de l’utilité d’évaluer la qualité de vie - La Semaine Vétérinaire n° 1698 du 30/11/2016
La Semaine Vétérinaire n° 1698 du 30/11/2016

L'ENQUÊTE DU MOIS

Auteur(s) : TIPHAINE EVELLIN 

Dans le cadre d’une thèse vétérinaire, deux grilles d’évaluation de la qualité de vie ont été développées, utilisables en 5 à 10 minutes en consultation et tenant sur une seule page, afin de répondre au besoin d’aborder différemment la qualité de vie d’un animal en consultation, signalé lors d’un sondage réalisé auprès des propriétaires et des vétérinaires. Ces grilles ont été présentées à l’occasion du colloque international dédié au bien-être animal qui s’est tenu à Lyon (Rhône), du 15 au 18 novembre derniers.

Le bien-être et la qualité de vie de l’animal sont des questions d’actualité. En effet, depuis le 16 février 2015, le statut juridique de l’animal a évolué et il n’est plus considéré comme un « bien meuble » mais comme un « être vivant doué de sensibilité » (loi n° 2015-177 relative à la modernisation et à la simplification du droit et des procédures dans les domaines de la justice et des affaires intérieures, créant les dispositions de l’article 515-14 du Code civil). Ce nouvel article du Code civil permet donc de s’aligner sur le Code rural et le Code pénal et est un premier pas pour faire valoir le bien-être de l’animal. De même, de plus en plus de propriétaires considèrent leur animal comme un membre à part entière de la famille et sont sensibles à son bien-être, d’autant plus s’il souffre d’une maladie. Le monde vétérinaire se mobilise également pour ce bien-être, notamment lors de colloques, tel celui du 24 novembre 2015 intitulé « Vétérinaire, le professionnel garant du bien-être animal », qui s’est tenu au Sénat. Il n’existe, à l’heure actuelle, aucune grille d’évaluation de la qualité de vie de l’animal en France et en Europe, et l’élaboration de telles grilles pour le chien et le chat a fait l’objet d’une thèse vétérinaire, soutenue en septembre 2016 à Oniris. Les résultats de l’enquête préalable réalisée auprès des vétérinaires et des propriétaires, ainsi que l’élaboration des grilles d’évaluation sont présentés dans ces pages.

QU’EST-CE QUE LA QUALITÉ DE VIE DE L’ANIMAL ?

Bien-être et qualité de vie sont des termes souvent employés, mais rarement définis. Nous nous sommes donc tout d’abord intéressés au sens que leur attribuent les propriétaires et les vétérinaires. L’enquête révèle une grande variabilité dans la conception de ces notions au sein des deux populations, et selon l’âge des individus. En effet, 41 % des enquêtés ne tiennent compte que d’une absence d’expérience négative vécue par l’animal pour la notion de qualité de vie, 46 % y incluent également la présence d’expériences positives et, enfin, 14 % considèrent que c’est une perception de l’individu de ces expériences positives ou négatives. Plus les individus sont âgés, plus ils tendent à mentionner les expériences positives dans la notion de qualité de vie.

Afin de disposer d’une définition commune à tous les utilisateurs des grilles, cette notion – inspirée de la définition proposée, pour l’homme, par l’Organisation mondiale de la santé (OMS) – est définie comme la perception et l’évaluation par l’animal de sa condition de vie. Autrement dit, la qualité de vie de ce dernier est une notion subjective propre à l’individu, qui varie sur un continuum de bon à mauvais. Cette évaluation par l’animal est dépendante des stimuli internes, externes et environnementaux, ainsi que des expériences (positives et négatives) de l’individu, de ses attentes et de sa capacité à anticiper et à appréhender les événements.

IMPORTANCE DE LA NOTION DE QUALITÉ DE VIE DE L’ANIMAL

La qualité de vie est une préoccupation majeure pour les propriétaires et les vétérinaires. En effet, 35 % des individus considèrent cette question comme importante et 64 % comme primordiale. Les femmes, plus sensibles à la qualité de vie de l’animal que les hommes, sont 67 % à la qualifier de primordiale, contre 56 % des hommes (p < 0,001).

Cette notion semble préoccuper de plus en plus les vétérinaires (81 %), mais surtout les propriétaires (89 %), d’après l’ensemble des réponses (p < 0,001). En effet, propriétaires et vétérinaires s’accordent à dire que c’est une question qui prend de l’ampleur chez les propriétaires (p = 0,071). En revanche, les avis divergent concernant le monde vétérinaire (p < 0,001), avec seulement 76 % des propriétaires qui pensent que c’est une question d’actualité pour les praticiens, contre 86 % des praticiens eux-mêmes.

UN BESOIN QUI SE FAIT RESSENTIR

Tandis que les propriétaires sont plutôt mitigés sur la question, 71 % des vétérinaires estiment aborder souvent la notion de qualité de vie de l’animal en consultation. Ainsi, le ressenti des propriétaires ne correspond pas à celui des praticiens.

Malgré les efforts entrepris pour échanger souvent sur la qualité de vie de l’animal en consultation, 54 % des vétérinaires déclarent avoir besoin de l’aborder plus fréquemment avec les propriétaires (p < 0,001), tandis que 65 % de ces derniers n’en ressentent pas le besoin. Ce décalage entre propriétaires et vétérinaires en matière de fréquence d’abord de ce sujet et de besoin ressenti met en lumière un défaut de communication et une nécessité de procéder différemment.

Ainsi, une comparaison des contextes dans lesquels les propriétaires de chiens et de chats aimeraient parler de la qualité de vie de leur animal avec ce qui est réellement pratiqué fait ressortir que 59 % des propriétaires souhaiteraient que ce sujet soit abordé lors de la consultation vaccinale et 70 % dès que leur animal semble malade, tandis que ce sont respectivement 41 % et 42 % des vétérinaires qui répondent à cette demande. Au final, 41 % des propriétaires ont signalé vouloir aborder ce sujet à chaque consultation, tandis que seulement 16 % des vétérinaires le font. En revanche, lorsqu’il s’agit d’un animal atteint d’une maladie chronique ou qui se dégrade fortement, il apparaît que les vétérinaires répondent à la demande des propriétaires d’aborder la question de qualité de vie.

Ainsi, les grilles d’évaluation permettent, lors d’une consultation, d’améliorer la communication entre le propriétaire et le vétérinaire en ce qui concerne la qualité de vie de l’animal. En structurant le discours du praticien et en servant de support visuel au propriétaire, les grilles permettent un gain de temps et rendent la communication plus efficace. Le recours systématique aux grilles rend leur usage plus rapide, l’utilisateur devenant familier avec cet outil, et permet également de sensibiliser efficacement le propriétaire à la notion de qualité de vie de son animal.

Concernant les conditions dans lesquelles les propriétaires souhaiteraient aborder ce sujet, 84 % n’ont pas de requête particulière et sont disposés à le faire lors de la consultation (ce que font 92 % des vétérinaires), tandis que 11 % aimeraient que des proches assistent à la consultation (ce que connaissent 6 % des vétérinaires).

DÉTERMINATION DE L’INTÉRÊT DES GRILLES

Les propriétaires sont 77 % et les vétérinaires 78 % à trouver un intérêt à l’utilisation de cet outil d’évaluation de la qualité de vie du chien et du chat (p = 0,95).

Notre sondage proposait quatre utilisations possibles d’un tel outil. L’ensemble des individus leur a attribué une note moyenne comprise entre 2,1 et 2,59/3, soit une note supérieure à la moyenne de 1,5/3 :

- faire le point sur l’évolution de la maladie (moyenne : 2,59/3) ;

- aider à prendre une décision thérapeutique (moyenne : 2,5/3) ;

- faire le point sur la santé (moyenne : 2,36/3) ;

- promouvoir une discussion (moyenne : 2,1/3).

Toutes les propositions, excepté celle portant sur la promotion d’une discussion, ont obtenu de la part des vétérinaires une note moyenne légèrement inférieure à celle donnée par les propriétaires. Ceci souligne, une fois de plus, le besoin plus important des vétérinaires de communiquer avec les propriétaires.

De même, pour chaque proposition, les notes moyennes attribuées par les propriétaires de chats sont significativement inférieures à celles données par les propriétaires de chiens. Ces derniers manifestent ainsi une plus forte implication sur la question de la qualité de vie. Cette observation peut être corrélée à la plus forte proportion de propriétaires de chiens volontaires pour répondre à notre enquête (61 %).

Plusieurs autres utilisations d’un outil d’évaluation de la qualité de vie ont été suggérées, telles que : définir les besoins de l’animal et s’assurer que ses conditions de vie sont optimisées et adaptées (sept propriétaires et sept vétérinaires), prendre la décision d’arrêt de traitement ou de fin de vie (un propriétaire et 12 vétérinaires), adapter l’activité de l’animal à ses capacités (un propriétaire) et, enfin, détecter des troubles du comportement (un vétérinaire).

Ainsi, les grilles d’évaluation ont été conçues afin de définir les besoins de l’animal, d’optimiser ses conditions de vie et de les adapter à ses besoins, qu’il soit bien portant ou malade, de faire le point sur son état de santé ou sur l’évolution de sa maladie, d’aider à prendre une décision thérapeutique, d’arrêt de traitement ou de fin de vie. Elles permettent également d’aborder plus souvent et plus efficacement la notion de qualité de vie, dès que l’animal débute sa maladie ou quand il est encore bien portant. En effet, aborder la question de la qualité de vie d’un animal sain comporte de nombreux intérêts, à savoir : optimiser son bien-être et ainsi celui du propriétaire, sensibiliser et impliquer le propriétaire à la qualité de vie de son animal, le rendre plus apte à évaluer cette qualité et à détecter des troubles, améliorer la compliance aux traitements ultérieurs et s’assurer que l’intérêt de l’animal passe avant tout.

FACTEURS INFLUENÇANT LA PRISE DE DÉCISION THÉRAPEUTIQUE

Propriétaires et vétérinaires s’accordent sur les objectifs principaux lors de la mise en place d’un traitement palliatif. L’absence de souffrance ou de douleur chez l’animal est le premier critère choisi par 77 % des propriétaires et 71 % des vétérinaires. Le deuxième critère, sélectionné par respectivement 35 % et 39 % des répondants, concerne le confort de l’animal, et est suivi du compromis entre les effets de la maladie et du traitement, plébiscité par respectivement 39 % et 32 % des sondés. Cependant, concernant les quatrième et cinquième critères, il apparaît que les vétérinaires tiennent davantage compte de la qualité de vie des propriétaires, alors que ces derniers portent plus d’attention à la présence ou à l’absence de symptômes chez leur animal, à la suite de la mise en place d’un traitement. Enfin, l’avis des propriétaires ne semble pas dépendre de l’espèce qu’ils possèdent.

L’étude des facteurs pris en compte lors de la mise en place d’un traitement révèle que 64 % des propriétaires sont en premier lieu préoccupés par les effets du traitement, tandis que 67 % des praticiens sont tout d’abord attentifs à la capacité d’observance du traitement par les propriétaires.

Le deuxième critère cité comme étant pour les propriétaires une source de stress lors de la mise en place d’un traitement palliatif varie en fonction de l’espèce possédée. En effet, 42 % des propriétaires de chiens déclarent être stressés par la maladie de leur animal, tandis que 41 % des propriétaires de chats s’inquiètent de leur capacité à administrer le traitement.

Enfin, le coût du traitement a été cité par deux propriétaires et quatre vétérinaires comme critères dont il convient de tenir compte. Un propriétaire mentionne qu’il craint de ne pas avoir conscience de l’état de santé de son animal, et un autre de ne plus pouvoir le soulager.

LES GRILLES

Deux grilles d’évaluation de la qualité de vie ont été développées, l’une adaptée au chien, l’autre au chat. Elles ont été déduites d’une étude bibliographique des grilles existant à l’étranger et des sondages effectués en ligne.

Chacune tient sur une page et comporte un descriptif au verso visant à faciliter son utilisation. Les deux grilles affichent une présentation identique, à savoir une question d’évaluation de la qualité de vie générale de l’animal, ainsi que les quatre domaines suivants : physique, psychologique, relations sociales et environnement, qui sont inspirés des études menées par l’OMS pour les questionnaires World Health Organization Quality of Life (Whoqol)-100 et Whoqol-Bref.

La note finale de la grille s’obtient en additionnant les résultats de chacun des domaines. Chaque domaine compte pour 20 % de la note finale, à l’exception du “Domaine physique”, qui compte pour 40 % et de l’évaluation globale de la qualité de vie, qui n’intervient pas dans la note finale sur 100. En revanche, l’évaluation globale de la qualité de vie est notée sur 10 pour faciliter la comparaison entre l’évaluation globale de la qualité de vie donnée par le propriétaire et la note finale de la grille. Enfin, les échelles permettent de comparer de manière visuelle les résultats de chaque domaine, comme si chacun avait le même poids.

Retrouvez les références bibliographiques de cet article sur bit.ly/2gstJzd.

Lire aussi pages 24, 25, 44 et 45 de ce numéro.

La réalisation des grilles a suivi les cinq premières étapes des six décrites en 2015 par Reid et ses collaborateurs (la dernière étape fera l’objet d’une seconde thèse vétérinaire), à savoir :
- déterminer ce que l’on souhaite mesurer et le type de mesure qui sera utilisé ;
- créer un ensemble d’items susceptibles d’être employés pour l’instrument ;
- sélectionner les items appropriés pour l’instrument et les soumettre à une validation d’experts ;
- créer l’instrument avec les items choisis en tenant compte de la mise en page, des modalités de réponse et de la façon de diffuser le questionnaire ;
- prétester l’instrument pour s’assurer que la population cible l’utilise de façon appropriée ;
- effectuer un essai clinique de l’instrument pour tester ses propriétés psychométriques.
Pour ce faire, deux questionnaires en ligne ont été créés, le premier à l’intention des propriétaires, le second à celle des vétérinaires exerçant ou ayant exercé pendant au moins un an en pratique canine, féline ou NAC. Ils comportent tous deux les mêmes questions, avec un vocabulaire adapté à la population cible. Ces questionnaires ont permis de savoir comment les deux populations perçoivent la notion de qualité de vie, de déterminer l’importance qu’elles lui accordent, de connaître les pratiques actuelles pour aborder cette notion en consultation et surtout leur perception par les deux populations, de découvrir l’intérêt que représente pour ces dernières l’utilisation d’une grille et enfin de déterminer qui est la personne la plus apte à évaluer la qualité de vie d’un chien ou d’un chat et sur quels critères. Les questionnaires en ligne ont été adressés via un partenariat avec les Éditions du Point Vétérinaire et l’annuaire Roy. Ils ont récolté 1 482 réponses, soit 697 de propriétaires (424 propriétaires de chiens et 269 de chats) et 785 de vétérinaires.

Outre ces questionnaires, une étude bibliographique des grilles existant à l’étranger (aucune n’ayant été développée en France jusqu’à présent) et la consultation d’experts a permis d’aboutir à deux grilles utilisables en 5 à 10 minutes en consultation chez le chien et le chat. Ces grilles ont ensuite été testées par cinq vétérinaires dans les conditions d’une consultation.

UTILISATION ET INTÉRÊT DES GRILLES D’ÉVALUATION


• Définir les besoins de l’animal.

•  Sensibiliser et impliquer le propriétaire à la qualité de vie de son animal.

•  Rendre le propriétaire plus apte à évaluer la qualité de vie de son animal et à détecter des troubles.

•  Améliorer la compliance du propriétaire aux traitements ultérieurs.

•  Optimiser les conditions de vie de l’animal et les adapter à ses besoins, qu’il soit sain ou malade.

•  Faire le point sur l’état de santé de l’animal ou sur l’évolution de sa maladie.

•  Aider à prendre une décision thérapeutique, d’arrêt de traitement ou de fin de vie.
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