Les effets protecteurs de la compassion - La Semaine Vétérinaire n° 1688 du 20/09/2016
La Semaine Vétérinaire n° 1688 du 20/09/2016

NEUROSCIENCES

ACTU

Auteur(s) : ANNE-CLAIRE GAGNON  

Les journées Power & Care, organisées à Bruxelles (Belgique), du 9 au 11 septembre derniers, ont permis d’aborder les effets protecteurs de la compassion, entre autres avancées scientifiques.

La faute à Descartes, la raison à Rousseau et à Montaigne ? Certainement, au vu des nouvelles données des neurosciences qui, après avoir objectivé que les animaux sont des êtres sensibles, confirment que nous sommes naturellement altruistes. Nous ne le restons malheureusement pas toujours, dans un monde dont les systèmes économique et éducatif font tout pour ne pas cultiver cette disposition, qui fait partie de ces denrées rares dont le développement est durable. C’est l’un des constats à retenir des interventions qui ont rythmé les journées Power & Care, organisées en septembre dernier à Bruxelles1.

Empathie et compassion sont deux termes d’étymologie grecque ou latine qui ont été très largement employés depuis des siècles en philosophie et par toutes les religions. Ces émotions ne font l’objet de recherches en psychologie et en neurobiologie que depuis quelques décennies.

Des circuits neuronaux spécifiques

Tania Singer, directrice du département des neurosciences sociales à l’Institut Max-Planck à Leipzig (Allemagne), travaille depuis les années 2000 sur les bases neurobiologiques de la plasticité cérébrale. Elle a été la première à pouvoir géolocaliser la partie activée par la détresse empathique, au niveau du cortex insulaire antérieur, et à comprendre son mécanisme. L’empathie est la capacité générale à se mettre en résonance avec la souffrance d’autrui, sans préjuger de l’issue positive (compassion) ou négative (détresse empathique).

La détresse empathique est la contagion émotionnelle qui active chez celui ou celle qui regarde l’autre souffrir les mêmes zones cérébrales. « Tu as mal, j’ai mal. » Il se produit donc une résonance émotionnelle en miroir, dont on comprend aisément qu’elle fatigue et conduise nombre de soignants à un burn-out. Être de tout cœur avec un proche malade ou en fin de vie peut conduire l’accompagnant à développer des pathologies psychosomatiques, s’exprimant par les mêmes symptômes que ceux de la personne qu’il accompagne. On a mal là où elle a mal, au point de tousser en chœur par exemple.

La compassion est la capacité à porter assistance au souffrant pour qu’il aille mieux. « Que puis-je faire pour t’aider à avoir moins mal ? » Elle active des structures cérébrales spécifiques au niveau du carrefour temporo-pariétal et facilite le travail et les émotions positives.

Le terme anglo-saxon de compassion fatigue ou fatigue compassionnelle (voire altruisme pathologique) s’est révélé un non-sens biologique puisque c’est la détresse empathique qui fatigue, lorsque toute la misère du monde est portée sur ses épaules. La compassion, tout au contraire, en prodiguant au malade des soins et de l’amour pour qu’il aille mieux, donne le véritable courage, qui permet souvent de déplacer des montagnes.

Validation scientifique de la pratique de la bienveillance

Historiquement, c’est sur le cerveau du généticien Matthieu Ricard que Tania Singer a pu vérifier son hypothèse en lui demandant, sous IRM2, de passer de l’empathie à l’amour compassionnel, à partir de vidéos de personnes souffrantes. Matthieu Ricard raconte d’ailleurs qu’il a vécu quelques instants de crash émotionnel, la détresse empathique épuisant ses ressources. Il a cependant rapidement basculé son travail de méditant vers la compassion et retrouvé des forces.

Les derniers travaux de neurobiologie révèlent que la compassion peut s’apprendre et, surtout, se cultiver, le cerveau étant d’une plasticité infinie, s’il y est exercé. Les équipes de Daniel Batson, Nancy Eisenberg et Tania Singer, entre autres, ont montré que la pratique régulière de la méditation bienveillante permet d’améliorer non seulement le bien-être des soignants, mais également l’efficacité de leur travail auprès de leurs patients.

Tania Singer a présenté les résultats d’une étude prospective, « ReSource Project », conduite entre 2012 et 2016, selon lesquels quelques semaines ou quelques mois de méditation suffisent à modifier notre réseau neuronal. Mais si la méditation en pleine conscience améliore nos capacités de concentration et d’attention, seule la méditation bienveillante permet de se former véritablement à la pratique de la compassion et à se protéger de la détresse empathique.

L’expérience, menée sur 331 personnes pendant 9 mois, a permis, IRM à l’appui, de valider ces effets protecteurs.

Loin de constituer des signes extérieurs de faiblesse, la bienveillance, la gentillesse ou la compassion sont donc des pratiques séculaires méditatives qui méritent d’être encouragées et cultivées, de l’école primaire à l’enseignement supérieur, et tout au cours de la vie professionnelle.

1 À l’initiative de l’Institut Mind and Life.

2 Imagerie par résonance magnétique.

Pour en savoir plus : bit.ly/1DJ953C, www.compassion-training.org.

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