Les centrales vétérinaires : entre tradition et innovation - La Semaine Vétérinaire n° 1702 du 13/01/2017
La Semaine Vétérinaire n° 1702 du 13/01/2017

DOSSIER

Auteur(s) : SERGE TROUILLET 

Les centrales de distribution de produits et services vétérinaires sont tellement intégrées au paysage vétérinaire, aujourd’hui, que l’on oublie parfois à quel point leur création, il y a une quarantaine d’années, a facilité la vie des praticiens libéraux. Au sein d’une profession en évolution permanente, elles adaptent leur développement entre tradition et innovation.

Le premier choc pétrolier, en 1973, n’est pas sans incidence sur la profession vétérinaire. Perce alors une inquiétude au regard de l’économie générale. Et donc la nécessité pour les vétérinaires, notamment les plus jeunes, de se prendre en main différemment. Au cœur des révolutions sociales, sociétales et économiques de l’époque, après 1968, la profession se réorganise. Elle entend rationaliser les procédures de commandes et de livraisons qui font alors intervenir d’innombrables acteurs. Dans une logique régionale, au début, des vétérinaires, soucieux d’efficacité et d’indépendance, se regroupent, et de nombreuses centrales d’achat de médicaments voient ainsi le jour un peu partout sur le territoire : « Coveto a été créée dans un esprit de start-up ; le mot n’existait pas, l’esprit, si », commente son directeur de la communication et du marketing, Emmanuel Thébaud.

La plupart des grandes centrales actuelles sont issues directement ou indirectement de ces premières structures. Le paysage de ce nouveau secteur d’activité se forme globalement entre 1973 et 1978, y compris la création de l’Association nationale des sociétés vétérinaires d’achat et de distribution de médicaments (ANSVADM). La loi n° 75-409 du 29 mai 1975, qui institue le partage de la fourniture des médicaments vétérinaires entre les pharmacies, certains groupements agréés et les praticiens libéraux, ne laisse pas de préoccuper ces derniers. Il s’agit donc de mutualiser des moyens pour acheter de plus gros volumes négociés à de meilleurs prix.

Une force de proposition

Pour Éric Humbert, président du directoire de Centravet, « le métier de grossiste-répartiteur consiste simplement à acheter des produits, à les stocker, à les conditionner, puis à les livrer. Le plus difficile est de le faire chaque jour le mieux possible, que chaque commande parvienne à son destinataire en temps et en heure quels que soient les aléas ».

Ce qui change relève de l’organisation de la distribution, très professionnalisée, tant sur le plan de la logistique que sur celui de la qualité (maintien de la chaîne du froid, gestion des stocks, des erreurs, respect de la réglementation, de la traçabilité, etc.). Hors de ces fondamentaux, la palette de l’activité des centrales s’élargit cependant : matériel, pet food, services. Philippe Leroy, président-directeur général d’Hippocampe, en résume l’objectif : « Nous sommes une force de proposition, pour permettre au praticien d’améliorer son exercice au quotidien dans toutes ses dimensions. »

Si aucune centrale ne conteste la nécessité de limiter l’usage des antibiotiques, les effets de la loi d’avenir agricole (n° 2014-1170 du 13 octobre 2014) en ont affecté le chiffre d’affaires. D’aucunes ont ressenti la logique du prix unique comme une négation de leur rôle de distributeurs devant couvrir leurs frais logistiques. Mais le principe de réalité prévalant, chacune a fait évoluer son modèle économique en conséquence. Éric Humbert, de Centravet, pense même que cette loi a permis à la profession vétérinaire « de prouver toute sa maturité et son utilité sociale, le syndicat et l’Ordre ayant fait un travail remarquable pour accompagner les vétérinaires dans ce changement ».

« Occasions à saisir plutôt que craintes à nourrir »

Les enjeux économiques, les nouvelles concurrences, les transformations techniques, sociales et réglementaires, obligent aujourd’hui les vétérinaires à faire évoluer leurs entreprises, à intégrer de nouvelles compétences de gestion, à développer des offres complémentaires de l’activité de soins. Dans ce contexte, le secteur de la distribution de produits et de services vétérinaires mise sur l’innovation, notamment dans les services, pour répondre à leurs besoins. Il ne se veut pas moins attentif à l’évolution de l’environnement de la profession.

Sa vigilance devrait contribuer, à cet égard, à ce que soit rejeté l’amendement 226 à la proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil relatif aux médicaments vétérinaires, adopté le 10 mars 2016. Interdisant à tout vétérinaire d’avoir un intérêt économique ou financier dans une structure qui délivre ou fabrique des médicaments, il prouve assez combien le législateur ignore cet aspect de la situation des centrales vétérinaires, mais aussi de l’ensemble de la profession !

Cette attention à l’évolution de l’environnement de la profession vétérinaire concerne également les aspects liés à la transformation numérique, l’annonce d’ouvertures importantes de marché du médicament vétérinaire au niveau européen, concomitamment à des contraintes de pratiques de distribution, qui nécessiteront beaucoup de vérifications pour les achats ou les transferts de médicaments d’un pays européen à un autre. Lieve Vandekeybus, directrice d’Agripharm qui, Belge flamande, suit de près l’environnement réglementaire européen, considère qu’il s’agit là plutôt « d’occasions à saisir que de craintes à nourrir ».

« Élargir notre périmètre d’activité »

Cette ouverture du marché est au cœur d’un débat très animé en Europe. Certains pays prônent la libéralisation totale et la diffusion sur Internet de l’ensemble des gammes de médicaments, tandis que d’autres souhaitent exclure les médicaments non dérogataires soumis à ordonnance. Ce projet de règlement européen, craint Éric Humbert, « porte en germe la légitimation des sites internet qui vendent des médicaments, dans une concurrence directe et agressive des vétérinaires. Le médicament vétérinaire n’est pas un produit anodin, il exige le conseil du praticien, y compris lorsque le canal de distribution est numérique ». Un argument à l’adresse des vétérinaires qui peuvent « compter sur Centravet pour ne pas alimenter ces sites ».

Compte tenu de ce contexte réglementaire, le marché des distributeurs vétérinaires risque de se restreindre de plus en plus. Si le couplage prescription-délivrance a été récemment confirmé, ce sujet d’inquiétude peut revenir lors d’une prochaine révision de la directive médicaments, vers 2025 ! Comment alors assurer la continuité de la prestation auprès des vétérinaires pour les centrales si leurs ressources se réduisent ? « C’est le moment de réfléchir à l’élargissement de notre périmètre d’activité pour que les vétérinaires aient un outil qui demeure qualitatif. Nous les accompagnons pour qu’ensemble nous réinvestissions des segments de marché délaissés, tels que l’hygiène ou la nutrition. De nouvelles pistes se construisent avec eux », indique Isabelle Schneider, directrice du marketing et du développement d’Alcyon, sans rien dévoiler de ses projets.

COVETO 

« 40 ANS À CONSTRUIRE L’AVENIR VÉTÉRINAIRE »

En 1976, une cinquantaine de vétérinaires de l’ouest de la France créent Coveto en choisissant la voie de la coopérative. Celle-ci, 40 ans plus tard, est implantée sur les deux tiers ouest du territoire national et compte 2 000 actionnaires covétistes. Son siège social se situe à Montaigu (Vendée) où se trouve également My Vet Apps, filiale informatique, depuis 2012. Les autres filiales sont installées à Limoges (site de distribution, depuis 2013, Haute-Vienne) et à Saint-Crépin-Ibouvillers (Hospimedi, distributeur de matériel spécialisé dans les techniques non invasives d’avenir, depuis 2016, Oise). Outre son entrepôt de 11 500 m2 à Montaigu et celui de Limoges, Coveto dispose également, depuis 2016, d’une plateforme logistique à Wissous (Essonne). La coopérative revendique, dans son histoire, une capacité à l’innovation au service de ses clients : que ce soit dans la mise en place d’un service de matériel dédié, dans l’utilisation du Minitel et plus tard d’un extranet, dans la garantie depuis 2006 de la gestion du froid embarqué dans les camions avec un suivi des températures par enregistreur, ou encore dans sa proposition de colisage, depuis 2011. Avec un large réseau de partenaires conseils en appui, Coveto compte 200 salariés et son chiffre d’affaires 2015 est de 169 M€.

HIPPOCAMPE 

LE GROUPE HENRY SCHEIN EN APPUI

Forte de ses trois entrepôts de stockage et de préparation à Caen (Calvados), Bressuire (Deux-Sèvres) et Nevers (Nièvre), et de ses différentes plateformes logistiques, Hippocampe, créée en 1978, couvre les deux tiers nord de la France pour son activité de grossiste-répartiteur. Depuis 2007, le groupe Henry Schein est entré dans son actionnariat. Leader mondial de la distribution vétérinaire, il apporte à la centrale vétérinaire un panel de produits et de services liés à sa taille mondiale. Parmi eux, des produits de marque propre, une gamme qualitative de pet food (Calibra®), un large catalogue de consommables, d’instrumentation et d’équipement, qui peuvent être proposés sur tout le territoire, aux vétérinaires clients, à des tarifs bénéficiant d’économies d’échelle. Hippocampe a également lancé un autre partenariat exclusif avec une marque de pet food très haut de gamme (Farmina®), tandis qu’elle travaille, par ailleurs, à promouvoir activement l’assurance santé pour les animaux. Son partenariat avec Henry Schein, avec les perspectives de synergies entre pays dans un marché qui va s’ouvrir, prépare idéalement Hippocampe, selon elle, à l’avenir européen du médicament vétérinaire. La centrale compte 118 salariés et son chiffre d’affaires 2015 est de 76 M€.

AGRIPHARM 

LA FORCE DU RÉSEAU

Jusqu’en 2011, Agripharm, créée en 1991, appartenait au groupe Cristal, un réseau d’entreprises au service de la santé animale et partenaire des filières agroalimentaires. Elle est alors passée dans le giron de Neftys-Pharma, un groupe spécialisé dans la distribution de produits vétérinaires dont Cristal est devenu actionnaire. Agripharm est un grossiste spécialisé dans le monde vétérinaire et de l’élevage, pouvant livrer sur tout le territoire national grâce à ses partenariats avec de nombreux transporteurs. Au sein de Neftys-Pharma, qui comprend aussi Elvétis, Longimpex, Véto Santé et Serviphar, elle est la principale société qui distribue directement auprès des vétérinaires, surtout au réseau Cristal et essentiellement dans l’Ouest. Elle a également les statuts de distributeur de médicaments vétérinaires soumis à des essais cliniques, de dépositaire pharmaceutique et d’exploitant d’autorisations de mise sur le marché de médicaments vétérinaires ; ses clients sont tous les ayants droit de la pharmacie vétérinaire. Son entrepôt, aux Herbiers (Vendée), dispose d’une surface de 1 750 m2 et possède cinq chambres froides d’une surface totale de 180 m2. Agripharm emploie 15 salariés et son chiffre d’affaires (CA) 2015 atteint les 59 M€ (60 % hors-sol et 50 % en vaccins). Le CA de Neftys-Pharma est d’environ 180 M€.

CENTRAVET 

« RESTER HUMBLE ET NE PAS COÛTER CHER »

Centravet est une société coopérative à conseil de surveillance et directoire, issue en 1977 de la transformation d’une petite structure d’approvisionnement de quelques vétérinaires créée en 1973. Son activité, tournée presque uniquement vers les vétérinaires praticiens, porte pour 70 % sur le médicament, 20 % sur le pet food et 10 % sur le matériel. Elle s’organise au siège social, à Dinan (Côtes-d’Armor), dans quatre établissements pharmaceutiques à Plancoët (Côtes-d’Armor), Lapalisse (Allier), Nancy (Meurthe-et-Moselle) et Castelnaudary (Aude), ainsi que dans six établissements de distribution (entrepôts) de pet food. Partant de 11 points en France, 138 camionnettes livrent chaque année 25 000 tonnes de produits. Par l’intermédiaire de sa filiale informatique GMV, créée à Rennes en 2012, Centravet développe et gère des logiciels de gestion dont GmVet, en ligne, présenté comme possédant une vraie avancée technologique. Revendiquant un esprit de coopérative fondé sur des valeurs simples (« bien travailler, rester humble et ne pas coûter cher »), la centrale de Dinan annonce avoir progressé en 2016 de six points de plus que le marché, c’est-à-dire de 8 %. Elle veut croire que ce résultat tient à la clarté de son rapport avec le monde vétérinaire. Centravet compte 300 salariés et son chiffre d’affaires 2015 est de 450 M€.

ALCYON 

43 % DE PARTS DE MARCHÉ CHEZ LES VÉTÉRINAIRES

Fruit de la fusion en 1995 de centrales vétérinaires créées dans les années 1970, Alcyon est aujourd’hui une société anonyme dont le capital est détenu par 4 600 vétérinaires libéraux praticiens en activité. Elle est présente essentiellement sur le marché vétérinaire (43 % de parts de marché). Ses 420 collaborateurs travaillent dans quatre établissements principaux à Arras (Pas-de-Calais), Landerneau (Finistère), Lyon (Rhône) et Pau (Pyrénées-Atlantiques), deux plateformes de pet food à Montpellier (Hérault) et Nice (Alpes-Maritimes), dans les filiales Hubvet (logiciel de gestion Dr.veto) et Vet Services (sites internet Chezmonveto.com) et au siège (Paris). Son activité est liée pour 76,65 % à la distribution du médicament et pour 23,35 % à l’alimentation et au matériel. Sa surface de stockage, en France, s’élève à 40 000 m2 ; 2 000 expéditions sont réalisées chaque jour et 31 000 tonnes sont livrées par Alcyon chaque année sur le territoire national. Son conseil d’administration est composé de 12 vétérinaires praticiens qui déterminent les orientations stratégiques de la centrale, veillent à leur mise en œuvre et en contrôlent les résultats. Dans les statuts d’Alcyon, le président doit demeurer, pour partie, en activité. La centrale dispose de deux filiales : l’une en Italie depuis 1988, devenue Alcyon Italia, avec 40 employés et un chiffre d’affaires (CA) de 25 M€ ; l’autre en Belgique, depuis 1993, devenue Alcyon Belux, avec 50 employés et un CA de 46 M€. Le chiffre d’affaires 2016 d’Alcyon France, en léger retrait par rapport à celui de 2015, est de 557 M€.
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