Ensemble contre l’antibiorésistance - La Semaine Vétérinaire n° 1698 du 30/11/2016
La Semaine Vétérinaire n° 1698 du 30/11/2016

RENCONTRE INTERPROFESSIONNELLE

ACTU

Auteur(s) : ÉTIENNE CHEVANNE 

Lors d’une conférence réunissant médecins, pharmaciens et vétérinaires, ces derniers ont été présentés comme les bons élèves dans la lutte contre l’antibiorésistance. Les statistiques montrent toutefois une augmentation de la résistance, notamment à l’amoxicilline chez le chien, et du risque d’infection nosocomiale en clinique.

À l’occasion de la Semaine mondiale pour le bon usage des antibiotiques, une soirée de formation interprofessionnelle articulée autour du concept One Health (“une seule santé”) s’est tenue à Montpellier (Hérault), le 22 novembre dernier. Organisée à l’initiative du conseil régional de l’Ordre des vétérinaires Languedoc- Roussillon (Crov LR) et du laboratoire départemental vétérinaire de l’Hérault (LDV 34), cette soirée a réuni des médecins, des pharmaciens, mais surtout des vétérinaires. Philippe Levêque, président du Crov LR, a commencé par rappeler le rôle central des vétérinaires et leurs représentations dans la lutte contre l’antibiorésistance. La profession vétérinaire a notamment collaboré à 27 groupes de travail sur les 40 impliqués dans le plan quinquennal ÉcoAntibio 2012-2017. La révision récente du Code de déontologie inscrit dans le marbre l’engagement de notre profession pour un usage raisonné des antibiotiques (article R.242-46) et fait de la prise en compte de l’antibiorésistance l’un de ses devoirs (article R.242-33). Cette implication de la profession vétérinaire est saluée par l’Union européenne, qui a retenu le Conseil national de l’Ordre des vétérinaires parmi les huit derniers candidats au Prix santé.

Une problématique majeure en urologie et cancérologie humaines

La présentation de Vincent Lemoing, infectiologue au centre hospitalier universitaire de Montpellier, est venue battre en brèche l’idée selon laquelle les vétérinaires sont les principaux responsables de la sélection de souches bactériennes multirésistantes, idée héritée de l’utilisation des antibiotiques en élevage comme facteurs de croissance ou de productivité. Il a insisté sur la corrélation entre la consommation d’antibiotiques et la sélection de résistance aux antibiotiques, consommation qui augmente en France chez les humains (en particulier chez les adultes) depuis 2004, tandis qu’elle se stabilise voire diminue chez les animaux sur la même période. L’état des lieux de l’antibiorésistance en France est préoccupant, mais moins dramatique qu’en Grèce ou en Italie, où plus de 50 % des isolats de Klebsiella pneumoniae et d’Escherichia coli sont résistants respectivement aux céphalosporines de 3e et 4e générations et aux fluoroquinolones1 (versus respectivement < 1 % en 2014 et 17,8 % en 2012 en France). En santé publique, l’augmentation des résistances bactériennes sera particulièrement préjudiciable en pathologie urinaire et dans le cadre des chimiothérapies. Les Français restent toutefois, en matière de volume, de gros consommateurs d’antibiotiques. Lors des échanges avec l’assemblée, les réflexions ont mis en avant que médecins et vétérinaires « sacrifient » préférentiellement dans leurs prescriptions des antibiotiques anciens et peu enclins à générer des résistances.

Une augmentation du risque d’infections nosocomiales en médecine vétérinaire

Le retour de bâton s’observe en médecine vétérinaire par l’augmentation actuelle des résistances face à l’amoxicilline chez les carnivores domestiques, selon les chiffres du Réseau d’épidémiosurveillance de l’antibiorésistance des bactéries pathogènes animales (Resapath), impliquant 74 laboratoires départementaux. Ainsi, 18,5 % des chiens sains participant à une étude2 étaient porteurs de staphylocoques résistants aux bétalactamines, tandis que dans une autre3, 10 % des chiens présentaient un tel portage. La transmission de bactéries multirésistantes, notamment d’entérobactéries, entre les réservoirs humains et animaux est complexe et s’opère dans les deux sens. Elle est catalysée par la pollution environnementale, et pour ce qui concerne les carnivores domestiques, par la croissante proximité des propriétaires avec leurs animaux.

Parallèlement à ce qui s’observe en milieu hospitalier, il a été évoqué le risque grandissant des infections nosocomiales en structures vétérinaires (par la pratique du référé, l’intensification de l’activité et l’hospitalisation). Enfin, il a été souligné que l’observance du traitement antibiotique, délicate chez les chats notamment, est un facteur aggravant la sélection de souches bactériennes multirésistantes.

1 Source : Centre européen de prévention et de contrôle des maladies.

2 Haenni M., Saras E., Métayer V. et coll. High prevalence of blaCTX-M-1/IncI1/ST3 and blaCMY-2/IncI1/ST2 plasmids in healthy urban dogs in France. Antimicrob. Agents Chemother. 2014(58):5358-5362.

3 Menée en 2010 par Nicolas Keck, directeur du LDV 34, à Montpellier.

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