La dilatation gastrique chez le lapin - La Semaine Vétérinaire n° 1678 du 08/06/2016
La Semaine Vétérinaire n° 1678 du 08/06/2016

CAS CLINIQUE

PRATIQUE CANINE

Auteur(s) : JULIE BROSSARD ET ADELINE LINSART  

Un lapin nain mâle entier âgé de 6 mois est présenté pour abattement, anorexie et absence d’émission de selles depuis12 heures. Il vit sans autre congénère dans une cage, et a accès à l’appartement et à la terrasse sous surveillance. Il mange essentiellement des extrudés, un peu de foin, quelques légumes et des récompenses industrielles. À l’admission, il est alerte mais abattu. Sa température rectale est de 37,5 °C. La palpation abdominale semble inconfortable et révèle un estomac très volumineux et tendu. Le reste de l’examen clinique ne montre rien d’anormal. La radiographie abdominale confirme la taille augmentée de l’estomac, qui présente aussi un contenu liquidien avec une bulle de gaz en son centre. Le lapin présente également une hyperglycémie (4 g/l). Une réanimation médicale est immédiatement entreprise et une laparotomie exploratrice d’urgence est décidée. La présence d’un corps étranger dans l’antre pylorique étant détectée, une gastrotomie est réalisée, qui permet de retirer un contenu fibreux mélangé à des poils. La fluidothérapie, l’analgésie (morphine et trimébutine à visée digestive) et l’antibiothérapie sont maintenues à l’issue de la chirurgie, ainsi qu’un traitement de relance du transit (ranitidine, métoclopramide et gavages). Les propriétaires récupèrent l’animal 5 jours plus tard. Celui-ci bénéficie d’un contrôle une semaine après sa sortie. Le transit et l’appétit sont bons. Une correction du régime alimentaire est effectuée afin que le foin en devienne l’élément principal. Des conseils hygiéniques sont également délivrés pour limiter l’ingestion de poils, puis faciliter leur transit digestif, notamment au moment des mues. Deux ans après, aucune récidive n’est à déplorer.

Reconnaître la dilatation gastrique

Anamnèse

Il ne semble pas qu’il y ait de prédisposition de genre, d’âge ou de race chez le lapin. La rapidité de la dégradation clinique est un élément évocateur. Le lapin est souvent prostré, en boule, les oreilles plaquées en arrière. L’absence absolue de selles est un autre signe d’appel, mais il n’est pas systématique. D’autres éléments rapportés par les propriétaires peuvent précéder la dilatation gastrique : anorexie, signes de douleur, changement de comportement dans les jours précédents (peut être dû à la migration d’un corps étranger) ou au moment de la dilatation. Certains propriétaires vont, comme pour un syndrome dilatation-torsion de l’estomac chez le chien, trouver leur animal gonflé ou ballonné, voire couché en décubitus latéral.

Examen clinique

Suivant l’importance de la dilatation et sa durée d’évolution, l’état général du lapin peut varier d’un simple abattement à un état de choc, notamment en lien avec des désordres électrolytiques et une compression de la veine cave par l’estomac. L’auscultation cardiaque n’apporte pas toujours d’informations, car la fréquence cardiaque du lapin est physiologiquement élevée et varie d’un individu à l’autre (150 à 300 bpm). Une hypothermie, associée à l’état de choc, peut être observée et est de mauvais pronostic. Des signes de douleurs (grincements de dents, prostration) sont presque toujours notés. La palpation abdominale révèle, en arrière des côtes à gauche, un estomac dilaté plus ou moins tendu. Il convient de ne pas trop masser l’estomac dans ce cas, car sa paroi est fragile. Il n’est pas rare d’observer des affections concomitantes, comme une maladie dentaire ou une affection des voies respiratoires supérieures, qui assombrissent le pronostic.

Examens complémentaires

La radiographie abdominale est l’examen de choix lors de suspicion de dilatation gastrique. Elle permet de confirmer de manière certaine la suspicion clinique. Elle montre un estomac distendu, dont la taille dépasse la dernière côte. Du gaz et du liquide, en quantités plus ou moins importantes, sont présents. La bulle de gaz se limite au pylore dans les cas les moins avancés. Un estomac plein de gaz et tympanique est observé lorsque la dilatation devient majeure. Une dilatation aérique des anses intestinales peut apparaître si l’obstruction est distale. Un corps étranger ou un trichobézoard peuvent être visualisés (le plus souvent au niveau du pylore ou de la valvule iléo-cæcale), mais ce n’est pas la règle.

La glycémie, un paramètre informatif

Un bilan sanguin complet révèle principalement des signes de déshydratation. Une attention particulière doit être portée à la mesure de la glycémie, très informative. Une étude1 s’intéresse aux variations de glycémie chez les lapins souffrant de différentes affections. L’augmentation de la glycémie serait corrélée à la sévérité de la maladie sous-jacente, notamment lors d’occlusion digestive. Par exemple, un lapin avec obstruction intestinale présente une glycémie significativement plus élevée qu’un sujet avec seulement une stase digestive. Par ailleurs, un lapin anorexique a un taux de glucose significativement plus élevé qu’un autre qui s’alimente normalement. Dans le cas de la dilatation gastrique chez cette espèce, le taux de glucose sanguin est considéré comme l’un des critères décisionnels pour choisir entre prises en charge médicale ou chirurgicale. La glycémie a également une valeur pronostique. Une valeur supérieure à 3,5 g/l reflète une affection avancée, devant être prise en charge chirurgicalement rapidement, et est associée à un plus mauvais pronostic. Entre 2,7 et 3,5 g/l, l’hyperglycémie est significative, mais le traitement médical seul peut être tenté si aucun autre critère n’est en faveur de la chirurgie. Un suivi clinique et radiographique régulier est alors nécessaire. Une glycémie en dessous de 2,7 g/l est le plus souvent en rapport avec le stress, mais peut être liée au fait que l’affection évolue depuis peu de temps. Le traitement médical suffit souvent. L’intérêt de la mesure de la lactatémie, utilisée couramment pour établir un pronostic lors de syndrome dilatation-torsion de l’estomac chez le chien, est peu renseigné chez le lapin et ne semble pas un paramètre pertinent dans cette espèce.

Traitement médical ou chirurgical ?

La décision d’un traitement médical ou chirurgical représente la réelle difficulté de la prise en charge d’une dilatation gastrique. Une étude2 montre qu’avec un traitement médical adapté la majorité des lapins avec dilatation gastrique peuvent être sauvés. Cependant, d’autres auteurs estiment la chirurgie indispensable3. Parmi les critères en faveur de cette option : une obstruction en amont de l’intestin grêle et une décompensation de l’animal. Cette prise en charge comporte, bien sûr, des risques à exposer aux propriétaires (péritonite, iléus, mort peropératoire, etc.). Le traitement médical consiste en une fluidothérapie, une oxygénothérapie, une analgésie, un réchauffement et des sondages gastriques, à instaurer également avant une chirurgie. Un suivi par palpation abdominale et radiographie permet de surveiller la reprise du transit, tandis que la mesure de la glycémie alerte en cas de dégradation. Les attentes des propriétaires sont, évidemment, également à prendre en compte.

1 Harcourt-Brown F. M., Harcourt-Brown S. F. Clinical value of blood glucose measurement in pet rabbits. Vet. Rec. 2012;170:674.

2 Schuhmann B., Cope I. Medical treatment of 145 cases of gastric dilatation in rabbits. Vet. Rec. 2014;175:484.

3 Harcourt-Brown F. M. Gastric dilation and intestinal obstruction in 76 rabbits. Vet. Rec. 2007;161:409-414.

Retrouvez les références bibliographiques de cet article sur bit.ly/1t1xZKT.

POINTS FORTS

Julie Brossard et Adeline Linsart Praticiennes au CHV Saint-Martin à Saint-Martin-Bellevue (Haute-Savoie).


• La dilatation gastrique chez le lapin est une urgence absolue.

• Le sondage peut être tenté en première intention, mais n’est pas toujours efficace.

• Une hyperglycémie (> 3,5 g/l) est associée à un mauvais pronostic.
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