Montréal : les vétérinaires prennent position contre la tenue de rodéos - La Semaine Vétérinaire n° 1716 du 22/04/2017
La Semaine Vétérinaire n° 1716 du 22/04/2017

DÉFENSE DES ANIMAUX

PRATIQUE MIXTE

L'ACTU

Auteur(s) : BÉNÉDICTE ITURRIA 

Le NomadFest Rodéo Urbain, qui se tiendra en août prochain dans la cité québécoise, suscite l’indignation des défenseurs du bien-être animal.

La ville de Montréal, au Québec, fête cette année ses 375 ans. De nombreuses activités sont prévues pour l’occasion, dont le NomadFest Rodéo Urbain, du 24 au 27 août. Ce festival met au programme quatre rodéos durant lesquels les professionnels se mesureront sur leur monture dans différentes épreuves de dressage, d’habilité et de vitesse.

L’annonce de l’événement a rapidement suscité, en janvier dernier, la consternation de la Société pour la prévention de la cruauté envers les animaux (SPCA) pour qui « les épreuves de rodéo soumettent les animaux à un stress et à des souffrances inutiles dans le seul but de divertir ». L’association a immédiatement encouragé les habitants de Montréal à écrire un courriel au maire, Denis Coderre, pour lui faire part de leur indignation et de leur refus d’inclure des activités « désuètes, inhumaines et dangereuses » lors des célébrations dédiées à une ville au rayonnement international.

Des souffrances psychologiques et physiques

Jean-Jacques Kona-Boun, diplômé de la faculté de médecine vétérinaire de l’université de Montréal en 1997 et de l’American College of Veterinary Anesthesia and Analgesia en 2008, a lui aussi réagi en envoyant une lettre1 au premier magistrat pour lui signifier sa déception. « Lorsque le divertissement peut causer des souffrances psychologiques et physiques, ce n’est pas acceptable », a ainsi déclaré notre confrère au sujet des rodéos. Il s’est aussi exprimé le 1er mars dernier dans le Huffington Post Québec 2 pour expliquer les nombreux risques encourus par les animaux utilisés pour ce genre de spectacle. Même si NomadFest, organisateur de l’événement, indique sur son site que l’incidence des blessures chez les animaux de rodéo est de seulement 0,0046 %, les arguments de Jean-Jacques Kona-Boun laissent à penser que les blessures sont plus nombreuses. Il évoque, par exemple, les risques de lésions cervicales consécutives au stress mécanique exercé lorsqu’un bouvillon se fait violemment projeter au sol avec son cou soumis subitement à une torsion de 180 degrés. Notre confrère analyse aussi les épreuves de monte des chevaux et taureaux dits “sauvages” qui auront lieu à Montréal, dans lesquelles « l’usage d’une sangle abdominale et d’éperons a pour but de causer chez l’animal une réponse aversive de fuite, un comportement d’évitement vis-à-vis d’un stimulus désagréable dont il veut se soustraire. Cela n’a pas besoin d’être très douloureux, cela reste inacceptable lorsque c’est infligé aux animaux afin qu’ils se débattent fortement, dans le seul but de divertir. Les sauts et les ruades violents représentent un risque de blessures parfois fatales (fractures, choc lors d’une mauvaise chute au sol, collision avec des obstacles) ».

Une pétition de 600 signatures

Fin mars, plus de 600 vétérinaires et techniciens vétérinaires ont signé la lettre de notre confrère. Jean-Jacques Kona-Boun souhaite désormais présenter cette pétition à la municipalité. Elle fait écho aux positions3 prises en 2010 par l’Association canadienne des médecins vétérinaires (ACMV), qui « accepte l’utilisation des animaux dans le cadre des spectacles et des loisirs seulement lorsque leurs besoins physiques, sociaux et comportementaux sont satisfaits. L’ACMV s’oppose aux activités, aux concours et aux épreuves qui présentent une probabilité élevée de blessures, de détresse ou de maladies ». L’association avait déjà déclaré à propos des rodéos, dans un article paru en 1985 dans la Revue vétérinaire canadienne 4 : « Puisque les vétérinaires et la médecine vétérinaire s’occupent du bien-être de tous les animaux, il n’est pas possible pour la profession d’appuyer de façon positive les pratiques qui font partie intégrante des rodéos. Le succès des rodéos se fonde inévitablement sur une exploitation des réactions des animaux à la douleur, au bruit et à la peur, ainsi qu’au désir des animaux de fuir. »

La controverse est aussi présente au sein du conseil municipal montréalais, dans lequel les partisans évoquent l’attrait de l’événement pour les touristes, et les détracteurs, le fait que le rodéo ne fait pas partie de l’histoire de la ville. Pour les défenseurs des animaux, ce nouvel incident ne risque pas de redorer le blason d’une ville qui a, hélas, beaucoup fait parler d’elle avec son règlement très polémique sur les animaux de compagnie.

1 bit.ly/2oHztch.

2 huff.to/2oCpFDn.

3 bit.ly/2o91sDU.

4 bit.ly/2nX0ybE.

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