Que penser du régime Barf ? - La Semaine Vétérinaire n° 1704 du 27/01/2017
La Semaine Vétérinaire n° 1704 du 27/01/2017

CONFÉRENCE

PRATIQUE CANINE

Formation

Auteur(s) : GWENAËL OUTTERS  

L’alimentation Barf (biologically appropriate raw food) est une méthode alimentaire décrite par Ian Billinghust, vétérinaire australien, en 1993, en alternative à l’alimentation industrielle. Ce régime, complexe, est composé de viande crue, d’abats, de poisson, d’os charnus, de fruits et légumes, de produits laitiers, d’huile, de plusieurs compléments alimentaires, de vinaigre de cidre, d’algues et de levures ; sont exclus les féculents et les produits transformés. Cette idée repose sur le rejet de l’alimentation industrielle qui, selon son concepteur, serait à l’origine de la dysplasie de la hanche, de certains cancers et autres maladies, dont les troubles dentaires. Ce régime est volumineux et varié, avec un équilibre, non à chaque bouchée comme dans les régimes industriels, mais sur la semaine. Longtemps confidentiel, ce postulat s’est développé avec l’émergence d’Internet et des sites dévolus aux chiens, mais s’est surtout transformé, de sorte qu’aujourd’hui, l’appellation Barf est donnée à de nombreux types de régimes carnés, avec parfois un aliment cru tout prêt et souvent très gras (jusqu’à 65 % de matière grasse ou MG), jusqu’au plus simplissime ne contenant que de la viande. Une variante est l’utilisation de proies congelées, notamment des poussins d’un jour (dont l’achat est possible par les circuits qui alimentent les zoos). Ces régimes font cependant réapparaître des pathologies de carence qui avaient presque disparu, comme le rachitisme, l’ostéofibrose et l’hyperparathyroïdie secondaire.

Avantages avérés

Le régime peut être complet, mais peu équilibré. L’appétence semble bonne. Les additifs alimentaires et le gluten sont absents des rations qui sont réalisées sur mesure. Au niveau comportemental, l’allongement du temps de repas peut être un atout. Il semble que les chiens nourris au Barf ont un meilleur développement des membres antérieurs et des muscles de la face. La santé dentaire est entretenue dans la mesure où la ration contient des os. Enfin, le contentement du propriétaire est un élément majeur de satisfaction de ces rations.

Avantages revendiqués, mais non prouvés

Les adeptes revendiquent un régime à bas prix, ce qui n’est pas correct si un régime très diversifié est proposé. Plus riches en eau, ces rations diminueraient les risques de calculs urinaires. Elles apporteraient un poil brillant, diminueraient les risques d’allergie alimentaire, tout en augmentant la digestibilité des protéines. L’animal serait “plus heureux”, avec un système immunitaire plus performant.

Inconvénients

Nutritionnels

Le premier écueil de ces régimes est de savoir exactement à quoi correspond l’appellation Barf. En fonction des rations, les apports énergétiques (non couverts par l’apport de céréales) sont parfois insuffisants pour les animaux aux besoins énergétiques élevés (animaux en croissance, en lactation, de sport, par exemple). A contrario, les rations sont particulièrement riches en protéines et sont donc inadaptées aux chiens âgés ou présentant une insuffisance rénale chronique. Les régimes parfois très riches en lipides (souvent supérieurs à 50 % MG) pourraient présenter un risque d’apparition de troubles pancréatiques. Les carences ou les excès en calcium, selon que le chien reçoit ou non des os, sont quasiment inévitables. Enfin, les carences en oligo-éléments (dont le zinc), en vitamines D et A et en vitamines hydrosolubles sont fréquentes.

Une étude de 2011 portant sur l’analyse de 95 rations dites Barf a révélé 60 % de rations déséquilibrées : 10 % contenaient moins de 25 % des besoins en calcium et en vitamine D, 50 % étaient carencées en iode, la plupart l’étaient en zinc et 25 % n’assuraient que 70 % des besoins en vitamine A. Une étude de 2012 identifie des cas d’hyperparathyroïdisme secondaire chez des chiens nourris ainsi et dont les fonctions se sont normalisées après un changement alimentaire. Enfin, une augmentation de l’urémie et de la créatininémie est constatée avec ces régimes.

Sanitaires

Les risques sanitaires, bien documentés, concernent les chiens, mais également les propriétaires : fréquentes contaminations bactériennes des viandes crues, prolifération des bactéries par rupture de la chaîne du froid, présence de salmonelles dans 80 % des échantillons de poulet cru, 30 % des chiens excrétant des salmonelles dans les fèces. En raison du risque zoonotique, le port de gants et le respect d’une hygiène stricte lors de la manipulation des matières premières sont indispensables. Le risque parasitaire est également identifié. Les corps étrangers œsophagiens ou intestinaux peuvent également être redoutés, ainsi que les lésions œsophagiennes secondaires à l’ingestion d’os. Lors de régimes Barf simplifiés, le microbiote intestinal tend à s’appauvrir.

Que dire au propriétaire ?

Il n’existe pas un régime Barf, mais différentes pratiques qui, finalement, n’ont que peu de points communs. Il s’en dégage certains avantages, mais les inconvénients sont multiples et graves, notamment concernant les déséquilibres alimentaires. Il est possible d’accompagner les propriétaires dans leur choix en comprenant leurs objectifs. Les régimes Barf acceptables se rapprochent d’une ration ménagère adaptée accompagnée d’un complément minéralo-vitaminique et d’acides gras essentiels. Certaines rations sont envisageables sous certaines conditions et notamment si les risques sanitaires et nutritionnels sont prévenus. Le vétérinaire doit impérativement se protéger par rapport au régime prescrit pour s’assurer que celui-ci sera effectivement suivi tel qu’il est dans son intégralité, y compris avec les compléments, souvent abandonnés au fil du temps par les propriétaires. Le praticien doit également être particulièrement vigilant sur certaines populations, en particulier le chien en croissance. Enfin, une question éthique a été soulevée par l’auditoire : que penser de donner 700 g de viande par jour à un chien domestique, alors que les ressources protéiques animales à l’échelle humaine sont comptées ?

Pour en savoir plus :

Dillitzer N. et coll. Intake of minerals, trace elements and vitamins in bones and raw foods rations in adult dogs. Br. J. Nutr. 2011;106:S53-S56.

Kohler B. et coll. Dietary hyperthyroidism in dogs. J. Small Anim. Pract. 2012;53:182-184.

Marianne Diez Dip. ECVCN, praticienne hospitalière à la faculté de médecine vétérinaire de l’université de Liège (Belgique). Article rédigé d’après une présentation faite lors du congrès de l’Afvac à Lille (Nord), en novembre 2016.

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