Recherche, référence, surveillance, évaluation des risques : l’Anses répond aux enjeux sanitaires - La Semaine Vétérinaire n° 1700 du 13/12/2016
La Semaine Vétérinaire n° 1700 du 13/12/2016

ACTU

En créant l’Anses 1 le 1 er juillet 2010, l’État s’est doté d’une agence capable de répondre aux enjeux sanitaires auxquels chaque citoyen est confronté dans son quotidien, par son alimentation, dans son travail ou son environnement, englobant par là même la santé et le bien-être des animaux, et la protection des végétaux. La présence, au cœur d’une agence de sécurité sanitaire, de laboratoires de recherche et de référence couvrant les thématiques de la sécurité sanitaire des aliments, de la santé et du bien-être des animaux, ou de la santé des végétaux constitue une singularité dans le paysage européen. Pourquoi et comment produire de la recherche dans une agence de sécurité sanitaire fortement mobilisée par l’évaluation des risques ?

L’anticipation des conséquences sanitaires pour l’homme de son exposition à des agents biologiques, physiques ou chimiques, qu’ils soient liés à des pathologies animales ou végétales, à des contaminations alimentaires ou environnementales, est l’un des rôles fondamentaux des 11 laboratoires de l’Anses. Le lien étroit entre activités de recherche, de référence et d’évaluation des risques permet ainsi de se doter des outils les mieux adaptés à la surveillance de ces agents, et contribue à une meilleure anticipation et à une meilleure gestion des crises sanitaires qui ne manquent pas de survenir. Cette contribution n’est, bien évidemment, pas le monopole des chercheurs de l’Anses, mais elle nourrit l’expertise de l’agence : les activités de référence et de surveillance, notamment, permettent la constitution de collections biologiques indispensables à l’évaluation rétrospective des risques. Ainsi, la collection de bactéries pathogènes animales résistantes aux antibiotiques, dans le cadre du réseau de surveillance Résapath, a-t-elle permis de montrer que le gène mcr-1 de résistance à la colistine nouvellement découvert était présent au sein des bactéries circulant en France depuis au moins 2004. De même, le réseau Salmonella a permis de détecter l’émergence potentielle de Salmonella Kentucky CipR, hautement résistante à la ciprofloxacine, et d’éclairer la décision publique pour stopper sa propagation.

Ce lien indissociable entre recherche et référence à l’Anses est un atout fondamental pour répondre à ses missions d’agence sanitaire. Ainsi, les nouveaux virus influenza aviaire apparus fin 2015 dans le Sud-Ouest vont-ils alimenter la recherche sur la relation hôte-pathogène et le franchissement de la barrière interespèces dans les années à venir. De même, les nouveaux virus FCO apparus depuis quelques années en Europe continentale alimenteront ses recherches, menées en collaboration avec l’Institut Pasteur, sur l’interactome cellulaire de ces virus. Cette recherche plus fondamentale en virologie contribue à la compréhension des mécanismes les plus intimes du vivant et construit notre expertise de demain.

La recherche à l’Anses est basée également sur une interdisciplinarité, fondée sur la coopération étroite au sein de ses laboratoires entre épidémiologistes, microbiologistes, virologues... De cette interdisciplinarité émerge par exemple la construction de modèles expérimentaux permettant de mieux répondre aux questions de recherche les plus complexes sur l’interaction des agents pathogènes au sein de l’hôte animal. Ainsi, nos équipes, à la pointe des connaissances actuelles sur le virus de l’hépatite E, ont pu montrer l’interaction de ce virus zoonotique d’identification récente avec le virus bien connu du SDRP2 chez le porc, la co-infection contribuant à une excrétion prolongée du virus de l’hépatite E. Dans ce cas, les enquêtes épidémiologiques conduites par nos équipes sur le terrain ont permis d’établir cette hypothèse, qui a pu être confirmée par les modèles expérimentaux mis en œuvre sur des porcs exempts d’organismes pathogènes. Ces résultats sont, bien entendu, déterminants dans la construction de l’évaluation des risques et dans l’élaboration de mesures potentielles de gestion.

L’existence d’équipes de recherche de haut niveau dans une agence d’évaluation des risques conditionne la capacité de redéploiement de l’agence et sa réactivité en temps de crise, en appui aux pouvoirs publics. Cette capacité de redéploiement lors d’une crise sanitaire est inscrite dans la culture de l’Anses, lui permettant de mobiliser ses chercheurs, qui ont acquis une large expérience de ces situations au cours de leur carrière, pour répondre dans l’urgence aux questions que posent les émergences. Elle permet également d’orienter rapidement les travaux de l’agence en appui aux scientifiques évaluateurs du risque et aux comités d’experts spécialisés, qui sont également sollicités pour définir des priorités de recherche lors de l’élaboration de ses avis et recommandations.

Enfin, l’implantation des laboratoires de l’Anses au cœur des territoires et au plus près des filières participe au rayonnement de la communauté scientifique au niveau régional, à travers des accords et des projets menés en collaboration avec des pôles d’excellence scientifiques régionaux.

Les laboratoires de recherche et de référence de l’Anses occupent donc une position originale et privilégiée dans le paysage de la recherche française et européenne, en prise directe avec le terrain et les questionnements de la société dans leurs domaines de compétences. Répondre rapidement à ces questions, qui nécessitent la mise en œuvre d’outils et de méthodologies complexes, est un défi permanent qu’ils s’attachent à relever… avec succès.

1 Agence nationale de sécurité sanitaire.

2 Syndrome dysgénésique et respiratoire porcin.

ROGER GENET

a été nommé directeur de l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses) en 2016. Depuis 2012, il était directeur général de la recherche et de l’innovation au ministère de l’Éducation nationale, de l’Enseignement supérieur et de la Recherche, après une carrière tournée vers la recherche, en particulier au sein de la Direction des sciences du vivant du Commissariat à l’énergie atomique (CEA).
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