La maladie de Lyme : mythe ou réalité ? - La Semaine Vétérinaire n° 1701 du 06/01/2017
La Semaine Vétérinaire n° 1701 du 06/01/2017

CONFÉRENCE

PRATIQUE MIXTE

Formation

Auteur(s) : ANNE COUROUCÉ-MALBLANC 

La maladie de Lyme est un sujet d’actualité tant en médecine humaine que vétérinaire. Un scandale est né en médecine humaine en raison du sous-diagnostic de l’affection et d’un nombre important de faux négatifs. En France, 27 000 cas par an sont diagnostiqués, versus 300 000 en Allemagne, et une plainte de patients est en cours pour défaut de diagnostic.

De ce fait, un plan national de lutte contre la maladie de Lyme et les affections transmises par les tiques a été lancé par le ministère de la Santé en septembre 2016, afin « d’éviter le sentiment d’abandon et l’errance thérapeutique auxquels sont confrontés des malades de Lyme. Il permet de mieux comprendre la maladie, de soigner plus efficacement les patients et de mobiliser tous les outils disponibles pour prévenir la maladie ».

Par ailleurs, le plan ÉcoAntibio 2012-2017 a été mis en place par le ministère en charge de l’agriculture. Il est cohérent avec le plan national d’alerte sur les antibiotiques 2011-2016 conduit par le ministère en charge de la santé, ainsi qu’avec le plan d’action de la Commission européenne pour combattre les menaces croissantes de la résistance aux antimicrobiens. Il est important de le mentionner ici, car de nombreux chevaux positifs à la maladie de Lyme sont traités de manière systématique avec des antibiotiques sur de longues durées.

Les questions qui se posent en santé équine sont les suivantes :

- est-ce que le cheval séropositif est un cheval malade et doit-on le traiter ? ;

- cette affection est-elle sous-diagnostiquée, surdiagnostiquée ou surtraitée chez l’équidé ?

- ou, pour aller plus loin, la maladie de Lyme “existe-t-elle vraiment” chez le cheval ?

Origine

Une bactérie, Borrelia burgdorferi, est responsable de la maladie de Lyme. Elle peut être divisée en différentes espèces :

- B. burgdorferi sensu stricto, présent en Europe et aux États-Unis, mais absent en Russie et en Asie,

- B. garinii,

- B. afzelii,

- B. valaisiana.

Chez le cheval, comme chez les autres espèces d’animaux domestiques, l’épidémiologie de la borréliose de Lyme est liée à la biologie et à l’écologie des arthropodes vecteurs que sont les tiques, ainsi qu’à la présence de certains animaux sauvages à sang chaud qui constituent le réservoir de ces bactéries et assurent la pérennité de l’infection. En Europe, ce sont essentiellement Ixodes ricinus et Ixodes persulcatus qui transmettent la maladie. Les spirochètes sont localisés dans la muqueuse intestinale de la tique et transmis par la salive au cours du repas de sang. La migration de la bactérie de la paroi intestinale vers la glande salivaire nécessite 2 à 3 jours. Le risque de transmission de la maladie par une tique infectée apparaît au minimum au bout de 18 heures et en général 24 à 48 heures après la fixation de l’arthropode.

Séroprévalence

La séroprévalence est souvent très élevée chez l’homme comme chez les animaux domestiques. Celle-ci n’est pas le plus souvent corrélée avec l’existence d’une maladie clinique. Dans la population humaine, sur 100 personnes mordues par une tique infectée, seules 10 % présenteront les premiers signes cliniques et moins d’1 % les signes secondaires et tertiaires. Cependant, la grande majorité de ces individus fera une séroconversion.

Chez l’équidé, des observations similaires ont été effectuées. Pour plusieurs auteurs, seuls 10 à 15 % des chevaux contaminés par des tiques porteuses de B. burgdorferi sensu lato vont présenter une symptomatologie détectable. En équine, la symptomatologie est tellement variable que nos confrères américains l’appellent “the great imitator”. C’est dire la difficulté du diagnostic clinique, car la bactérie peut se localiser dans n’importe quel organe et reproduire des signes cliniques extrêmement variés et non pathognomoniques.

Signes cliniques

Lorsqu’ils existent, les symptômes “classiques” sont les suivants :

- 10 à 15 jours après la morsure de la tique, il se forme autour du point de fixation un érythème cutané dont l’observation est rendue difficile par le pelage. Le plus souvent cette lésion primaire s’accompagne ou non d’autres signes cliniques d’intensité très variable tels que de l’anorexie, une baisse de forme, de l’hyperthermie et un certain degré de dyspnée. Dans certains cas, l’animal présente une fourbure, mais pas d’atteinte articulaire à ce stade primaire de la maladie ;

- quelques jours ou plusieurs semaines après, la bactérie peut se disséminer dans tout l’organisme avec cependant une nette prédilection pour les articulations. Celles du carpe ou du tarse sont œdémaciées, douloureuses et chaudes. Cette arthrite inflammatoire atteint une seule ou différentes articulations. Il s’ensuit une intense boiterie qui s’accompagne d’un œdème du membre. Sans traitement approprié, l’arthrite peut persister plusieurs mois, entrecoupée de phases de rémission. Ces signes cliniques sont davantage le résultat de la formation d’immuns-complexes avec formation d’enzymes qui détruisent le collagène articulaire qu’une action directe de la bactérie ;

- beaucoup plus rarement et tardivement, des complications nerveuses et/ou oculaires peuvent survenir.Des signes d’encéphalite, de paralysie de la queue, de dysphagie, de kératite, d’ulcères de la cornée, d’uvéite et de cataracte ont été décrits. Cependant ces signes cliniques “classiques” sont souvent beaucoup plus discrets et se traduisent essentiellement par une baisse de forme, un changement de comportement (une certaine agressivité ou irritabilité), une réluctance au travail avec ou non un état fébrile.

Moyens diagnostiques

Les examens de laboratoire sont essentiellement basés sur la sérologie parenzyme-linked immunosorbent assay (Elisa) ou immunofluorescence, ou bien de préférence par western blot. En équine, il est recommandé d’effectuer une sérologie et un western blot pour éliminer d’éventuelles réactions croisées pouvant être observées avec notamment les leptospires et approcher le caractère précoce ou tardif de la réponse immunitaire.

La sérologie n’est pas le gold standard international. Une séroconversion apparaît au bout d’environ 3 semaines, voire dans un délai de 6 à 8 semaines postinfection. Réaliser deux prises de sang à 15 jours d’intervalle présente le risque de ne rien détecter. En règle générale, la séropositivité se manifeste tardivement après la morsure infectante par la tique. Lorsqu’elle est sans signe clinique patent, elle a peu de valeur, car de nombreux herbivores sont séropositifs sans en montrer le moindre signe.

Pour étayer ces propos, Pierre-Hugues Pitel a dévoilé deux études récentes non encore publiées. La première a été menée sur une population de 303 chevaux sains ne présentant aucun signe clinique. Un total de 20 % de ces animaux était séropositif : il y a donc une chance sur cinq d’avoir un cheval positif à la sérologie. Il convient de confirmer cette positivité par la technique western blot. Lors d’une seconde étude menée sur une population de 168 chevaux, deux tiers des sujets positifs en sérologies étaient négatifs en western blot. Il existe donc de nombreux faux positifs.

Par ailleurs, la sérologie ne permet pas non plus de de contrôler l’efficacité d’un traitement, car le taux d’anticorps diminue de manière infime.

Pour la polymerase chain reaction (PCR), l’ADN est détecté. Plusieurs analyses sont souvent nécessaires dans le temps, sur des échantillons de différents tissus (sérum, liquide d’aspiration articulaire, tissu synovial, urine, sang du cordon, placenta et/ou liquide céphalorachidien) et effectuées par un laboratoire fiable. La sensibilité globale de la PCR sur n’importe quel échantillon est d’environ 30 % et sa spécificité est supérieure à 99 %.

Les données du pôle d’analyses et de recherche Labéo indiquent une prévalence de 0,25 % de PCR positives sur 3 ans (2 500 analyses environ) contre 28 % sur la même période en Elisa.

Traitement

Les antibiotiques utilisés sont la tétracycline (6,6 mg/kg toutes les 12 heures par voie intraveineuse), la doxycycline (10 mg/kg toutes les 12 heures per os)et le ceftiofur (2,2 mg/kg toutes les 12 heures par voie intramusculaire).

En France, la doxycycline n’a pas d’autorisation de mise sur le marché (AMM) pour le cheval et le ceftiofur est un antibiotique critique. Il est donc recommandé d’utiliser les tétracyclines pendant une durée de 3 à 4 semaines, voire 6 à 8 semaines. Il est bien évident que ce traitement n’est pas anodin, les tétracyclines pouvant engendrer des diarrhées ainsi qu’éventuellement des résistances.

Prévention

Il n’existe pas, à l’heure actuelle, de vaccin commercialisé contre la borréliose de Lyme du cheval. Les traitements de l’environnement pour détruire les tiques sont illusoires.Il est indiqué cependant d’appliquer sur les animaux des produits actifs contre les tiques, comme la deltaméthrine, pour tenter d’éviter leur fixation ou la transmission de l’affection.

POINTS FORTS

- L’infection peut être sous-diagnostiquée.
- La maladie est présente mais probablement surdiagnostiquée.
- Il convient de mettre en place une approche rigoureuse, car le traitement est impactant.
- Il est nécessaire d’améliorer les outils diagnostiques en attendant l’utilisation rigoureuse d’outils validés chez les chevaux sans faire de surinterprétation.

Pierre-Hugues Pitel, Labéo Frank Duncombe à Caen (Calvados). Articlé rédigé d’après une présentation faite aux équirencontres Avef-Merial de Deauville (Calvados), le 17 octobre 2016.

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