Les enjeux de la réforme européenne sur les médicaments vétérinaires - La Semaine Vétérinaire n° 1700 du 13/12/2016
La Semaine Vétérinaire n° 1700 du 13/12/2016

ACTU

À l’heure actuelle, il existe un nombre et une gamme insuffisants de médicaments pour prévenir et traiter les maladies chez les animaux au sein de l’Union européenne (UE). C’est notamment le cas pour les animaux considérés comme des espèces mineures tels les abeilles, les poissons et les dindons, pour certaines maladies où les incitations à investir dans le développement de nouveaux médicaments – en premier lieu des antibiotiques – sont insuffisantes et sur les marchés plus étroits, en particulier dans les petits États membres. L’absence de médicaments vétérinaires appropriés entraîne une santé et un bien-être des animaux moins favorables, des risques accrus pour la santé humaine et des désavantages économiques et concurrentiels pour les agriculteurs européens. De plus, les règles actuellement en vigueur imposent une charge administrative excessive et pas toujours nécessaire au secteur vétérinaire et agricole. L’étude d’impact que nous avons préparée pour appuyer l’adoption de la proposition de révision sur les médicaments vétérinaires estime que le fardeau administratif total de l’industrie pharmaceutique vétérinaire représente environ 13 % du chiffre d’affaires total du secteur, soit deux fois plus que celui du secteur de la médecine humaine. Par ailleurs, la menace croissante de la résistance aux antimicrobiens (RAM) doit être combattue d’urgence et avec force. Dans l’UE, on estime qu’au moins 25 000 personnes meurent chaque année d’une infection due à des bactéries résistantes aux antibiotiques. Les infections causées par ces bactéries multirésistantes entraînent également des coûts supplémentaires de soins de santé et des pertes de productivité importantes. Si la tendance actuelle n’est pas modifiée, 300 millions de personnes dans le monde devraient mourir prématurément en raison de la résistance aux antimicrobiens au cours des 35 prochaines années. Bon nombre des antimicrobiens utilisés chez les animaux sont également utilisés chez l’homme. Certains d’entre eux sont essentiels pour prévenir ou traiter des infections graves chez les humains. La lutte contre la résistance microbienne aux médicaments humains et vétérinaires, en Europe comme dans le monde, est une priorité absolue de l’action sanitaire de l’UE. Il est intéressant de noter que la directive européenne actuelle sur les médicaments vétérinaires, adoptée il y a 15 ans, ne mentionne l’antibiorésistance qu’une fois, comme une réflexion mineure dans une annexe.

Dans cet esprit, et en dehors de l’objectif primordial de préserver les meilleures normes mondiales de santé animale et publique (et de sécurité environnementale) que notre cadre actuel de réglementation nous apporte, les objectifs de la réforme des règles européennes sur les médicaments vétérinaires sont de :

1 - simplifier l’environnement réglementaire et de réduire les charges administratives, c’est-à-dire de réduire les formalités administratives, notamment en rationalisant les procédures d’autorisation de mise sur le marché et en permettant aux entreprises de conserver une médecine vétérinaire sur l’ensemble du marché de l’UE ; et en recentrant les règles de pharmacovigilance – actuellement fondées sur des rapports périodiques – vers une approche basée sur le risque et la surveillance continue ;

2 - stimuler le développement de nouveaux médicaments vétérinaires, y compris ceux destinés à des marchés limités (utilisations mineures et espèces mineures), tout en maintenant ceux qui sont déjà sur le marché, notamment par des règles spéciales pour l’autorisation des médicaments vétérinaires pour les petits marchés comme l’apiculture et l’aquaculture, et un meilleur mécanisme de récompense (c’est-à-dire une protection accrue de la documentation technique) pour les médicaments vétérinaires innovants, afin de réaliser des investissements économiquement intéressants ;

3 - faciliter la circulation des médicaments vétérinaires dans l’ensemble de l’UE, grâce à de meilleures procédures d’autorisation et à des règles claires sur les formes modernes de vente au détail, c’est-à-dire les ventes sur Internet, sur la base du modèle adopté avec succès pour les médicaments humains. Cela permettra aux détaillants légitimes, autorisés au niveau national par les autorités de chaque État membre de l’UE, d’opérer tout en rendant la vie plus difficile pour les fraudeurs ;

4 - lutter contre la menace de résistance aux antimicrobiens, dans le cadre de l’action de l’UE contre la RAM et avec une approche globale “une seule santé”, au moyen d’un ensemble complet de dispositions spécifiques, notamment par un système complet et obligatoire de collecte de données sur la vente et l’utilisation des antimicrobiens, des règles plus strictes en matière de publicité pour les médicaments vendus sous ordonnance, y compris les antimicrobiens, des conditions spéciales pour la vente au détail d’antimicrobiens par les vétérinaires, l’interdiction de l’autorisation des antimicrobiens en tant qu’agents de croissance, les incitations pour le développement de nouveaux antimicrobiens (protection prolongée de la documentation technique), l’exigence d’une prescription pour tous les antimicrobiens. Le Parlement européen, sous la direction de son rapporteur Mme Françoise Grossetête (qui, je pense personnellement, a fait un travail vraiment excellent), a introduit un certain nombre d’amendements à la proposition de la Commission concernant notamment la lutte contre la RAM. Lorsque le Conseil terminera, je l’espère dans les prochains mois, son examen de la proposition de la Commission, nous en discuterons tous en détail au cours des futurs “trilogues” interinstitutionnels, mais je peux certainement dire que la Commission se félicite de l’esprit et de l’orientation générale de ces propositions.

Par ailleurs, la proposition de la Commission européenne porte sur la réglementation des médicaments vétérinaires et non sur le statut professionnel des vétérinaires. La réglementation de la situation professionnelle (et des compétences) des vétérinaires, notamment en ce qui concerne la possibilité de vendre ou de fournir directement des médicaments vétérinaires, est définie par chaque État membre au niveau national.Elle reflète une multiplicité de facteurs et de caractéristiques propres à chaque pays, tels que la taille, la structure de la chaîne d’approvisionnement pour les produits pharmaceutiques vétérinaires, la présence et la taille des zones rurales ou insulaires éloignées, la situation des vétérinaires dans certains pays, en particulier dans les zones rurales, etc. Il est évident que si nous sommes déterminés à éliminer tous les obstacles inutiles à un marché intérieur des médicaments vétérinaires qui fonctionne bien, les solutions efficaces ne sont pas nécessairement les mêmes partout. Les États membres devraient rester libres de décider s’ils autorisent ou non les vétérinaires opérant sur leur territoire à fournir des médicaments vétérinaires. Cela dit, comme je l’ai mentionné plus haut, il ne fait aucun doute que la lutte contre la résistance aux antimicrobiens est une priorité de plus en plus urgente. Quand un antimicrobien est utilisé de manière incorrecte, il présente un risque pour la santé publique et animale, et c’est pourquoi les antimicrobiens vétérinaires ne devraient être disponibles que sur ordonnance. Les vétérinaires ont un rôle clé à jouer dans l’utilisation prudente et correcte des antimicrobiens, et, par conséquent, ils ne devraient pas être directement ou indirectement influencés par des incitations financières lorsqu’ils prescrivent ces produits. C’est pourquoi, dans les États membres où les vétérinaires sont autorisés à vendre au détail des médicaments vétérinaires, notre proposition prévoit qu’ils peuvent vendre des antimicrobiens exclusivement pour les animaux sous leur garde et seulement dans la quantité requise pour le traitement spécifique concerné par leur propre prescription.

STEFANO SORO

est chef de l’unité en charge des produits pharmaceutiques (qualité, sécurité, efficacité) au sein de la Direction générale de la santé et de la sécurité alimentaire (DG SANTE) de la Commission européenne. Il a contribué aux travaux de la Commission concernant le projet de règlement européen sur les médicaments vétérinaires.
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