La question animale, un enjeu majeur du xxi e siècle - La Semaine Vétérinaire n° 1723 du 10/06/2017
La Semaine Vétérinaire n° 1723 du 10/06/2017

COLLOQUE

ACTU

Auteur(s) : ANNE-CLAIRE GAGNON 

Le sénateur Jean Desessard et l’association L214 ont organisé au Palais du Luxembourg, lundi 22 mai, un colloque ouvert à tous, consacré à la question animale, un enjeu majeur du xxi e siècle.

Le sénateur écologiste Jean Desessard a dit son plaisir à accueillir un tel colloque, alors que les changements de philosophie à l’égard des animaux et des modes d’alimentation deviennent inexorables. Consacrées à « La question animale, un enjeu majeur du xxi e siècle », ces rencontres, organisées par L214, se sont déroulées le 22 mai au Palais du Luxembourg, à Paris. Le sénateur a salué cette initiative et souligné les nombreuses avancées en matière de prise de conscience des politiques et du grand public, sur la question animale, suscitées par les méthodes chocs de l’association.

Philippe Reigné, professeur de droit privé au Conservatoire national des arts et métiers (Cnam), a rappelé que, dès 1887, Marie Huot avait décrit les animaux comme étant des êtres sentients. La sentience désigne la capacité des êtres à faire preuve de perception, de désir, de volonté propre, d’entendement ; c’est une des clés pour considérer les animaux comme des individus uniques. Reste que si tous les animaux sentients sont égaux, certains le sont plus que d’autres aujourd’hui encore. Ainsi le lapin, selon qu’il vit à la ferme, en appartement, en laboratoire ou en forêt n’a pas du tout le même statut.

La députée Laurence Abeille, à l’origine, avec notre consœur Geneviève Gaillard, du collectif AnimalPolitique, a rappelé le décalage entre société civile et politique : d’un côté, des attentes sociétales, doublées d’une prise de conscience importante au regard des animaux, de l’autre, des députés considérant l’animal comme une chose mineure.

Selon elle, il est donc essentiel de continuer le travail de rassemblement des associations, tous unis pour les animaux, couronné par l’ouverture de la commission parlementaire sur les conditions d’abattage des animaux de boucherie dans les abattoirs français. Sur les 65 propositions formulées, une seule a vu le jour. Le secrétariat d’État à la condition animale est resté lettre morte, et Laurence Abeille a dit son inquiétude devant la non-considération de la faune sauvage et la question de la souffrance animale en abattoir. Elle a appelé à continuer à œuvrer pour la non-violence à l’égard des animaux et pour une planète où, demain, ils puissent vivre en paix avec les hommes.

Évolution sans précédent pour les êtres sentients

Joël Minet, professeur de biologie au Muséum national d’histoire naturelle, a retracé les avancées récentes des biologistes en matière de compétences cognitives des animaux. La sentience est désormais un terme utilisé et reconnu, non seulement pour les animaux, mais également pour les végétaux. La découverte de l’altruisme chez les éléphants, l’adoption chez cette espèce de rituels funéraires lors de la mort d’un congénère, la perception par la pie de son image dans un miroir, sont autant d’éléments qui permettent de mieux appréhender qui sont les animaux.

Florence Burgat, directrice de recherche à l’Institut national de la recherche agronomique (Inra), a insisté dans son langage de philosophe sur la possible déconstruction de l’humanité carnivore, établie comme une institution. « Tant que les animaux sont des choses et la viande un objet du marketing, aucune avancée n’est possible. » Elle a dénoncé la formule magique de “bien-être animal”, qui voudrait repeindre les façades obscures. Un repas sans viande n’est pas triste, estime-t-elle. À suivre Claude Lévi-Strauss, « l’humanité s’achemine vers une pleine conscience de l’alimentation carnée, une perversion dont elle se défera bientôt, ne laissant plus qu’à quelques chasseurs de bovins retournés à l’état sauvage le loisir de les tuer pour quelques repas d’exception destinés à ceux que l’appétit de viande n’aurait pas quittés. Un jour viendra où l’idée que pour se nourrir, les hommes du passé élevaient et massacraient des animaux, exposaient complaisamment leurs chairs en lambeaux dans des vitrines, inspirera la même répulsion que celles des repas cannibales des sauvages américains, océaniens aux voyageurs du xv e siècle ».

Violences animales traumatisantes

Les dommages collatéraux sur les enfants des violences faites aux animaux sont immenses puisqu’ils sont souvent, par exemple, des témoins impuissants lors de corridas où on les emmène. Joël Lequesne, psychologue clinicien, estime qu’il est essentiel d’apprendre aux enfants à bannir notre égoïsme d’espèce et de leur enseigner, dès la maternelle, l’empathie envers l’animal.

Certains ont souligné, dans l’assistance, le côté traumatisant pour beaucoup d’adultes (y compris les journalistes et la presse télévisuelle) de la diffusion des images d’abattage par L214.

Au sein des abattoirs, la maltraitance est d’abord humaine, résultant des cadences et des conditions de travail imposées aux salariés, qui la reportent ensuite sur les animaux. Geoffrey Le Guilcher, auteur du livre Steak Machine, a témoigné de cette situation, tout comme le lanceur d’alerte Mauricio Garcia-Pereira, employé du plus grand abattoir municipal de France, qui a dénoncé, des sanglots dans la voix, l’abattage des vaches gestantes et le silence des services vétérinaires qui ferment les yeux.

De nouvelles initiatives

La seconde partie du colloque était consacrée à toutes les initiatives actuelles pour changer maintenant, en pratique, les relations aux animaux.

L214 donne sur son site Vegan-pratique.fr toutes les informations pour s’alimenter en bonne santé, sans prélever les protéines sur les animaux. Le récent Programme national nutrition santé (PNNS) montre que l’évolution est en marche, avec la mention du rôle essentiel pour la santé des légumineuses, non seulement excellentes pour la santé, mais également très économiques. Les Britanniques prennent toujours soin de proposer des menus vegan et végétariens pour ne pas être taxés de discrimination en imposant un régime “tout viande”.

Cependant, de plus en plus d’initiatives dans les cantines scolaires voient le jour. Ainsi, la mairie du 2e arrondissement de Paris sert 1 650 repas par jour, avec, depuis 2009, un repas végétarien par semaine. Depuis 2017, il en est également proposé un dans les choix pour les collèges et les lycées.

De plus en plus d’entreprises ont suivi le mouvement anti-poules de batteries, tout comme les Français, qui y sont opposés à 90 %. Mais le décalage reste important entre les attentes sociétales et la réglementation. Amandine Sanvisens, présidente de l’association Paris Animaux Zoopolis, soulignait que pendant que Paris réfléchit, Barcelone agit. Après l’arrêt des corridas, ce sont les animaux que Barcelone a bannis de ses cirques. Une position prônée dès 2015 par la Fédération vétérinaire européenne (FVE).

Sylvain Dibiane, spécialisé en prévention des risques et gestion de crise, a appelé à un dialogue avec les filières chasse et viande, pour inventer un nouveau modèle économique et culinaire, qui nécessite de réviser la formation professionnelle et de réorienter les éleveurs.

En marche vers une société multi-espèces, équitable et juste ?

Dans les cinq scénarios pour le rapport homme-animal en 2030, envisagés par le ministère de l’Agriculture en novembre 2016, celui de l’animal idéalisé et exfiltré est présenté, avec l’abandon de l’élevage et un véritable statut pour les animaux liminaires (ceux qui vivent à la frontière du domestique et du sauvage, actuellement toujours laissés-pour-compte : étourneaux, coyotes, etc.).

Ce scénario confère une citoyenneté aux animaux domestiques, une souveraineté aux animaux sauvages et une résidentialité aux liminaires.

Or, comme l’exprimait Philippe Reigné, la fin de l’exploitation des animaux, telle que décrite dans le livre Zoopolis, appelle les animaux à s’exprimer, probablement avec des représentants humains. Des notions émergentes qui bouleversent beaucoup de nos schémas mentaux.

Brigitte Gothière, porte-parole de L214, en conclusion de ce colloque, a réaffirmé que l’association se concentre sur les animaux de production et qu’elle agit pour les animaux et pas contre les humains. Elle réaffirme ses positions : « Au-delà des raisons environnementales, les raisons éthiques doivent nous conduire à remettre en question nos rapports avec les animaux et rejeter le spécisme. (…) Et ce n’est qu’ensemble y compris avec ceux qui vivent encore aujourd’hui de l’exploitation des animaux que nous pouvons espérer construire un monde qui vive en paix avec les animaux, cohabitants de la planète. »

Pour en savoir plus :

- trajectoires.revues.org/1236

- Rapport du ministère de l’Agriculture : bit.ly/2qNpC4u.

- Rapport du ministère allemand : bit.ly/2s1dphg.

- Zoopolis de Will Kymlicka et Sue Donaldson, Alma Éditeur, 2016.

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