Hématurie chez le lapin - La Semaine Vétérinaire n° 1691 du 11/10/2016
La Semaine Vétérinaire n° 1691 du 11/10/2016

CONFÉRENCE

PRATIQUE CANINE

Formation

Auteur(s) : LAURENT MASSON 

L’hématurie chez le lapin est un motif fréquent de consultation, et potentiellement une urgence, notamment chez la lapine. Le diagnostic différentiel inclut trois causes principales : la porphyrinurie physiologique, l’adénocarcinome utérin et l’urolithiase.

Rappels anatomiques et physiologiques

Il convient de connaître certaines particularités anatomiques afin de ne pas perdre de temps dans la prise en charge de cette espèce fragile. Chez la lapine, l’urètre s’abouche dans le vestibulum du vagin, appelé aussi sinus urogénital. Chez les femelles matures, le corps du vagin est extensible, si bien qu’il peut retenir de l’urine. C’est pourquoi, lors d’hématurie chez une lapine, il est plus difficile de savoir si le sang provient de l’utérus ou de l’appareil urinaire. Le sang en provenance de l’utérus peut s’accumuler et ne s’évacuer qu’en fin de miction en se contractant. Par ailleurs, il faut se rappeler que l’urine normale du lapin peut varier de jaune clair à orange, marron ou rouge de manière physiologique, en général pendant 3 à 4 jours, avant de redevenir normale. La consommation de certains végétaux (brocoli, pissenlit, betterave, chou, carotte, épinard) peut favoriser la porphyrinurie, ainsi que certains antibiotiques. La présence de cristaux de carbonates de calcium, de struvites ou d’oxalates est physiologique chez le lapin et liée à son métabolisme calcique particulier.

Commémoratifs et examen clinique

Avant même l’examen clinique, il est important de recueillir un maximum d’informations pour faciliter le diagnostic. En cas d’animal stérilisé, l’origine urinaire est, bien entendu, à retenir. Par ailleurs, un problème de calculs urinaires est privilégié sur un animal jeune ou d’âge moyen, en surpoids, et un adénocarcinome chez une lapine âgée ou d’âge moyen. Des anomalies rapportées dans les conditions de vie (hygiène, litière absorbante, exercice, accès à l’extérieur) et/ou l’alimentation (consommation de végétaux, de verdure, accès à l’eau) font plutôt penser à une affection urinaire et n’interfèrent pas systématiquement avec une origine génitale.

La gestion est différente si l’hématurie est d’apparition aiguë ou chronique. L’apparition brutale d’une quantité abondante de sang constitue une urgence. La présence de sang dans l’urine en caillot ou de manière uniforme est plutôt en faveur respectivement d’une affection génitale ou urinaire.

À l’examen clinique, il convient de distinguer les signes d’une douleur abdominale (anorexie, position du prieur) de ceux d’une douleur urinaire (anorexie, dysurie, strangurie, pollakiurie). La palpation abdominale permet de rechercher une douleur, un comportement de retrait lors de pression exercée sur les reins, la présence d’une masse dans l’abdomen caudal.

Étiologie

Une fois la présence de porphyrinurie physiologique écartée, la première hypothèse est celle d’un adénocarcinome utérin. Les autres causes génitales sont des polypes, une rupture d’anévrisme endométrien (saignement abondant nécessitant une gestion urgente), toutes les causes de métrite, une dystocie ou un avortement. Des saignements sont rarement observés lors de pyomètre (pus épais) ou d’hydromètre (qui ne conduit qu’à une dilatation de l’abdomen). Les urolithiases rénales, urétérales et vésicales sont la deuxième grande cause. Les autres causes urinaires sont une sablose vésicale, une cystite (hémorragique, chronique, polype, tumeur), une pyélonéphrite, une glomérulonéphrite, un infarctus rénal. Enfin, la possibilité d’une coagulation intravasculaire disséminée (hémoglobinurie) ou d’une intoxication au plomb ne doit pas être écartée.

Diagnostic

La radiographie est importante et permet de confirmer rapidement une atteinte urinaire ou génitale et les éventuelles complications associées (iléus digestif). Il convient de bien vérifier l’ensemble du tractus urinaire, des reins à l’urètre. Une sablose vésicale modérée peut être physiologique en l’absence de signes d’atteinte urinaire. Il importe donc de ne pas conclure trop vite à une affection urinaire en sa présence et de bien examiner l’ensemble de l’abdomen.

L’analyse d’urines prélevées par cathétérisme ou par cystocentèse permet de confirmer la présence de sang et d’exclure celle de porphyrine (les pigments sont fluorescents à la lumière de Wood ou au test à la bandelette urinaire), ou d’analyser le culot urinaire et d’envisager une mise en culture. Une analyse sanguine est préconisée lors de saignement abondant chez les lapins âgés (de plus de 4 ans) pour rechercher une insuffisance rénale. Une recherche d’Encephalitozoon cuniculi est recommandée lors de glomérulonéphrite.

Traitement

Le traitement varie en fonction de l’origine et de l’état du lapin à son admission. Un animal instable, en hypothermie (< 38 °C), douloureux et en arrêt de transit doit être hospitalisé. La réhydratation doit être agressive (10 ml/kg/h par voie intraveineuse pendant 12 heures, puis 5 à 7 ml/kg/h). En cas d’anorexie après 24 à 48 heures de réhydratation ou d’arrêt du transit, un gavage est nécessaire. La réhydratation est très importante lors d’affection urinaire. À domicile, il est essentiel de faire boire beaucoup (gavages, aliments riches en eau, prise de boisson favorisée en ajoutant dans la gamelle d’eau un peu de jus de fruits tel que cranberries) ou de prescrire du Lespedesia®.

La douleur est gérée à l’aide de métamizole (Calmagine®1, 0,1 ml/kg), d’une perfusion continue de morphine-lidocaïne-kétamine ou de fentanyl-lidocaïne- kétamine lors d’hospitalisation ou de morphine à la dose de 2 mg/kg par voie sous-cutanée, avec un relais à l’aide de buprénorphine (0,03 mg/kg) ou de tramadol (Topalgic®1 en goutte, 10 mg/kg/12 h). Lors d’adénocarcinome utérin, une ovario-hystérectomie est indispensable après vérification de l’absence de métastases pulmonaires (processus métastatique lent, mais souvent asymptomatique longtemps). Des saignements peuvent persister quelques jours après la chirurgie. Une cystotomie est recommandée lorsde calcul vésical. En revanche, il convient de ne traiter la sablose qu’en présence de symptômes. Un rinçage par les voies naturelles permet un soulagement rapide chez le mâle comme chez la femelle. Il est ensuite important de revoir l’alimentation et de rechercher une douleur dorsale pouvant gêner le lapin, qui n’arriverait plus à lever l’arrière-train assez haut lors de la miction. Enfin, lors de calcul urétéral, l’urétérotomie est plus facile que chez le chat, car les muscles lisses sont plus distensibles. La néphrectomie est rarement réalisée en raison de l’atteinte bilatérale fréquente.

1 Pharmacopée humaine.

Formations e-Learning

Nouveau : Découvrez le premier module
e-Learning du PointVétérinaire.fr sur le thème « L’Épanchement thoracique dans tous ses états »

En savoir plus

Boutique

L’ouvrage ECG du chien et du chat - Diagnostic des arythmies s’engage à fournir à l’étudiant débutant ou au spécialiste en cardiologie une approche pratique du diagnostic électrocardiographique, ainsi que des connaissances approfondies, afin de leur permettre un réel apprentissage dans ce domaine qui a intrigué les praticiens pendant plus d’un siècle. L’association des différentes expériences des auteurs donne de la consistance à l’abord de l’interprétation des tracés ECG effectués chez le chien et le chat.

En savoir plus sur cette nouveauté
Découvrir la boutique du Point Vétérinaire

Agenda des formations

Calendrier des formations pour les vétérinaires et auxiliaires vétérinaires

Retrouvez les différentes formations, évènements, congrès qui seront organisés dans les mois à venir. Vous pouvez cibler votre recherche par date, domaine d'activité, ou situation géographique.

En savoir plus


Inscrivez-vous gratuitement à nos Newsletters

Recevez tous les jours nos actualités, comme plus de 170 000 acteurs du monde vétérinaire.

Vidéo : Comment s'inscrire aux lettres d'informations du Point Vétérinaire

Retrouvez-nous sur
Abonné à La Semaine Vétérinaire, retrouvez
votre revue dans l'application Le Point Vétérinaire.fr