Course à la performance : les chiens aussi - La Semaine Vétérinaire n° 1721 du 28/05/2017
La Semaine Vétérinaire n° 1721 du 28/05/2017

CONFÉRENCE

PRATIQUE CANINE

Formation

Auteur(s) : THOMAS BRÉMENT 

Dans une société où la performance et la réussite individuelle sont plébiscitées, montrer un animal parfait est valorisable et particulièrement recherché par certains propriétaires. Cela peut alors se traduire par une souffrance comportementale pour l’animal et une altération du lien entre l’homme et l’animal. Les vétérinaires sont parfois involontairement complices de cette situation quand l’animal est présenté pour un trouble du comportement. Plus les propriétaires sont observants, plus nous avons tendance à renforcer leurs efforts en ne voyant pas forcément lorsque la machine s’emballe. C’est donc au praticien de rester vigilant au profit de l’animal et non de notre propre pression de performance.

Étiologie et physiopathologie

Un chien a besoin d’activités physiques (jeux, balades, etc.), mais il convient de garder à l’esprit qu’il doit également dormir entre 12 et 14 heures par jour. Certains propriétaires, surtout ceux issus du milieu professionnel canin, ont tendance à emmener leur chien partout avec eux, entraînant de fait une surstimulation de l’animal. De même, le port de la laisse obligatoire en agglomération peut se transformer en exercice de contrôle. Le chien a cependant besoin de réels moments de liberté pour exprimer son comportement normal : flairer, explorer, communiquer avec des congénères, etc. Le perfectionnisme de certains propriétaires peut les mener à demander à leur chien un effort dont la difficulté réside non pas dans la tâche elle-même, mais dans sa durée.

En plus du contexte de vie, des facteurs biologiques (prédisposition génétique) interviennent probablement. Ainsi, lors d’anxiété, il semblerait que des circuits neuronaux normaux de réaction à l’environnement soient altérés. À terme, l’objectif consiste à trouver les moyens de déconditionner certains circuits cérébraux anormalement ou excessivement activés par une intervention médicale (psychotropes à visée anxiolytique et thérapie comportementale).

Observations cliniques

Les principales manifestations cliniques sont des activités autocentrées (prises de contact compulsives, parfois stéréotypées, avec le corps), qui se déclenchent lors d’exercices ou en présence du propriétaire, voire en contexte de travail. De l’hypervigilance (sursauts, pas de sommeil profond, en tout cas jamais quand le maître est lui-même vigile) peut également être observée. Enfin, un conflit de motivation, par exemple entre l’envie d’aller aboyer à la clôture lors du passage d’un congénère et le contrôle nécessaire pour ne pas faire ce qui est interdit, peut se traduire par un état de fébrilité généralisé, associé à des couinements ou des vocalises à bouche fermée.

États pathologiques associés

L’anxiété permanente ou la dépression peuvent être les conséquences d’une forte pression de performance. Chez l’animal, la seule mise au repos ne permet pas toujours de revenir à un état d’équilibre émotionnel, ce qui différencie cette maladie du burn-out chez l’homme (surmenage professionnel résolu par une mise au repos). Il est souvent nécessaire de restaurer le lien entre l’homme et le chien. De plus, certains chiens souffrant d’un déficit d’autocontrôles sont plus vulnérables. En effet, leur motivation alimentaire ou pour le jeu peut être importante et générer un surentraînement de la part des propriétaires.

Traitements

Il est ainsi possible de trouver des recommandations à propos du repos et de la détente du chien sur le site de l’Association nationale des maîtres de chiens guides d’aveugles (ANMCGA).

La prise en charge de l’état pathologique avec une molécule appropriée est une première étape qui doit s’accompagner d’une thérapie du lâcher-prise. L’objectif est de restaurer le plaisir d’une action commune, de diminuer la pression infligée au chien et d’apaiser la relation.

Bien que d’apparence simple, il est souvent difficile de prescrire de ne rien faire ou d’arrêter de faire une action. En effet, les propriétaires concernés sont souvent des personnes très impliquées dans l’éducation de leur chien et la prescription de repos n’est pas toujours observée. L’astuce est de prescrire des exercices permettant d’obtenir la détente du chien et un renfort du lien. Comme pour toute thérapie, la prescription doit être la plus précise possible et l’ordonnance détaillée et adaptée au contexte. Trois types d’intervention sont conseillés :

- des balades : une ou plusieurs promenades une fois par semaine pendant laquelle il existe un temps où aucun apprentissage spécifique n’est demandé au chien ;

- des massages : proposer de masser le chien ne doit pas être ressenti comme “quelque chose à faire”, mais comme un moment de partage et de reconstruction du lien. Il faut préférer une main ouverte et un contact continu. Les gestes doivent être calmes, ne pas pétrir ou tapoter pour ne pas exciter le chien. Plus le moment de ce massage est prévisible pour le chien, plus il atteindra facilement un état de détente. Le massage doit être fait dans le lieu de vie du chien, à un moment où aucun événement ne viendra interrompre cet échange. Le propriétaire qui souhaite s’occuper de son chien a ainsi l’occasion de le faire. Ce moment ne contient pas d’ordre. Bien entendu, sur certains animaux très réactifs ou souffrant d’un déficit des autocontrôles, il faut au préalable s’assurer que le traitement médical facilite la réalisation du massage ;

- du saupoudrage (sprinkle) : il s’agit de “saupoudrer” sur une zone d’herbe assez étendue de petits morceaux de nourriture humide en l’absence du chien. Il est ensuite laissé libre de flairer et de rechercher sans intervention du propriétaire. Pour éviter que le chien ne reproduise ce comportement dès qu’il se promène, il est conseillé de structurer l’exercice en le réalisant au départ toujours sur la même zone. Le chien est autorécompensé par la découverte du morceau et, sans intervention ni encouragement de l’humain, peut travailler à son propre rythme. L’objectif est de faire réaliser à l’animal un exercice autonome mental et physique qui va le fatiguer et le détendre sans ordre. Il est possible de présenter l’outil au propriétaire comme un préalable à d’autres exercices : présence d’autres chiens, d’inconnus, de bruits, augmentation de la dépense physique sans augmentation du temps de promenade, etc.

Une fois la relation rétablie et le trouble anxieux pris en charge, les rituels instaurés peuvent être progressivement diminués. Les risques de développer des troubles obsessionnels compulsifs autour des rituels ou une anxiété de déritualisation existe, mais reste rare. Il faut cependant surveiller leur apparition.

Présenter la prescription au propriétaire

Au cours de la consultation, il est important d’anticiper quel propriétaire sera capable ou non de relâcher la pression de performance qu’il exerce sur son animal. Pour certains propriétaires chez lesquels la pression exercée correspond à un désir de bien faire, à l’application de consignes trouvées sur Internet ou dans différents ouvrages ou à l’amplification de conseils donnés par un professionnel, la prise de conscience d’en faire trop suffit à obtenir un lâcher-prise. En revanche, la répétition de questions telles que « Qu’est-ce que je dois faire ? » ou « Vous allez nous prescrire des exercices ? » laisse penser que prescrire de ne rien faire ou d’en faire moins risque d’être mal reçu et donc mal appliqué.

Muriel Marion DIE de vétérinaire comportementaliste. Article rédigé d’après une présentation faite lors du congrès de Zoopsy, en décembre 2015, et réactualisée.

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