La République opéra

L’Opéra de Paris est un monde en soi. De janvier 2015 à juillet 2016, Jean-Stéphane Bron a arpenté le Palais Garnier et l’Opéra Bastille dans l’objectif de filmer une institution, mais aussi “du collectif”. Avec le parti de s’intéresser davantage aux coulisses qu’aux spectacles et de mettre tous les protagonistes (direction, danseuses, choristes, musiciens, stars, jeunes talents lyriques, assistants, élèves participant à un atelier musical) sur le même pied d’égalité. Entre humour (l’amusant casting d’un taureau charolais prévu pour partager la scène de Moïse et Aaron avec un chœur peu rassuré) et émotion (beauté des voix ou des élèves de banlieue jouant du violon pour la première fois, empathie pour cette danseuse qui, à peine sortie de scène, s’effondre à bout de souffle), dans un contexte agité (attentats de novembre, conflits sociaux, réorganisation interne, remplacement de dernière minute), l’énorme machine nous dévoile son visage humain et, au-delà des tensions, une ambition unanimement partagée : que le spectacle ait lieu et qu’il soit le meilleur possible. « Ce désir qui anime cette tour d’ivoire semble être précisément ce qui fait cruellement défaut à l’extérieur, dans nos sociétés qui n’arrivent plus, ou très difficilement, à s’inventer un avenir commun », dit le cinéaste. Tout en grâce et en sensibilité, jouant magnifiquement avec la musique, les corps, l’individuel et le collectif, porté par une photographie remarquable, son film est lui-même un opéra.
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L’Opéra de Jean-Stéphane Bron, France-Suisse, 1 h 50, sortie le 5 avril.