Élevage : l’industrie débat sur la crise - La Semaine Vétérinaire n° 1683 du 12/07/2016
La Semaine Vétérinaire n° 1683 du 12/07/2016

MÉDICAMENT VÉTÉRINAIRE

ACTU

Auteur(s) : MICHAELLA IGOHO 

À l’occasion de son assemblée générale, le 4 juillet 2016 à Paris, le SIMV a donné la parole aux principaux acteurs du monde de l’élevage, afin d’échanger sur la crise qui touche ce secteur.

Cette année, la traditionnelle conférence annuelle du Syndicat de l’industrie du médicament et réactif vétérinaires (SIMV) s’est tenue le 6 juillet sur un thème qui fait l’actualité : “Sortir de la crise par l’innovation”. Pour fêter ses 35 ans d’existence, le SIMV a donné la parole à huit acteurs liés au monde de l’élevage. Comment sortir de la crise qui touche l’élevage français ? De quelle façon répondre aux attentes des consommateurs ? Quel devrait être le rôle du vétérinaire auprès de l’éleveur ? Comment gérer les crises sanitaires ? Autant de questions sur lesquelles les intervenants ont fait part de leur point de vue.

« La France a beaucoup d’atouts »

Une première table ronde a permis aux intervenants de dresser un état des lieux de la situation de l’élevage français. Sur le plan sanitaire d’abord, Jean-Luc Angot, du Conseil général de l’alimentation, de l’agriculture et des espaces ruraux (CGAAER), a rappelé que la France a beaucoup d’atouts (notamment de ressources foncières et fourragères) en matière de gouvernances sanitaire, environnementale, mais aussi de performance sanitaire. Cela a particulièrement été constaté dans la lutte contre le virus de Schmallenberg (SBV). Il rappelle d’ailleurs que la loi de santé animale, récemment publiée au niveau européen, a été largement inspirée de la veille sanitaire française. Par ailleurs, Pascal Boireau, directeur du laboratoire de santé animale de l’Agence nationale de sécurité sanitaire (Anses), a souligné l’importance de la vaccination pour maîtriser les agents pathogènes et lutter contre les épidémies telles que le SBV ou encore la fièvre catarrhale ovine (FCO).

Les filières porcine et avicole en « perte de compétitivité »

L’état des lieux est alarmant du côté des filières porcine et avicole. Yves Trégaro, chef de l’unité produits animaux, pêche et aquaculture de FranceAgriMer, tire la sonnette d’alarme : il est nécessaire d’agir car, en France, « ces deux filières sont en difficulté et en perte de compétitivité ». Des investissements et de bonnes performances techniques sont réalisés, mais cela ne suffit pas à réduire l’écart qui se creuse avec la concurrence immédiate venue de nos voisins européens (Espagne, Allemagne, Belgique, Pays-Bas ou encore Pologne). Ces derniers ont investi dans l’élevage et anticipé certaines problématiques comme le bien-être animal, la phytothérapie ou encore la prise en compte du facteur environnemental. En Allemagne, par exemple, où l’élevage de poules pondeuses en volière s’est développé.

La filière lait ne fait pas mieux en 2016

Le constat est tout aussi inquiétant du côté des filières viande bovine et laitière. « La crise qui les touche est liée au prix du lait », indique Philippe Chotteau, de l’Institut de l’élevage (Idele). Il rappelle que le prix moyen du lait est passé de 380 €/1 000 l à près de 285 € en 2016. La chute se poursuit donc en 2016. « Une telle baisse de prix est difficilement absorbable par les éleveurs », ajoute-t-il. Globalement, il est difficile pour le secteur de conquérir de nouveaux marchés. À ce constat, il convient d’ajouter des filières qui doivent faire face aux aléas sanitaires et climatiques. « Une vache inefficace nous coûte finalement très cher ! », conclut Philippe Chotteau.

Un consommateur plus exigent

Les intervenants observent la même tendance : les attentes sociétales sont plus nombreuses. Une seconde table ronde, dédiée aux perspectives, a permis de dresser un portrait du consommateur du xxie siècle. Il apparaît clairement que ce dernier demande de la transparence de “la fourche à la fourchette”. Cela se manifeste par une demande d’engagements, entre autres, pour réduire les antibiotiques et garantir le bien-être animal. Une étude1, présentée par Elizabeth Pastore-Reiss, directrice générale de GreenFlex, met en évidence que les consommateurs français sont prêts à payer plus cher pour favoriser la production locale et accéder à des produits de qualité. En effet, 65 % d’entre eux souhaitent que les distributeurs fassent travailler des producteurs locaux et 49 % pensent même qu’acheter local est un moyen de consommer autrement. L’engagement est une notion qui marche et parle au consommateur. L’intervenante explique qu’une bonne communication affichant l’implication des industriels, notamment dans la prise en compte du bien-être animal et du facteur environnemental, peut fortement booster les ventes d’un produit.

Une montée de la valeur santé

Autre constat, l’évolution des comportements et des habitudes alimentaires des sociétés occidentales, qui peuvent aussi expliquer cette crise de l’élevage. Bruno Hérault, du Centre d’études et de prospective du ministère de l’Agriculture, de l’Agroalimentaire et de la Forêt, insiste sur la montée en puissance de la valeur santé, une mondialisation du système alimentaire et une valorisation de l’animal. « Nous n’avons jamais aussi bien mangé, et jamais eu autant peur de manger mal », indique-t-il. Le directeur du centre explique que la relation à l’alimentation change et devient de plus en plus thérapeutique. « Plus on se rapproche de la domestication et plus il est difficile de manger cet animal, relégué auparavant dans les campagnes, qui revient en force en ville. » Bruno Hérault ajoute que le fait de manger est devenu un acte superficiel qui accompagne les autres distractions de la vie, faisant ainsi apparaître un nouveau « problème public », celui de la « zoophagie cannibalisme ».

L’élevage connecté

Dans un monde qui change, les exploitations agricoles sont aussi appelées à évoluer. Joël Limouzin, vice-président de la Fédération nationale des syndicats d’exploitants agricoles (FNSEA), souligne que l’innovation en élevage se fera par le biais des outils connectés. Sur la façon de relever les défis de l’agriculture aujourd’hui, l’intervenant estime qu’il est nécessaire de répondre aux attentes des consommateurs en passant « d’une politique d’offre à une politique de demande » et d’encourager le « manger local », afin de redonner confiance au consommateur. Toutefois, concernant l’usage des antibiotiques, le représentant de la FNSEA est clair : « Nous ne pouvons pas nous engager à ne pas utiliser des antibiotiques en élevage, mais la vaccination reste un élément fondamental. »

Les enjeux du big data

Autre défi à relever par la profession vétérinaire, les enjeux liés au big data en élevage pour prévenir et adapter le conseil délivré à l’éleveur. Le domaine de la santé animale connaît également un boom de la santé connectée (avec les logiciels et les applications de suivi, notamment), qui accompagne le praticien dans sa prise de décision. Christine Fourichon, maître de conférences à Oniris, assure que ces outils vont changer la pratique vétérinaire. La formation des jeunes intègre d’ailleurs ces innovations dans les programmes d’enseignement.

1 Étude menée par GreenFlex en 2015.

LE VÉTÉRINAIRE, UN APPUI POUR L’ÉLEVEUR

Le vétérinaire est un acteur incontournable du monde de l’élevage, en première ligne pour témoigner de l’évolution des systèmes en place et des enjeux sociétaux tels que l’antibiorésistance. La profession semble, en effet, s’adapter à la métamorphose de ce secteur qui intègre davantage de robotisation, des exploitations plus grandes, de nouveaux modèles économiques, une évolution des risques, etc. S’ajoutent les attentes sociétales qui se veulent plus nombreuses (le consommateur du xxe siècle souhaite des engagements). Le binôme vétérinaire-éleveur reste, sur ce point, un atout solide. Christine Fourichon, maître de conférences à Oniris, a rappelé que le vétérinaire est un avantage pour la compétitivité de l’élevage, notamment par son rôle de conseil. « L’école crée le lien entre les jeunes vétérinaires et les futurs clients, pour répondre à leurs attentes. Le plus important étant la confiance et la prise de conscience », a-t-elle indiqué. Pour cela, le praticien devrait savoir s’adapter à chaque situation en connaissant les contraintes de l’éleveur, tout en ajustant ses interventions au contexte de l’exploitation.
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