Le vétérinaire 3.0 et le big data

Le rôle des écoles vétérinaires est de former les vétérinaires de demain. En ce sens, nous devons nous interroger collectivement sur les conséquences des nouvelles technologies et de la révolution numérique sur la pratique de la médecine vétérinaire. Cela doit aussi nous faire réfléchir sur les nouvelles opportunités offertes aux jeunes diplômés en matière de création d’entreprises, ainsi que sur le risque pour notre profession de passer à côté de l’accès aux données, utiles pour la gestion de la santé de l’animal et indispensables à une gestion intégrée de la santé des troupeaux.

L’utilisation de la technologie est déjà omniprésente pour aider les éleveurs à gérer leurs troupeaux de plus en plus grands (traite automatisée, distribution de l’alimentation, etc.). L’utilisation de capteurs numériques est en plein essor et un challenge à saisir pour les vétérinaires intervenant en élevage. Ces capteurs permettent de suivre les performances zootechniques individuelles des animaux (suivi de reproduction, par exemple), d’avoir accès à de nouveaux indicateurs jusque-là trop difficiles à utiliser (observations comportementales fines, détection sanitaire précoce, entre autres) et sont une aide au diagnostic importante pour améliorer la gestion de l’élevage.

En miroir de ce qui se dessine pour la médecine humaine, il est probable que la surveillance de la santé des animaux de compagnie va de plus en plus faire appel à la médecine connectée avec une mise à disposition très importante de données. Cette évolution de l’exercice vétérinaire partage avec la médecine humaine les mêmes challenges à la fois sanitaires, technologiques et sociétaux. Elle amène à revoir les pratiques et les interactions du personnel médical (médecin versus vétérinaire), du patient (homme versus animal domestique) et des proches (famille versus propriétaire).

À VetAgro Sup, où le bien-être animal a toujours été au cœur des préoccupations, différents travaux sont menés dans le cadre de l’UMR¹ herbivores (Inra², VetAgro Sup) pour identifier et sélectionner de nouveaux indicateurs d’évaluation collationnés par des capteurs numériques, fournissant une information fiable et prédictive d’une modification de l’état de santé de l’animal, garantissant une intervention précoce et un recours limité aux traitements. Des collaborations avec des ingénieurs en technologie mais également avec des modélisateurs sont essentielles pour développer des capteurs plus efficaces et les relier à des modifications de l’état de santé des animaux.

D’autres enseignants-chercheurs, en association avec des chercheurs en sciences humaines et sociales de l’UMR Métafort (Inra, Irstea³, VetAgro Sup, université de Clermont), mènent une réflexion sur les conséquences de l’utilisation des technologies dans les changements de pratiques. Ils se questionnent sur la propriété et l’exploitation des données, sur la modification des métiers de vétérinaire et d’éleveur confrontés à la nécessité de travailler avec de très nombreuses données, sur la réponse que peuvent apporter ces nouvelles technologies au problème de désertification des territoires ruraux…

Nous sommes au début de l’histoire : la profession doit investir le champ du numérique ; l’enseignement vétérinaire doit s’adapter pour que les futurs vétérinaires soient “au cœur”, non comme de simples utilisateurs, mais bien comme de véritables acteurs de cette révolution en marche.
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¹ Unité mixte de recherche.

² Institut national de la recherche agronomique.

³ Institut national de recherche en sciences et technologies pour l’environnement et l’agriculture.