Bonnes pratiques d’antibiothérapie en dermatologie - La Semaine Vétérinaire n° 1706 du 10/02/2017
La Semaine Vétérinaire n° 1706 du 10/02/2017

CONFÉRENCE

PRATIQUE CANINE

Formation

Auteur(s) : LAURENT MASSON 

La mise en application du décret du 1er avril 20161 relatif aux antibiotiques critiques peut conduire à des changements de pratique de l’antibiothérapie en fonction des spécialités, dont la dermatologie.

Faut-il changer sa pratique des antibiotiques en dermatologie ?

Pas forcément. Il convient de mettre en pratique les bonnes pratiques recommandées par le groupe d’étude en dermatologie des animaux de compagnie (Gedac) depuis quelques années :

- réaliser systématiquement un examen cytologique : lors d’une simple colonisation, des antiseptiques suffisent ;

- privilégier les soins topiques, et associer éventuellement un antibiotique per os selon l’extension des lésions ;

- effectuer un suivi clinique et cytologique ;

- prolonger l’antibiothérapie au-delà de la guérison clinique ;

- et surtout rechercher les causes sous-jacentes (atopie, dermatoses parasitaires) afin d’éviter les récidives.

Comment bien réaliser une cytologie ?

Lors de pyodermite superficielle, des pustules sont ponctionnées à l’aiguille fine : le pus de couleur claire ne contient pas de macrophages, mais de nombreux neutrophiles avec images de phagocytose et de nombreuses bactéries (photo ci -dessous). Lors de pyodermite profonde, le prélèvement se fait par calque, pression ou écouvillonnage : le pus sanieux contient peu de bactéries visibles, de nombreux neutrophiles, mais également des macrophages. Sur une peau enflammée et lichénifiée ou lors de syndrome de prolifération de surface, le prélèvement est réalisé à la cellophane adhésive : de nombreuses bactéries (le plus souvent des coques) sont observées, mais aucune cellule inflammatoire.

Comment bien appliquer un traitement topique ?

Réaliser un traitement topique de manière correcte consiste en un nettoyage à la chlorhexidine (la polyvidone iodée est plus asséchante), une vidange des lésions profondes, un temps de contact de 3 ou 4 minutes minimum et une fréquence de tous les 2 ou 3 jours pendant les 3 premières semaines. Les topiques sont utilisés seuls ou en association avec les antibiotiques systémiques, mais les antibiotiques ne devraient jamais être prescrits sans des soins topiques. Lors de pelage dense, il importe de conseiller de tondre les zones concernées et éventuellement de proposer de faire faire le shampooing par un professionnel. L’application d’un spray ou de lingettes est moins contraignante. Les nombreuses présentations topiques associant antibiotique, antifongique et corticoïde conduisent souvent à une automédication et à une application trop ponctuelle (l’amélioration étant liée aux glucocorticoïdes).

Quels antibiotiques recommander en dermatologie ?

Toute antibiothérapie pulsée (systémique ou topique) est impérativement à proscrire. Il convient de choisir préférentiellement parmi les antibiotiques de catégorie 1a ayant gardé plus de 90 % de leur activité sur Staphylococcus pseudintermedius : l’association amoxicilline-acide clavulanique ou les céphalosporines de 1re génération. L’acide fusidique doit être préservé : il est à utiliser en seconde intention avec précaution (spectre étroit limité aux coques), au maximum pendant 7 jours consécutifs, en association avec un antiseptique topique. Les antibiotiques de catégorie 1b (clindamycine et sulfamides-triméthoprime) sont à utiliser après antibiogramme, car ils n’ont gardé que 70 à 90 % de leur efficacité sur S. pseudintermedius. Enfin, les tétracyclines sont plutôt utilisées pour leur action immunomodulatrice, en association avec la vitamine B3 (250 mg toutes les 8 heures pour des chiens de moins de 15 kg et 500 mg toutes les 8 heures au-delà de ce poids). Il est aussi possible d’y avoir recours dans le cas de non-sensibilité aux autres antibiotiques, en association avec des topiques. La prescription probabiliste de fluoroquinolones n’est justifiée qu’en cas de pyodermite à Gram négatif (Pseudomonas), caractérisée par l’apparition brutale de pustules et de furoncles, ainsi que du pus avec des neutrophiles et des bacilles en position intracytoplasmique à l’examen cytologique cutané. En cas de prise orale difficile, il est possible d’envisager l’usage de sulfamides potentialisés ou de clindamycine, voire de ß-lactamines injectables longue action, plutôt que celui des fluoroquinolones ou de la céfovécine. Enfin, il est indispensable de revoir les animaux après une première période de traitement, quelle que soit la prescription.

Comment juger de la guérison clinique ?

La décision d’arrêter l’antibiothérapie et d’espacer les soins topiques est basée sur la clinique : disparition des lésions superficielles, absence de suintement lors de pression exercée sur la peau dans les cas de lésions profondes. Les recommandations sont de prolonger le traitement au-delà de 1 à 2 et 2 à 4 semaines respectivement lors de pyodermites superficielle et profonde.

Quand faut-il réaliser un antibiogramme en dermatologie ?

Systématiquement lors de pyodermite profonde et, lors de pyodermite superficielle (photo ci-dessus), en présence de facteurs de risque (hospitalisation, milieu urbain, congénère porteur ou infecté, infection concomitante, antibiothérapie dans l’année précédente ou traitements répétés, traitement préalable à base de topiques auriculaires ou glucocorticoïdes), de circonstances cliniques évocatrices, et après l’arrêt de toute antibiothérapie pendant 48 à 72 heures.

Comment prélever en vue d’un antibiogramme ?

Après désinfection à la chlorhexidine 0,05 % en périphérie de la lésion, le fond de la lésion est frotté avec un écouvillon

stérile, de préférence floqué (milieu de conservation liquide). À l’aide d’une aiguille stérile, les squames périphériques de la collerette épidermique sont soulevées et/ou la lésion ponctionnée. Lors de pyodermite profonde ou de nodule interdigital, une biopsie est réalisée avec une mise en culture aérobie et anaérobie.

Que faire dans l’attente des résultats ?

Il importe de limiter les médicaments susceptibles d’aggraver l’infection (immunomodulateurs, notamment glucocorticoïdes, oclacitinib), de débuter ou d’accentuer les soins topiques antibactériens et la tonte, et enfin de mettre en place une antibiothérapie systémique probabiliste avec un antibiotique non critique, qu’il conviendra de réévaluer au bout de 4 jours à la lumière des résultats.

Que faire ensuite des résultats ?

En présence d’une souche bactérienne sauvage, la sensibilité à la plupart des antibiotiques est conservée. Lors de staphylocoque résistant à la méticilline (SMR), le laboratoire doit indiquer le phénotype bactérien, car le risque zoonotique n’est pas le même. En présence de multirésistance, les soins topiques sont à privilégier : antiseptiques à la chlorhexidine, peptides antimicrobiens, miel médical, etc. En cas d’échec du traitement antibactérien, il convient d’explorer les conditions de réalisation de l’examen bactériologique, l’observance, la durée des prescriptions, l’utilisation concomitante d’un immunomodulateur, l’absence de contrôle des causes sous-jacentes.

Quel est le risque zoonotique des infections cutanées ?

Les staphylocoques, agents les plus impliqués dans les pyodermites des carnivores, s’ils sont résistants à la méticilline (SMR), représentent un risque potentiel. Ce dernier est cependant plus élevé si l’espèce bactérienne est S. aureus, qui a la capacité de coloniser les muqueuses humaines, alors que S. pseudintermedius est un mauvais colonisateur. Il convient cependant de ne pas négliger le fait que la résistance à la méticilline est transférable d’une espèce de staphylocoque à l’autre. Rares dans les pyodermites, mais non négligeables dans les otites, les E. coli produisant des ß-lactamases à spectre étendu (BLSE) sont également susceptibles de représenter un risque. Enfin, les Pseudomonas rencontrées dans de nombreux cas d’otites chroniques peuvent constituer un risque pour des individus affaiblis.

Quelle est la pertinence d’un antibiogramme lors d’otite externe ?

La valeur prédictive de l’antibiogramme est très imparfaite, en raison des fortes concentrations utilisées localement, sauf en ce qui concerne les résistances naturelles. L’antibiogramme n’est intéressant que lors d’otite chronique avec des coques à la cytologie, lors de myringotomie et après rinçage de la bulle tympanique lors d’ablation du conduit auditif. Lors d’infection auriculaire, un bilan d’imagerie est recommandé avec antibiogramme. En présence de Pseudomonas, il importe de s’assurer de l’existence d’une véritable infection. Les Pseudomonas sont naturellement résistants à de nombreuses familles d’antibiotiques et possèdent une sensibilité naturelle à la gentamicine et aux fluoroquinolones. Le résultat cytologique lors d’otite à Pseudomonas ne peut cependant pas se substituer à un antibiogramme pour justifier une prescription de quinolone topique.

1 Voir La Semaine Vétérinaire n° 1666 du 18/3/2016, page 12.

Marie-Christine Cadiergues Diplomate ECVD, professeure de dermatologie à l’ENVT. Article rédigé d’après une webconférence organisée par Vétoquinol, en septembre 2016.

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