Un indicateur de l’acidose ruminale subaiguë fondé sur le pH ruminal

Le centrage sur zéro des cinétiques journalières du pH ruminal permettrait de proposer des seuils de risque de pH universels de l’acidose ruminale subaiguë (Arsa) en s’affranchissant de la variabilité individuelle de ce paramètre. Des chutes anormales et intermittentes du pH ruminal caractérisent en effet l’Arsa, mais avec une variabilité interanimale très importante¹. Une étude² a ainsi été conduite afin de proposer de nouveaux indicateurs pH de l’Arsa fondés sur la cinétique individuelle du pH ruminal mesuré toutes les 15 minutes avec des bolus intraruminaux (eCow).

Un régime acidogène comme modèle d’étude

Dix vaches primipares reçoivent un régime contrôle pauvre en glucides rapidement fermentescibles (GRF) durant 4 semaines, puis un régime acidogène riche en GRF durant 4 semaines, et enfin de nouveau le régime contrôle durant 3 semaines. Durant la période de distribution du régime acidogène, la matière sèche ingérée par les vaches chute significativement (- 2,5 kg/j). Une augmentation du taux butyreux (TB) du lait associée à une diminution du taux protéique (TP) conduit à une inversion du rapport TB/TP (0,97), et la concentration en cellules somatiques du lait est augmentée de manière significative (5,15 log10/ml).

De plus, l’écosystème microbien du rumen est modifié, comme le montre le profil en acides gras volatils, particulièrement le ratio acétate/propionate, qui est significativement réduit (< 3).La concentration en protozoaires du contenu ruminal est aussi diminuée (- 10 %), et le taux de lipopolysaccharides (LPS) s’élève significativement (4,38 log10/ml). L’ensemble de ces résultats confirme la présence d’Arsa lors de la distribution du régime acidogène chez les animaux de cette étude.

Amplitude de variations du pH ruminal et valeurs relatives

Les mesures en continu du pH ruminal confirment sa forte variabilité individuelle, durant toutes les périodes, sans diminution significative du pH moyen journalier chez les animaux recevant le régime acidogène. Les temps pendant lesquels le pH était inférieur aux seuils absolus utilisés classiquement (pH < 5,8 et pH < 6/jour) sont significativement allongés avec la distribution du régime acidogène, mais restent faibles comparés à ceux rencontrés dans la littérature. Toutefois, une augmentation significative de l’amplitude journalière du pH ruminal a pu être observée. Elle a ainsi atteint en moyenne 0,78 unité pH avec le régime acidogène (contre 0,54 unité pH au maximum avec le régime contrôle). L’augmentation de l’amplitude du pH ruminal journalier lors de la distribution de la ration acidogène montre que les animaux sont dans une situation de déséquilibre et rencontrent des difficultés à tamponner leur contenu ruminal.

Affranchissement de la variabilité individuelle

Ainsi, dans cette étude, des indicateurs journaliers tels qu’une amplitude supérieure à 0,78 ou un écart type supérieur à 0,26 unité pH informent sur le statut acidogène du rumen. De plus, le centrage sur zéro des cinétiques pH permet de s’affranchir de la variabilité interindividuelle du pH ruminal, pour mettre en évidence des indicateurs fondés sur ces variations relatives, et qui deviennent comparables entre animaux ou entre études. Des seuils relatifs de temps passé sous - 0,3 ou - 0,5 unité pH et leurs aires respectives sous la courbe peuvent ainsi être utilisés. Dans cette étude, un temps passé d’au moins 218 min/j sous un seuil de - 0,3 unité pH avec une aire sous la courbe supérieure à 27 pour ce seuil, ou encore un temps passé d’au moins 41 min/j sous le seuil de - 0,5 unité pH avec une aire sous la courbe de plus de 5 caractérisent le risque d’Arsa. Toutefois, ces indicateurs doivent être évalués dans d’autres situations à risque d’acidose pour démontrer leur intérêt à être utilisés sur le terrain par rapport aux indicateurs classiques.
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¹ Penner G., Beauchemin K., Mutsvangwa T. Severity of ruminal acidosis in primiparous holstein cows during the periparturient period. J. Dairy Sci. 2007;90:365-375.

² Sous l’encadrement de Cécile Martin et de Mathieu Silberberg. Thèse soutenue financièrement par les sociétés Lallemand, Terrena et Valorex (Inra).