La consommation de viande, signe extérieur de richesse - La Semaine Vétérinaire n° 1709 du 02/03/2017
La Semaine Vétérinaire n° 1709 du 02/03/2017

DOSSIER

Au niveau mondial, la consommation de viande est en hausse. Elle indique le niveau de développement d’un pays, jusqu’au moment où celui-ci, devenu “trop” riche, peut s’écarter de la stricte sécurité alimentaire pour ajouter environnement ou éthique à son mode de vie. Ainsi va la France, vers une consommation plus orientée santé et bien-être.

La consommation mondiale de viande est passée de 23,1 kg/personne/an en 1961 à 42,2 kg/personne/an en 2011 et 42,9 kg en 2014. À l’échelle d’un pays, une corrélation positive a pu être mise en évidence1 entre la consommation de protéines d’origine animale et le revenu par habitant, et également avec le développement de l’urbanisation. La proportion totale de protéines dans les apports caloriques demeure stable pour la période étudiée (10,7 % en 1961 et 11,2 % en 2011) ; celle de protéines végétales diminue (de 6,9 à 6,3 %), alors que celle de protéines animales est en hausse (de 3,8 à 4,9 %). En 50 ans, la proportion de protéines animales dans l’alimentation a progressé de 31 % au niveau mondial. Elle est passée de 61 à 80 g/personne/jour. La consommation de viande a augmenté de 9 à 15 g/personne/jour entre 1961 et 2011, la plus forte progression étant observée en Polynésie, en Europe du Sud et en Asie de l’Est. Les apports varient fortement entre les secteurs géographiques, de 2,9 g/personne/jour en Asie de Sud à 39,9 g/personne/jour en Océanie en 2011.

Baisse de consommation de viande de boucherie en France

De précédentes études avaient identifié un niveau de revenu annuel par personne au-delà duquel la consommation de protéines d’origine animale diminue, situé entre 32 000 et 55 000 $. Dans les pays en dessous de la zone d’inflexion, une croissance de 1 % du produit intérieur brut (PIB) entraîne une augmentation de 0,5 % de la consommation de viande. À l’inverse, dans un pays situé au-delà de la zone d’inflexion, cela engendre une réduction de la consommation de 1,2 %. En France, l’inflexion s’est produite à partir de 1998, alors que la consommation annuelle par habitant était évaluée à 94 kg en équivalent carcasse (kgec) de viande consommée par habitant. La proportion de viande dans l’alimentation s’est réduite2 : elle représentait 26 % du panier alimentaire en 1967, contre 20 % en 2014.

D’après FranceAgriMer3, un Français moyen consommait 86,3 kg de viande par an en 2014, soit 7 % de moins qu’en 1998. Les viandes de bœuf et de porc étaient les plus consommées, mais, depuis les années 1980, la proportion de volaille a progressivement augmenté (figure 1) : 24,1 % en 1994, 26,2 % en 2004, puis 30,5 % en 2014 (26,3 kgec/habitant, soit 64 % de plus qu’en 1980, à 16 kgec). Elle a plus de succès que le bœuf depuis 2012 et, en 2014, c’est la deuxième viande la plus consommée derrière le porc (à 32,5 kgec) (figure 2).

Le prix, un facteur prépondérant de la consommation

Une étude dirigée par l’Institut national de la recherche agronomique (Inra) en 20104 a montré qu’une hausse du prix des viandes entraîne une baisse du volume consommé, plus importante dans le cas du mouton ou du bœuf que pour le veau ou la volaille, alors que la même hausse de prix n’aura pas ou peu d’impact sur la consommation de charcuterie ou de porc. Lorsque le pouvoir d’achat augmente, l’impact sur la charcuterie est également faible, tandis que les viandes de mouton, de porc et de volaille seront davantage consommées. D’autres facteurs entrent en jeu : les crises sanitaires, médiatiques ou économiques, les habitudes géographiques (par exemple, la consommation de canard est plus élevée dans la moitié sud de la France), la classe de revenu ou l’âge de la personne qui fait les courses. Les ménages les plus jeunes (moins de 35 ans) optent en majorité pour des produits faciles d’usage (surgelés, viandes transformées) et de petit prix. Ceux d’âge compris entre 50 et 64 ans sont de gros consommateurs de viande fraîche, et de viandes plus chères (veau, mouton, cheval) ou demandant davantage de préparation. Entre 35 et 49 ans, les ménages sont dominés par les familles et privilégient les viandes peu onéreuses et rapides à préparer (surgelés, charcuterie, produits transformés de volailles).

Une évolution des habitudes

L’évolution des modes d’alimentation dépend de celle de la société : du modèle familial, avec des aliments achetés frais et cuisinés à la maison, elle a vu l’essor de la restauration hors foyer, des nouveaux modes de conservation et de la transformation des viandes, et depuis peu l’influence d’Internet et des nouvelles religions alimentaires, le sain, le bon et l’éthiquement acceptable. La perception de l’alimentation5 est passée d’une représentation de type produits, cuisine dans les années 1980, à la celle du partage et du goût vers le milieu des années 1990, mais, depuis 2007, l’impression dominante est la restriction (manger équilibré, éviter gras, sucre, etc.).

Les comportements d’achats suivent plusieurs facteurs : les caractéristiques intrinsèques du produit (odeur, couleur), les goûts de l’acheteur (figure 3) et la perception de la qualité du produit. Ainsi, un même produit sera apprécié par plusieurs types de consommateurs pour des raisons très différentes : par exemple, le steak haché sera choisi pour sa facilité d’utilisation, son prix, sa réputation de viande peu grasse (même si ce critère dépend beaucoup de sa composition), etc. Les filières analysent les tendances afin de proposer des produits qui correspondent aux attentes des consommateurs : pour le porc, une étude6 avait évalué en 2014 le succès des viandes de volailles transformées afin de proposer une évolution de l’offre, et cette réflexion est aujourd’hui menée pour la viande de veau.

Afin de suivre l’évolution des consommations et des habitudes alimentaires, plusieurs enquêtes sont effectuées à intervalles réguliers (voir page 39). L’étude individuelle nationale des consommations alimentaires (Inca) est utilisée en particulier dans le programme national nutrition santé (PNNS) lancé en 2001 et reconduit depuis, qui propose des informations nutritionnelles associées à des slogans simples (« mangez, bougez »). En ce qui concerne la viande, les recommandations sont plus strictes vis-à-vis des viandes bouchères (moins de 500 g par personne et par semaine) à cause d’un risque plus ou moins avéré entre consommation et maladies chroniques non transmissibles (encadré page 37). Cependant, l’enquête 2013 Comportements et consommations alimentaires en France (CCAF) montrait déjà une consommation moyenne de viande hors volaille inférieure à ce seuil, à 370 g par personne et par semaine, même s’il existe dans la population générale des profils “gros mangeurs” de viande, à plus de 100 g/jour, voire davantage (figure 4).

1 Sans P., Combris P. World meat consumption patterns: an overview of the last fifty years (1961-2011). DOI : 10.1016/j. Meatsci.2015.05.012.

2 insee.fr/fr/statistiques/1379769#titre-bloc-4.

3 FranceAgriMer 2015. Consommation de produits carnés en 2014. bit.ly/2m1QPBP.

4 Les comportements alimentaires, Inra, 2010. bit.ly/2m6XpYa.

5 Crédoc, perception de la qualité de la viande par le consommateur, séance du 12 juin 2014 de l’Académie d’agriculture de France.

6 Legendre V. et coll. Différenciation du porc frais par la segmentation des produits : pistes de développement innovantes. 15es journées Sciences du muscle et technologie des viandes.

LA VIANDE ROUGE, UN RISQUE POUR LA SANTÉ ?

Dans son évaluation des repères nutritionnels1, l’Agence nationale de sécurité sanitaire (Anses) s’est intéressée aux relations entre la consommation carnée et le risque de maladies chroniques non transmissibles. Elle considère que la viande hors volaille et la charcuterie augmentent le risque de cancer colorectal, avec un niveau de preuve convaincant, ainsi que le risque de maladies cardiovasculaires et de diabète de type 2, avec un niveau de preuve probable. En outre, la consommation de viande en général ou de viande hors volaille en particulier pourrait augmenter le risque de cancer du sein (selon l’expression des récepteurs hormonaux aux œstrogènes) et de la prostate, ainsi que le risque de prise de poids, avec toutefois un niveau de preuve jugé« limité mais suggestif ». Dans le cas d’un niveau de preuve jugé convaincant ou probable, pour chaque augmentation d’apport quotidien de viande hors volaille de 100 g de plus que les recommandations, le risque de ces maladies augmenterait de 10 à 20 % ; pour les viandes transformées incluant la charcuterie, chaque hausse de consommation de 50 g/jour induirait des augmentations du risque allant jusqu’à 50 %. Toutefois, une méta-analyse récente2 souligne les limites de la plupart des études expérimentales liant la consommation de viande rouge à la survenue de cancer colorectal (durée trop courte, régime sain versusrégime déséquilibré, utilisation de régimes semi-purifiés ne tenant pas compte de l’ensemble des composants du bol alimentaire, etc.), qui ne permettent pas de déterminer un lien mécanistique entre la consommation de viande rouge d’un régime sain et l’augmentation du risque.

1 bit.ly/2iZJfri.
2 Turner N. D., Lloyd S. K. Association between red meat consumption and colon cancer: a systematic review of experimental results. Exp. Biol. Med. (Maywood). 2017 Jan 1. bit.ly/2lSmLGy.

ESTIMATIONS ET RECOMMANDATIONS DU PNNS

Recommandations nutritionnelles
Le Programme national nutrition santé (PNNS) recommande, pour des hommes et des femmes adultes (hors populations particulières) et pour un indice de masse corporelle (IMC) moyen de 22 (présumé sain), moins de 500 g/semaine ou 71 g/jour en moyenne de viande hors volaille et moins de 25 g/jour de charcuterie.

Moyenne de consommation estimée
Pour les hommes :
38,3 g/jour (+/- 45,1) de volaille
63,5 g/jour (+/- 46,6) de viande hors volaille
39,4 g/jour (+/- 34,7) de charcuterie

Pour les femmes :
25 g/jour (+/- 24,9) de volaille
41,1 g/jour (+/- 27,7) de viande hors volaille
26,1 g/jour (+/- 20,3) de charcuterie
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