Prise en charge de la douleur : un sujet moderne et éthique

La douleur chez les animaux est au cœur des préoccupations sociétales : sa représentation même a évolué. Autrefois considérée comme un outil permettant le diagnostic (le dolorisme médical), sa prise en charge est aujourd’hui indéniable dans l’amélioration de la qualité des soins. Cette prise de conscience va de pair avec un changement de la vision de l’animal, considéré juridiquement depuis 2015 comme un « être sensible ». Il lui est aujourd’hui reconnu une conscience, des émotions, de l’empathie. C’est alors un questionnement éthique individuel qui incombe à chaque vétérinaire, en particulier vis-à-vis de la maltraitance animale, de l’euthanasie ou de l’acharnement thérapeutique. C’est autour de ces thèmes que la conférence « Douleur : éthique et modernité » animée par Thierry Poitte (T 83), fondateur du réseau CAP douleur, a eu lieu à l’École nationale vétérinaire de Toulouse le 11 janvier dernier, à l’initiative du club ENVThique, dont l’objectif est de promouvoir l’éthique au sein de l’école, dans l’enseignement comme en clinique ou dans la recherche.

Prendre en charge la douleur avec des outils numériques innovants

La douleur est une expérience aussi sensorielle qu’émotionnelle, provoquant chez les animaux des changements de comportement, révélateurs d’intelligence émotionnelle adaptative à un environnement menaçant. Les questionnements éthiques que la douleur implique, dans un contexte de mutation sociétale et de progrès techniques, amènent ainsi à réfléchir sur le concept de modernité. Ils incitent la profession vétérinaire à se positionner sur ces sujets, comme dans l’utilisation de nouveaux outils numériques. Ceux-ci peuvent être utilisés à profit dans l’évaluation de la douleur (via, par exemple, les web-applications Dolodog ou Dolocat et les colliers connectés mesurant l’activité de l’animal) pour quantifier les troubles fonctionnels et émotionnels de la douleur maladie. Mais aussi dans sa prise en charge, avec la mise en place d’une “consultation douleur”, accessible à tous les vétérinaires : le digital complète et ne se substitue pas à une relation client de qualité, toujours fondée sur l’écoute et l’empathie.

Un sujet de société

L’actualisation des connaissances, comme la visibilité des vétérinaires auprès du public, paraissent essentiels dans un contexte où le bien-être animal est au centre des considérations, tout ceci dans la promotion d’une médecine dite des 4P : personnalisée, préventive, prédictive et participative. Grâce au réseau CAP douleur, Thierry Poitte propose, dans un souci de transversalité avec la médecine humaine et d’interdisciplinarité vétérinaire, un « changement de regard sur la douleur animale », une analgésie raisonnée et protectrice et une approche différente de la douleur, phénotypique, en particulier dans la prise en charge de la maladie arthrosique. Soulager la douleur s’étend à l’animal, malgré son incapacité à communiquer, et les recherches en éthologie qui y sont liées invitent à repenser plus généralement la ligne de démarcation existant entre l’homme et l’animal. Le propre de l’homme n’est plus aussi limpide et le débat relatif à la douleur animale est finalement un sujet relatif à la nature des émotions et au degré de conscience animale. Certaines questions demeurent encore sans réponse. Si la nociception et la douleur sont aujourd’hui aisément reconnues, qu’en est-il de la conceptualisation de cette dernière, c’est-à-dire de la souffrance ? Pouvons-nous considérer l’animal comme un sujet à part entière ?
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