La prophylaxie, une activité non rentable - La Semaine Vétérinaire n° 1678 du 08/06/2016
La Semaine Vétérinaire n° 1678 du 08/06/2016

SANITAIRE

ACTU

Auteur(s) : STÉPHANIE PADIOLLEAU 

Le CGAAER a été saisi afin d’« expertiser les modalités de fixation des tarifs de prophylaxie » . Son analyse dresse un portrait critique de la situation et souligne une faible rentabilité pour les vétérinaires sanitaires.

À la suite d’une grève des vétérinaires sanitaires de Mayenne1, le Conseil général de l’alimentation, de l’agriculture et des espaces ruraux (CGAAER) a été saisi afin d’analyser les modalités de fixation des tarifs de prophylaxie, tarifs déterminés par convention départementale entre les éleveurs et les vétérinaires. Cinq recommandations ont été émises : réviser les textes relatifs aux prophylaxies dans un souci de cohérence (en particulier la nomenclature), renforcer le contrôle des campagnes de prophylaxie, garantir la sécurité juridique des décisions d’arbitrage des préfets, recourir à des expertises comptables pour fixer les tarifs et progressivement mettre en place une tarification nationale.

Une approche particulière de la mutualisation

La mission du CGAAER a fondé son travail2 sur une analyse de 53 conventions départementales ou régionales établies entre les représentants des éleveurs et ceux des vétérinaires et sur les textes réglementaires régissant les prophylaxies chez les ruminants et les porcs. Plusieurs points interpellent, dont le fait que le maintien du statut national soit, dans la plupart des cas, financé par les seuls éleveurs (ou départements) directement concernés. « On fait supporter à quelques territoires les efforts nécessaires à un objectif d’intérêt général pour tout le territoire national. Il serait logique de rechercher une méthode de financement qui engage l’ensemble des éleveurs français pour les quelques fronts de lutte qui conditionnent le statut sanitaire de la France. » Le rapport souligne également le transfert de mutualisation vers les vétérinaires, par le biais de tarifs les plus faibles possible, qui ne sont pas fondés sur la valeur du travail effectué. « On cherche trop souvent à déterminer les montants que l’éleveur est capable de consentir à payer en fonction de ses revenus ou de son absence de revenus. En procédant ainsi, on risque de répercuter sur une seule profession de service (le vétérinaire) les difficultés auxquelles est confronté l’élevage. » Le bilan est sans appel : « Force est de constater que payer les vétérinaires à un tarif non rémunérateur a constitué une approche un peu particulière de la mutualisation. » Sans commentaires.

Définir avec précision

Tarification à l’acte ou forfait horaire ; avec ou sans fourniture de vaccin ou de tuberculine ; avec ou sans modulation selon la taille de l’effectif ; déplacement inclus ou non, au kilomètre ou au forfait, fourniture ou non du matériel ; transport des prélèvements non précisé : le CGAAER constate « une extrême hétérogénéité de présentation et une disparité forte des tarifs pour les mêmes actes » dans la rédaction des conventions, qui seraient liées à un manque de précision dans les textes, mais aussi à l’absence d’un socle fondé sur une expertise comptable. Comment tarifer une prestation qui n’est pas clairement définie ? En réponse à cette question, le CGAAER suggère à l’administration de « rechercher une cohérence dans l’expression des tarifs » des opérations de prophylaxie et celles de police sanitaire, et d’établir un cahier des charges destiné aux éleveurs « comprenant notamment un volet contention », et un pour les vétérinaires « précisant le contenu des visites et des actes ». Il est aussi recommandé d’harmoniser et de clarifier les définitions des visites et la nomenclature prévue par l’arrêté du 1er mars 1991.

Expertise comptable

D’après les conventions étudiées, le tarif des prises de sang chez les bovins est en moyenne de 2,41 € (1,27 à 5,12 €,médiane 2,32 €), celui des intradermo-tuberculinations simples (IDS) de 2,20 € (1,20 à 4,22 €, médiane 2,20 €, tuberculine non comprise) et celui des intradermo-tuberculinations comparatives (IDC) de 5,79 € (1,52 à 10,96 €, tuberculines non comprises, médiane 5,55 €). Quant au tarif des prises de sang sur buvards chez les porcs, il varie de 1,54 à 3,72 € (moyenne 2,52 €, médiane 2,67 €) et sur tube de 2,51 à 6,05 € (moyenne 4,10 €, médiane 3,92 €). La mission a souligné l’absence d’expertise comptable comme socle à la procédure de fixation des tarifs, dans toutes les conventions, et propose une méthode d’élaboration des tarifs fondée sur une approche économique (encadré).

La comparaison des tarifs obtenus par ce calcul avec ceux pratiqués sur le terrain montre que l’activité prophylaxie n’est généralement pas rentable pour les vétérinaires. Sans surprise, mais c’est bien la première fois que ce fait est admis et montré de manière pragmatique. « Les tarifs départementaux des IDS se situeraient tous, sauf pour l’Orne, dans une zone où effectuer les prophylaxies n’est pas rentable pour un vétérinaire : soit il perd de l’argent en employant un salarié, soit il accepte de travailler avec une rémunération qui peut être inférieure au revenu de solidarité active (RSA) ou au salaire minimum interprofession nel de croissance (SMIC). Il en est de même pour l’IDC dans les Pyrénées-Atlantiques et la Mayenne. » La pratique de tarifs dégressifs, du moins pour les actes, n’est pas encouragée, mais devrait s’accompagner de frais complémentaires dans le cas d’exigences particulières ou de mauvaise organisation d’un éleveur.

Du local au national : exemple de la région Rhône-Alpes

Les auteurs du rapport attirent l’attention sur les particularités de la convention mise en place dans la région Rhône-Alpes depuis 2011. Tous les ans, le préfet de région conduit une commission entre représentants d’éleveurs et de vétérinaires, comme au niveau départemental, puis « acte de son droit d’évocation à transférer au niveau régional la compétence dévolue au niveau départemental », afin que la convention établie puisse être appliquée dans l’ensemble de la région. Plusieurs points sont montrés en exemple : la rédaction de la convention est claire et conforme aux instructions ministérielles (respect de la nomenclature) et définit précisément ce que comportent les visites d’exploitation ou d’introduction et celle de contrôle de la tuberculination, avec une tarification sans ambiguïté des actes et des visites (indexée sur l’indice des prix à la consommation) et une cohérence entre les différentes espèces. Cette convention est supposée offrir une balance correcte entre zones de plaines et de montagne, mais, dans les faits, ce n’est pas toujours le cas au sein d’une clientèle (montagne majoritaire, petites exploitations éloignées). Le rapport suggère toutefois de l’utiliser en exemple dans la réflexion visant à passer de tarifs négociés à l’échelon local à une tarification nationale.

1 La Semaine Vétérinaire n° 1615 du 30/1/2015, page 33, et n° 1617 du 13/2/2015, page 18.

2 Modalités de fixation des tarifs des prophylaxies animales, rapport n° 15046 du CGAAER établi par Christophe Gibon et Lionel Parle, http://bit.ly/1ZuEG2X.

PROPOSITION DE MÉTHODE D’ÉLABORATION DES TARIFS

Quatre étapes sont proposées afin de déterminer la tarification des actes de prophylaxie :

• déterminer une nomenclature claire des actes et des prestations à rémunérer ;

• calculer les charges affectées aux activités de prophylaxie en fonction d’une analyse comptable cohérente avec la nomenclature des frais et des prestations à rémunérer ;

• évaluer le nombre d’actes réalisés à l’heure par le vétérinaire sanitaire ;

• choisir un revenu cible.
Les charges (amortissement du véhicule, assurances, carburant, bottes, blouses, matériel, part des auxiliaires, etc.) ont été évaluées à 240 € par vétérinaire pour une journée de prophylaxie de 8 heures. Le nombre moyen d’actes par jour est déterminé à partir du rythme constaté dans les différentes clientèles pour chaque acte de prophylaxie. Par exemple, pour la tuberculose, le rythme moyen est de 20 intradermo-tuberculinations simples (IDS) ou 15 intradermo-tuberculinations comparatives (IDC) à l’heure (test, contrôle, remplissage des documents inclus). Le revenu cible est déterminé à partir du chiffre d’affaires d’un vétérinaire libéral qui gagnerait un« revenu minimal acceptable »équivalant à celui d’un vétérinaire salarié. En dessous, le praticien travaillerait à perte ou, du moins, sans bénéfices. Dans les calculs, le salaire moyen choisi est celui d’un vétérinaire à l’échelon 3 (310 €) et, pour l’activité libérale, celui donné par le ministère des Finances et des Comptes publics (454 € par jour avec 210 jours travaillés). Des exemples sont donnés en fonction du rythme (15, 20, 30 ou 40 actes par heure) et du prix à l’acte (tableau). Dans le cas des IDS, effectuées en moyenne avec un rythme de 20 actes par heure, le seuil de rentabilité n’est franchi qu’au-delà d’un tarif de 3,75 € par acte. En 2015, le prix d’une IDS était en moyenne de 2,20 €…
© CGAAER
“ Force est de constater que payer les vétérinaires à un tarif non rémunérateur a constitué une approche un peu particulière de la mutualisation. ”
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