Lassalas a invité à la vigilance et à prendre en compte tous les éléments lors de la visite : contexte de l’examen et de la vente (vente aux enchères, à un particulier, par exemple), garanties, etc. « Dans le milieu équin, on achète des chevaux chers, mais il n’y a pas de contrat. Il vaudrait mieux faire signer des contrats clairs. » Un aspect parmi les multiples problématiques exposées lors de cette journée du 17 mars à Roissy-en-France (Val-d’Oise).

Le socle juridique

Les fondements juridiques sur lesquels un acheteur peut solliciter la résolution ou l’annulation de la vente sont au nombre de cinq :

- le vice de consentement, avec l’article 1130 du Code civil, modifié l’an passé et qui fait référence à la notion de vol, de dol et de violence. Le vétérinaire certifie l’identité du cheval lors de la visite d’achat. Ce dernier doit porter le numéro de transpondeur, du Système d’information relatif aux équidés (Sire). Il y a un vice de dol si le vendeur a trompé volontairement l’acheteur. Une décision du 14 juin 2016 montre l’importance de l’information fournie à l’acheteur : un cheval de concours de saut d’obstacles (CSO) avait subi une intervention chirurgicale pour des coliques avant la vente ; le vendeur ne l’a pas dit, le vétérinaire n’a pas vu la cicatrice. Le cheval a fait une récidive de coliques un an après et en est mort. Au tribunal, l’acheteur a eu gain de cause, car le vendeur n’avait pas apporté l’information sur le passé médical du cheval ;

- les maladies contagieuses. La liste des maladies contagieuses est établie en dangers sanitaires de différentes catégories. Le vétérinaire peut se demander quels tests il doit effectuer. Par exemple, doit-il réaliser systématiquement le test de Coggins pour rechercher l’anémie infectieuse ? « À mon sens non, mais si le cheval est porteur, le risque est très élevé », modère Philippe Lassalas. Cela renvoie à l’importance du rapport entre la fréquence et la criticité du risque. « Si vous êtes en présence d’un cheval qui provient d’une zone à risque ou s’il est destiné à l’export, vous faites un test de Coggins. » Dans certains cas, aucune hésitation : pour l’artérite virale et la métrite contagieuse notamment, le test est systématique si le cheval est destiné à la reproduction ;

- la garantie de conformité, avec l’article L.217-4 du Code de la consommation. « On voit bien que ces textes de loi ne sont pas adaptés à la vente du cheval, déplore notre confrère. Cette garantie de conformité découle d’une disposition européenne. Elle ne concerne que les acheteurs qui agissent en qualité de consommateurs »… et ne s’applique pas aux ventes aux enchères ;

- les vices cachés abordés dans l’article 1641 du Code civil. « C’est le fondement juridique principal sur lequel sont formulées des demandes de résolution de la vente. »La difficulté avec cet article tient au délai pour agir contre un vice caché, qui est très long (deux ans à partir de la découverte du vice). « Par exemple, un praticien réalise la visite d’achat d’un cheval de 4 ans présentant un petit kyste au grasset qui ne le gêne pas. Mais après deux ans de concours, si l’animal est gêné, cela peut être mis en cause » ;

- les vices rédhibitoires, avec l’article L.213-1 du Code rural et de la pêche maritime (modifié le 14 mars 2016). « La convention contraire est la faculté de déroger en agissant sur le fondement des risques cachés, mais il faut que ce soit prévu au moment de la vente. » Pour les tribunaux, cela peut être prévu par contrat tacite. Il y a eu des tentatives pour faire changer ces textes, mais elles se sont heurtées à des lobbies. Le cornage chronique, ce n’est pas l’hémiplégie laryngée, c’est un bruit à l’effort, et pour que ce soit un vice rédhibitoire, il doit être chronique. Il est intéressant d’évaluer si certains de ces vices sont compromettants pour l’utilisation future du cheval. Le client a 10 jours pour agir devant le tribunal afin que celui-ci désigne un expert (30 jours pour l’anémie infectieuse).

« La visite d’achat favorise la vente »

Mathieu Penel, administrateur de la Fédération nationale du cheval (FNC), est venu présenter les résultats d’un questionnaire adressé à des professionnels non vétérinaires (coachs, courtiers, etc.). 54 personnes y ont répondu offrant une photographie à un instant T. L’échantillon est faible pour le qualifier de représentatif et l’enquête porte plus sur des chevaux de concours qu’amateurs. Il en ressort toutefois que « les professionnels de la filière font en majorité moins de 10 transactions par an. Et 80 % des ventes concernent des chevaux de compétition, explique Mathieu Penel. Les visites vétérinaires ne sont pas systématiques pour une petite moitié de ces professionnels. Les praticiens sont davantage choisis par rapport à leur expertise. »C’est l’acheteur qui demande un vétérinaire. « La visite d’achat favorise la vente, on la préconise à la FNC, poursuit-il. « Nous souhaiterions mener une réflexion sur un protocole de visite d’achat avec les vétérinaires, comprenant une grille d’interprétation commune des radiographies et un outil d’aide pour les acheteurs. »

« La visite d’achat est un constat clinique complété par des examens. Il faut davantage s’exprimer sur le cheval, qui est un être vivant qui doit bénéficier d’un suivi de santé, mais pas sur l’acceptation ou le refus », précise Philippe Lassalas. « Nous avons souvent affaire à une clientèle d’amateurs ou de personnes qui se forgent une opinion avec Internet », déplore Mathieu Penel. Notre confrère Laurent Mangold, praticien en Rhône-Alpes, pointe aussi l’importance d’une bonne communication : « L’acheteur n’est pas toujours prêt à nous entendre ! »

Enquête de terrain auprès des professionnels et des vétérinaires

Notre consœur Sandrine Mesnil, praticienne dans les Yvelines, a mis en place deux questionnaires dans sa clientèle et auprès de vétérinaires (elle exerce en région parisienne et en Normandie, principalement dans le domaine du cheval de sport de compétition), afin de mieux adapter la visite d’achat.

L’analyse porte sur 71 réponses de professionnels de la filière équine : 40 % des répondants sont des éleveurs et 60 % des cavaliers, également marchands et coachs. 80 % vendent moins de 30 chevaux par an. La majorité des professionnels demandent un bilan radiographique complet, alors que deux tiers des vétérinaires proposent des radiographies de pieds et éventuellement des jarrets.

Concernant le nombre de refus à la suite de la visite : pour 84 % des professionnels de la filière équine interrogés, il y en a eu entre 0 et 6, et pour 75 % des vétérinaires entre 0 et 3. On constate donc une différence de perception. Les raisons du refus : les professionnels de la filière pensent que ce sont les radios, les vétérinaires, que c’est l’approche clinique. Seulement 16 % des vétérinaires, qui réalisent la visite, communiquent avec le praticien qui a vu le cheval auparavant.

Les professionnels comptent sur l’expertise du praticien. Ils travaillent avec deux ou trois vétérinaires différents. Deux tiers des vétérinaires ont déjà subi des pressions, un tiers d’entre eux se sont déjà fait insulter et 40 % ont déjà perdu des clients à cause d’une visite d’achat. « C’est sportif ! », ironise Sandrine Mesnil, qui note : « Nous constatons un changement des mentalités dans la filière équine en raison des évolutions juridiques. Les professionnels commencent à comprendre que le dépistage radiographique pourrait les protéger d’un éventuel problème ultérieur. »

« En cas de souci, ils disent que leurs chevaux sont “refusés”, or qu’est-ce qu’un cheval refusé ? Avec ce terme, ils considèrent que la visite d’achat est un obstacle à la vente, déplore notre consœur. On n’achète pas un morceau de cheval, des radiographies… mais un cheval dans son ensemble ! La visite d’achat est aussi un moyen de communication. Il faut sortir du système manichéen où le cheval est “accepté” ou “refusé”. Par une démarche pédagogique. »

Diversité des pratiques en Europe

Les pratiques peuvent varier selon les pays. Ainsi, les Danois sont très organisés et assez “transparents”. Ils ont notamment adopté l’archivage des documents des précédents événements vétérinaires. La plateforme eHorse permet de récupérer les données des visites d’achat. « Chaque vétérinaire est inscrit avec un e-mail et un login. Ceux de la clinique peuvent avoir accès aux données, mais pas les autres », explique Mette Uldahl, membre de la Federation of European Equine Veterinary Associations (Feeva)et praticienne au Danemark. Les données appartiennent à la Danish Veterinary Association, qui a le droit de les utiliser.

Au Royaume-Uni, on donne une opinion – « On the balance of probabilities, the conditions reported do not do… » , note Malcom Morley, praticien outre-Manche. Ce n’est pas une check-list, mais une opinion pragmatique. Au Danemark, le risque est qualifié de “normal”, “modéré” et “significatif”, pour signifier que l’on ne peut pas conclure.

Formations e-Learning

Nouveau : Découvrez le premier module
e-Learning du PointVétérinaire.fr sur le thème « L’Épanchement thoracique dans tous ses états »

En savoir plus

Boutique

L’ouvrage ECG du chien et du chat - Diagnostic des arythmies s’engage à fournir à l’étudiant débutant ou au spécialiste en cardiologie une approche pratique du diagnostic électrocardiographique, ainsi que des connaissances approfondies, afin de leur permettre un réel apprentissage dans ce domaine qui a intrigué les praticiens pendant plus d’un siècle. L’association des différentes expériences des auteurs donne de la consistance à l’abord de l’interprétation des tracés ECG effectués chez le chien et le chat.

En savoir plus sur cette nouveauté
Découvrir la boutique du Point Vétérinaire

Agenda des formations

Calendrier des formations pour les vétérinaires et auxiliaires vétérinaires

Retrouvez les différentes formations, évènements, congrès qui seront organisés dans les mois à venir. Vous pouvez cibler votre recherche par date, domaine d'activité, ou situation géographique.

En savoir plus


Inscrivez-vous gratuitement à nos Newsletters

Recevez tous les jours nos actualités, comme plus de 170 000 acteurs du monde vétérinaire.

Vidéo : Comment s'inscrire aux lettres d'informations du Point Vétérinaire

Retrouvez-nous sur
Abonné à La Semaine Vétérinaire, retrouvez
votre revue dans l'application Le Point Vétérinaire.fr