Une fable authentique

De plus en plus d’historiens étendent le champ de leur discipline aux animaux. À l’impossibilité évidente de parler à la place d’un animal, Stéphane Audeguy répond ici, de façon magistrale, par la littérature.

Comme l’indique le titre, Personne, recueilli dans la savane alors qu’il n’est qu’un lionceau, est le fil conducteur de ce récit contemporain de la Révolution française. Son aventure insolite, qui s’étend sur dix années, de Saint-Louis au Sénégal (comptoir français, esclavagiste), en 1787, au Havre, puis à la ménagerie royale de Versailles et enfin à Paris, au Jardin des Plantes, nous confronte à une époque brutale et incertaine, meurtrie par la disette, où il ne fait pas bon être un animal ni un symbole royal. Si le fauve – doux comme un agneau – va subir les pires traitements, il va bénéficier aussi de la générosité d’hommes exemplaires (l’humaniste Jean-Gabriel Pelletan, les naturalistes Jean Dubois et Geoffroy Saint-Hilaire, notamment) et de l’inséparable amitié d’un chien, qui partagera son destin ingrat. Si l’auteur s’inspire d’une histoire authentique, celle du lion Woira¹, la force subtile de son écriture est, en se gardant bien d’adopter le point de vue du lion, d’en reconstruire (réinventer) la réalité. Sobre, fluide, convaincant, souvent amusant, le roman tisse du même coup une parabole crépusculaire et lumineuse sur la condition humaine dans cette tourmente de la fin du xviii^e siècle, dont l’histoire du lion – vraie personne et à la fois personne – s’avère un révélateur inattendu.
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¹ http://bit.ly/2cijhHT.

Histoire du lion Personne de Stéphane Audeguy, Seuil, 224 pages, 14 x 20,5 cm, 17 €.