Les troubles du comportement du chien âgé - La Semaine Vétérinaire n° 1679 du 14/06/2016
La Semaine Vétérinaire n° 1679 du 14/06/2016

SYNTHÈSE

PRATIQUE CANINE

Auteur(s) : THOMAS BRÉMENT  

Les affections comportementales représentent 1 % des consultations du chien âgé1. Aucune prédisposition sexuelle ni morphologique n’est mise en évidence. Les troubles anxieux et dépressifs constituent un tiers des diagnostics et les troubles agressifs, 13 %. Parmi les dérèglements du comportement du chien âgé, il convient de distinguer les troubles cognitifs, thymiques (de l’humeur) et agressifs dus à des processus de vieillissement cérébraux, lesquels sont à l’origine d’une perte de la plasticité neuronale. Si suspecter un trouble du comportement chez un chien âgé est relativement simple, en revanche, sa prise en charge est un défi médical.

Pathogénie

Le vieillissement neurologique est lié à une altération progressive de la membrane plasmique entraînant une diminution de la neurotransmission et une perte de la plasticité neuronale, associée à une baisse du nombre de récepteurs aux neurotransmetteurs principaux (dopamine, sérotonine, acétylcholine). Des troubles cognitifs et moteurs, des perturbations de la relation sociale, de l’humeur et du sommeil et un déficit mnésique en résultent. Le vieillissement est un processus physiologique, mais, lorsque des troubles cognitifs et thymiques apparaissent, il devient pathologique.

Syndrome confusionnel

Symptômes

Le syndrome confusionnel est une affection fréquente (60 % des chiens âgés), d’apparition progressive à la suite du développement de lésions cérébrales comparables à celles de la maladie d’Alzheimer chez l’homme. L’animal est désorienté, et ses repères habituels et la notion de l’espace qu’il occupe en sont altérés. Il perd également ses repères temporels et inverse le jour et la nuit, tout en conservant une quantité journalière de sommeil normale. Progressivement, ses apprentissages sociaux de base (troubles hiérarchiques, obéissance aléatoire) sont ébranlés. En l’absence de prise en charge, ces troubles ne font que s’aggraver, motivant une euthanasie précoce.

Traitement

Cependant, une prise en charge médicale et comportementale peut redonner une “seconde jeunesse” à l’animal en luttant contre les effets du vieillissement pathologique. La molécule de choix est actuellement la sélégiline (à la dose de 1 mg/kg/j en une prise), qui favorise les transmissions dopaminergique et cholinergique. Cette molécule est de plus dotée de propriétés antioxydantes et possède une activité stabilisatrice des membranes neuronales. Des antidépresseurs anxiolytiques peuvent être utilisés pour contrer les conséquences du déficit cognitif telles que l’anxiété et les troubles dépressifs. La propentofylline est administrée pour augmenter la perfusion cérébrale. Une étude récente2 met en avant l’apoaequorine, une protéine liant le calcium, qui se révèle intéressante dans le traitement de cette affection, notamment sur le rétablissement des facultés d’apprentissage et d’attention. Ces travaux démontrent une efficacité de cette spécialité au moins comparable à celle de la sélégiline. Les mesures hygiéniques diététiques (alimentation pour chiens seniors enrichie en antioxydants) et d’enrichissement de l’environnement sont également opérantes (par stimulation de la neurogenèse et de la synaptogenèse). Des nutraceutiques (oméga 3, vitamines E, C et B6, L-carnitine, resvératrol ou extraits de ginkgo biloba) peuvent compléter ces mesures. Ils participent au maintien des capacités mnésiques.

Troubles thymiques

Symptômes

Les troubles thymiques comprennent la dépression et la dysthymie du chien âgé. Leur survenue s’explique en partie par le vieillissement cérébral et/ou le développement d’affections comportementales (non traitées ou gérées de façon inadéquate) et organiques (dysendocrinie, processus tumoral, état algique, etc.). La dépression est un état d’inhibition comportementale sévère, spontanément irréversible. Son diagnostic repose sur la présence de quatre critères parmi les suivants : perte des initiatives, jeux et activités de toilettage, vocalises (détresse), apathie ou crises hypermotrices, troubles du sommeil (hypersomnie ou insomnie avec un avancement du sommeil paradoxal), troubles du comportement alimentaire, perte des capacités d’apprentissage et d’adaptation. Les dysthymies du chien âgé se caractérisent par des fluctuations brutales de l’humeur alternant avec des phases de normalité, associées à une altération des capacités cognitives. Des phases productives (quantité massive de manifestations organiques et comportementales actives) sont suivies de phases déficitaires (manifestations dépressives aiguës puis chroniques). Lors du retour de conduites infantiles (malpropreté, exploration ou prise de contact orale, disparition des apprentissages, etc.) associées à un état dépressif chronique, il est question de dépression d’involution. Un hyperattachement secondaire peut également se développer.

Traitement

Ces affections étant liées au vieillissement, l’objectif n’est pas la guérison, mais la réduction des comportements gênants pour rétablir le lien entre l’homme et l’animal. La miansérine (antidépresseur inhibiteur de la recapture de la noradrénaline) est indiquée dans le traitement de la dépression aiguë du chien âgé. La prise en charge de la dépression chronique fait appel aux antidépresseurs tricycliques (clomipramine), aux inhibiteurs sélectifs de la recapture de la sérotonine (fluoxétine) ou aux inhibiteurs des monoamines oxydases (sélégiline) dont l’objectif est de normaliser le taux de neurotransmetteurs monoaminergiques. Cette médicalisation est associée à une thérapie dite du “jeu gagnant” afin de rétablir un lien de qualité, et de favoriser la reprise des initiatives et un retour des capacités cognitives et émotionnelles. La gestion des maladies concomitantes (dysendocrinies) est indispensable. En l’absence de thérapie spécifique, le traitement de la dysthymie vise à stabiliser médicalement l’humeur de l’animal. La sélégiline permet d’obtenir des résultats intéressants chez certains chiens. L’utilisation de sels de lithium (carbonate ou gluconate de lithium) est préconisée mais contraignante. Les seules recommandations données aux propriétaires sont de repérer les crises le plus précocement possible et d’éviter tout contact avec l’animal dans cette situation, au risque de s’exposer à une agression. L’euthanasie du chien doit faire l’objet d’une discussion en cas de dangerosité avérée.

Hyperagressivité

Symptômes

Les troubles agressifs sont fréquents et d’apparition souvent brutale, les rendant incompréhensibles pour les propriétaires. La cause la plus fréquente est la présence d’un état algique. Ces agressions par irritation, principalement dirigées contre les personnes familières, s’instrumentalisent rapidement, ce qui aggrave le pronostic. La séquence d’agression est inversée et la morsure précède alors la phase de menace. De plus, l’altération de certaines facultés sensorielles, occasionnant une cécité, une surdité ou une anosmie, entraîne des agressions par peur ou irritation lorsque l’animal est surpris. Les agressions peuvent également se développer dans le cadre d’une affection comportementale, et sont souvent associées à des troubles thymiques ou cognitifs. Elles prennent alors parfois des formes violentes et imprévisibles motivant souvent l’euthanasie de l’animal. La pathogénie est mal connue. Des essais thérapeutiques suggèrent un dysfonctionnement des structures sérotoninergiques.

Traitement

Lors d’état algique, le traitement est multimodal (gestion de la douleur associée à l’utilisation de psychotropes diminuant l’impulsivité, tels que la clomipramine, la fluoxétine et la sélégiline). En cas d’agressivité liée à des troubles sensoriels, la prévention consiste à trouver des techniques pour éviter de surprendre le chien en choisissant le canal de communication le plus efficace. Lors de troubles du comportement concomitants, il convient de les prendre en charge. Il est également essentiel de traiter tout trouble organique associé. Chez le chien âgé, le recours aux neuroleptiques (désinhibiteurs) et à la carbamazépine est déconseillé. Enfin, des mesures hygiéniques sont utiles pour assurer un confort de vie à l’animal âgé : organisation des locaux, substrat du lieu de couchage et type de sol adaptés à une mobilité non douloureuse et stable, etc.

1 Nicole C. Dominantes pathologiques en gériatrie canine : étude bibliographique et rétrospective à partir de 1 521 cas. Thèse Méd. Vét., Nantes. 2013:164.

2 Milgram N. W. et coll. A novel mechanism for cognitive enhancement in aged dogs with the use of a calcium-buffering protein. J. Vet. Behav. 2015;10:217-222.

1 %
des consultations du chien âgé concernent des affections comportementales.
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