Le vétérinaire, sentinelle de la santé animale - La Semaine Vétérinaire n° 1686 du 07/09/2016
La Semaine Vétérinaire n° 1686 du 07/09/2016

DOSSIER

Auteur(s) : DOSSIER RÉALISÉ PAR MICHAELLA IGOHO 

La loi de santé animale met l’accent sur la prévention en clarifiant notamment les responsabilités de chaque acteur de la chaîne. Le vétérinaire y joue un rôle crucial.

Après de longues discussions, la loi de santé animale a été adoptée par le Parlement européen en mars 2016. Il vise principalement à mieux prévenir et lutter contre les maladies transmissibles de l’animal à l’homme. Ce nouveau cadre juridique, qui est le résultat d’un regroupement de 45 textes, relie plusieurs problématiques comme la santé animale, la santé publique et le bien-être animal. Il définit de façon plus claire les rôles et les responsabilités de chaque acteur : vétérinaires, professionnels de la santé, opérateurs, professionnels des animaux et détenteurs d’animaux de compagnie, laboratoires vétérinaires, mais aussi États membres. Dès les premiers considérants, il est stipulé que les vétérinaires jouent un rôle essentiel dans tous les aspects de la gestion de la santé animale et le texte vient fixer les règles générales afférentes.

Le vétérinaire “loi de santé animale” est celui qui…

La loi implique le vétérinaire dans la prévention et la lutte contre les épidémies de maladies animales transmissibles. La partie dédiée aux différents acteurs le concerne directement.

Il est reconnu que les vétérinaires praticiens possèdent des connaissances, des compétences et des qualifications professionnelles qui font d’eux des acteurs principaux dans la mise en œuvre des mesures de prévention, mais aussi dans la sensibilisation des autres maillons de la chaîne. De ce fait, ils seront tenus de prendre des dispositions afin de prévenir l’introduction, le développement et la propagation des maladies. Ils devront aussi permettre leur détection « précoce », en fonction d’un diagnostic et d’un « diagnostic différentiel en bonne et due forme afin d’infirmer ou de confirmer la présence d’une maladie avant le début de tout traitement symptomatique ». Pour ses actions, le vétérinaire travaille avec les autorités sanitaires, les détenteurs d’animaux de compagnie et les professionnels des animaux afin de les accompagner dans la mise en œuvre des mesures de prévention et de lutte, concernées par la nouvelle réglementation et ciblant les maladies animales.

Il permet une action rapide

Le législateur rappelle que les vétérinaires permettent une « réaction rapide » face aux infections. Le nouveau cadre juridique prévoit de faciliter l’échange d’informations afin que soient notifiés des indices, tels que les taux de mortalité anormaux, ainsi que d’autres problèmes pathologiques graves, ou les baisses significatives de la production animale dont la cause est indéterminée.

Il est possible, pour l’autorité sanitaire compétente, de leur déléguer la notification ou encore la mise en œuvre des mesures d’urgence.

La visite sanitaire, l’élément clé

Un article du texte est consacré à la visite sanitaire. Il est prévu, entre autres, que les éleveurs (appelés “opérateurs”) veillent à ce que les établissements dont ils ont la responsabilité fassent, si ces derniers présentent des risques, l’objet de visites sanitaires effectuées par un vétérinaire. Elles seront l’occasion de fournir des conseils en matière de biosécurité ou encore de santé animale. La Fédération vétérinaire européenne (FVE) se félicite1 du rôle crucial que tient le vétérinaire pour la prévention, la détection des maladies et la biosécurité. Rafael Laguens, son président, souligne qu’il s’agit d’un « grand pas en avant », tout en rappelant que « les visites sanitaires sont la pierre angulaire du “mieux vaut prévenir que guérir”, stratégie indispensable pour la prévention et la détection précoce des maladies transmissibles ».

Il facilite l’identification et l’enregistrement des animaux

La nouvelle législation intègre des règles imposant l’enregistrement de tous les élevages professionnels et des vendeurs d’animaux. Le vétérinaire a une fonction centrale dans ce dispositif, surtout si des mouvements d’animaux peuvent être associés à un risque de propagation de maladies. La nouvelle loi de santé animale définit des exigences spécifiques pour les différentes espèces d’“animaux terrestres”. Concrètement, le vétérinaire pourra procéder à leur enregistrement, à leur agrément et à leur traçabilité. Il est aussi prévu qu’il délivre et tienne des documents d’identification accompagnant les animaux de compagnie. De même, le vétérinaire officiel appose cachet et signature et vérifie les certificats zoosanitaires.

Il est un bon pédagogue

Le vétérinaire est grandement impliqué dans la sensibilisation à la santé animale et aux liens qui unissent celle-ci avec le bien-être des animaux et la santé humaine. Il devient l’un des garants de l’approche “une seule santé”, dont il témoigne de l’importance auprès des éleveurs. C’est un bon pédagogue, puisqu’il lui incombe aussi d’attirer l’attention sur la résistance aux traitements, y compris aux antimicrobiens, et ses implications.

Il accompagne l’autorité sanitaire

Pour atteindre cet objectif “100 % prévention”, le praticien se voit déléguer de nombreuses activités. Il pourra appliquer des mesures relevant des programmes d’éradication et de sensibilisation aux maladies animales (notamment effectuer des activités d’échantillonnage et mettre en œuvre des enquêtes épidémiologiques). Par ailleurs, le nouveau cadre juridique demande aux États membres de veiller à ce que l’autorité sanitaire – l’Agence nationale de sécurité sanitaire (Anses), par exemple – dispose d’un personnel qualifié, y compris vétérinaire, d’installations, d’équipements, mais aussi de ressources financières. Les États membres sont aussi tenus d’aider les professionnels des animaux et les opérateurs à acquérir les connaissances de base en matière de santé animale. Le vétérinaire pourra jouer un rôle primordial dans la communication faite auprès de la population, qui devra être informée des mesures prises ou envisagées pour prévenir ou maîtriser une pandémie d’origine animale.

Il lutte contre l’antibiorésistance

En matière de lutte contre l’antibiorésistance, le praticien conseillera l’éleveur sur le bon usage des antibiotiques et veillera aussi à une utilisation responsable. Cette sensibilisation entre dans le cadre des dispositions qu’il pourra prendre pour la prévention et la propagation des maladies animales. Par ailleurs, le texte prévoit que la France ainsi que la Commission européenne pourront adopter des mesures concernant l’utilisation des médicaments vétérinaires afin de garantir une prévention ou une lutte contre les maladies, mais à condition que celles-ci soient appropriées et nécessaires. Des critères devront être pris en compte pour se positionner : profil de la maladie, disponibilité, efficacité de certaines spécialités vétérinaires, bien-être animal, environnement, etc. Sur ce point, difficile de jauger ce qui pourrait être prioritaire ou non, d’autant que les États membres peuvent ne pas avoir tous la même appréciation. Dans tous les cas, interdire et limiter l’utilisation de certains médicaments vétérinaires sera possible, de même que rendre obligatoire le recours à une spécialité.

Il reçoit une formation adaptée

La nouvelle réglementation prévoit que la Commission européenne pourra prendre des mesures afin de s’assurer que les vétérinaires aient les qualifications nécessaires et une formation adaptée. À ce stade, le texte ne contient pas plus d’indications sur la marge de manœuvre laissée à la Commission, mais précise qu’elle aura la possibilité de déterminer les exigences minimales en matière de formation. La loi prévoit même que les États membres, dont la France, veillent à disposer de vétérinaires suffisamment formés qui puissent jouer un rôle actif dans la prévention et la lutte contre les maladies animales transmissibles.

Des vaccins disponibles

Autre élément important : la création d’une banque d’antigènes, de vaccins et de réactifs de diagnostic, stockéeau sein de l’Union européenne. La Commission européenne sera chargée de sa mise en place et du suivi de son approvisionnement. Cette banque devra conserver en quantité suffisante ces produits en fonction des besoins des États membres, qui auront un accès prioritaire aux vaccins. Si des banques nationales ont été constituées en parallèle ou existaient en amont au niveau national, ces dernières devront répondre aux exigences de biosécurité, de biosûreté et de confinement biologique prévues dans le texte.

Les laboratoires vétérinaires aussi concernés

Les laboratoires vétérinaires doivent prendre des mesures appropriées en matière de biosécurité, de biosûreté et de confinement biologique pour empêcher toute propagation de maladies émergentes. La Commission européenne pourra donner des précisions sur ces dispositions.

Les détenteurs d’animaux en première ligne

La loi de santé animale répartit clairement les rôles des opérateurs, des professionnels des animaux et des détenteurs d’animaux de compagnie. En matière de biosécurité, par exemple, le texte engage davantage leur responsabilité. Il en ressort que ces acteurs sont les garants de la santé des animaux qu’ils détiennent et des produits dont ils ont la charge. Ils sont tenus de mettre en place des mesures pour empêcher la propagation d’une maladie détectée. En conséquence, ils doivent adopter des mesures de biosécurité appropriées afin de se prémunir notamment contre les risques de contamination. De façon générale, ils ont l’obligation de prévenir l’introduction de maladies, leur développement, leur multiplication et leur propagation. La Commission pourra, si cela est nécessaire, donner des orientations complémentaires.

Ces acteurs doivent surveiller la santé des animaux qu’ils élèvent en observant leur état de santé et leur comportement. La vigilance est requise pour repérer l’apparition de taux de mortalité ou d’autres signes graves. En outre, ils veillent à ce qu’un vétérinaire fasse, si cela est nécessaire, des inspections zoosanitaires dans les établissements dont ils ont la responsabilité, présentant un risque important compte tenu de leur nature ou encore des animaux détenus.

En matière de lutte contre l’antibiorésistance, les propriétaires devront respecter les principes du bon usage des antibiotiques. Par ailleurs, pour limiter la propagation des maladies, l’enregistrement de tous les élevages professionnels et des vendeurs d’animaux est obligatoire.

Des connaissances minimales

Les éleveurs et les professionnels des animaux devront justifier de connaissances minimales sur les maladies animales, y compris les zoonoses, de même que sur la biosécurité. Ils devront acquérir un niveau suffisant en matière de santé et bien-être des animaux et de santé humaine. Le niveau requis dépendra, entre autres, des espèces détenues, du type de production ou encore des tâches effectuées.

1 www.bit.ly/1TPaq3x.

Sources : règlement sur les maladies animales transmissibles, www.bit.ly/2bO0icd.

PROCHAINES ÉTAPES

Le texte est entré en vigueur le 20 avril 2016 et sera applicable dans tous les États membres à partir du 21 avril 2021. Les textes d’application sont encore attendus.

ENTRETIEN AVEC  ALAIN C. CANTALOUBE 

« UN DISPOSITIF SANITAIRE EUROPÉEN SOLIDAIRE ET COLLECTIF »

Le secrétaire général de la Fesass espère que les avancées de la loi bénéficieront du soutien adéquat en matière de textes d’application et de financements.
Quelles sont les nouveautés apportées par la loi de santé animale ?
D’abord, ce texte grave dans le marbre les grands principes qui vont encadrer la santé animale dans l’Union européenne pour les 50 prochaines années. Son intérêt est de reprendre l’ensemble du droit communautaire existant dans le domaine vétérinaire pour les animaux vivants en ayant une approche globale aussi simple que possible. Il s’agit d’un apport essentiel. La législation vétérinaire a été, auparavant, élaborée en fonction des besoins (par exemple, avec la mise en place du marché unique) et pour répondre aux crises sanitaires. Au cours des ans, cette démarche a abouti au cadre réglementaire actuellement en vigueur, certes complet, mais constitué comme une sorte de mille-feuille assez complexe. La loi santé animale, construite de façon plus structurée, fixe les grands principes, et des textes d’application cibleront des aspects plus pratiques.
Ensuite, ce texte précise, pour la première fois en santé animale, les responsabilités des différents acteurs. Il reste plutôt général, mais donne déjà des indications intéressantes sur le rôle de chacun. Les détenteurs d’animaux, les vétérinaires, les laboratoires et les services des États membres sont clairement ciblés, toutefois ces dispositions s’adressent à l’ensemble des acteurs potentiels, y compris les détenteurs d’animaux de compagnie, car la santé animale les concerne également. La responsabilité est donc générale et partagée. D’ailleurs, le texte allait beaucoup plus loin en invitant tous les citoyens à signaler un problème de santé animale. Ce point n’a finalement pas été retenu, car il posait le problème des capacités de discernement en l’absence de connaissances suffisantes et était inapplicable juridiquement.
La prise en compte de la problématique de la faune sauvage constitue une autre nouveauté symboliquement forte qui mérite d’être soulignée. L’Union se dote des moyens juridiques pour intervenir dans ce domaine sensible et faire face à plusieurs risques sanitaires actuels, comme la tuberculose bovine et la peste porcine africaine. C’est en quelque sorte l’application au sens large du principe “une seule santé”.
Enfin, la loi concrétise juridiquement les orientations politiques de l’Union en encourageant la gestion préventive. Il s’agit de prévenir les épidémies de maladies animales. Elle répond ainsi aux attentes du secteur et de notre société. Le texte devrait également renforcer la transparence par rapport à la santé animale en Europe.

Quelles sont les mesures concrètes pour limiter la propagation de maladies animales transmissibles ?
La responsabilité individuelle et collective de l’éleveur me paraît importante. Il doit prendre des mesures pour assurer la protection de la santé de ses animaux, c’est-à-dire qu’il doit adapter sa gestion en fonction des risques, mettre en œuvre, si nécessaire, des mesures de biosécurité proportionnées et disposer des connaissances suffisantes. Sur le plan pratique, il ne s’agit pas d’une nouveauté, la grande majorité des éleveurs opèrent déjà au quotidien. Les vétérinaires praticiens sont également impliqués dans la surveillance sanitaire et la prévention. Au-delà, ce sont tous les opérateurs qui sont mobilisés à tous les niveaux par la loi pour garantir l’efficacité des mesures de prévention. Toutefois, le texte ne fixe que les principes généraux. L’enjeu se situe davantage au niveau des mesures d’application et de leur mise en œuvre. Sur ce point-là, on peut craindre que les États membres n’agissent pas tous avec la même rigueur. Il ne faudrait pas que cela crée des distorsions en matière de garanties sanitaires et de concurrence. Les mesures d’application qui seront adoptées par la Commission doivent donc être viables et simples à appliquer.
Dans ce cadre, celle-ci a prévu des phases de consultation. La Fédération européenne pour la santé animale et la sécurité sanitaire (Fesass) sera bien entendu présente et active. Nous allons faire part de nos commentaires le plus en amont possible, y compris auprès des États membres. L’objectif est d’avoir un dispositif sanitaire européen solidaire et collectif ne laissant aucun acteur sur le bord du chemin, afin de ne pas créer de maillon faible.

Y a-t-il des points que le texte aurait dû approfondir ?
Pour la Fesass, le financement de la politique commune de santé animale est certainement le grand absent de ce texte. Fixer des obligations, c’est bien, mais il faut aussi prévoir les financements. Naturellement, l’Union dispose d’un règlement financier qui encadre les dépenses dans le domaine vétérinaire, cependant la loi de santé animale ne comporte pas de dispositions permettant de jouer le rôle de passerelle avec ce texte. Cette situation est très préoccupante. Par exemple, aucune disposition n’est prévue pour soutenir les investissements en matière de biosécurité.
Nous sommes donc préoccupés par les possibilités de mise en œuvre d’un certain nombre de mesures. De plus, avec l’application du principe de subsidiarité, des distorsions supplémentaires risquent d’apparaître et de compromettre l’application homogène de la loi. C’est pourquoi il faudra être très vigilant lors de la préparation et de l’adoption des textes d’application. Il en va de l’efficacité du futur dispositif et de sa concrétisation dans nos élevages.

Le praticien pourra appliquer des mesures relevant des programmes d’éradication et de sensibilisation aux maladies animales.
Formations e-Learning

Nouveau : Découvrez le premier module
e-Learning du PointVétérinaire.fr sur le thème « L’Épanchement thoracique dans tous ses états »

En savoir plus

Boutique

L’ouvrage ECG du chien et du chat - Diagnostic des arythmies s’engage à fournir à l’étudiant débutant ou au spécialiste en cardiologie une approche pratique du diagnostic électrocardiographique, ainsi que des connaissances approfondies, afin de leur permettre un réel apprentissage dans ce domaine qui a intrigué les praticiens pendant plus d’un siècle. L’association des différentes expériences des auteurs donne de la consistance à l’abord de l’interprétation des tracés ECG effectués chez le chien et le chat.

En savoir plus sur cette nouveauté
Découvrir la boutique du Point Vétérinaire

Agenda des formations

Calendrier des formations pour les vétérinaires et auxiliaires vétérinaires

Retrouvez les différentes formations, évènements, congrès qui seront organisés dans les mois à venir. Vous pouvez cibler votre recherche par date, domaine d'activité, ou situation géographique.

En savoir plus


Inscrivez-vous gratuitement à nos Newsletters

Recevez tous les jours nos actualités, comme plus de 170 000 acteurs du monde vétérinaire.

Vidéo : Comment s'inscrire aux lettres d'informations du Point Vétérinaire

Retrouvez-nous sur
Abonné à La Semaine Vétérinaire, retrouvez
votre revue dans l'application Le Point Vétérinaire.fr