Le bouc émissaire

En éclairant avec justesse des pans sensibles de l’histoire récente de contrées lointaines, mal connues de nous, les cinémas du monde dépaysent notre curiosité. La Quatrième Voie (Chauthi Koot) du prometteur Gurvinder Singh revient sur la période où l’Inde fut ébranlée par la prise d’assaut, en 1984, du Temple d’or d’Amritsar (au Pendjab) par les forces gouvernementales. Une offensive qui a coûté la vie à 400 séparatistes sikhs, puis, en représailles, à Indira Gandhi, ainsi qu’à 3 000 civils. L’extrême crispation de la situation subie à cette époque par la population pendjabie est magistralement restituée dans cette adaptation “atmosphérique” de deux nouvelles de l’écrivain Waryam Singh Sandhu.

Si l’on considère que le septième art est un art du temps – comme la musique il impose sa durée –, il y a plus de cinéma dans ce film que dans beaucoup de productions occidentales qui précipitent le temps en le découpant au point d’en devenir abstrait et déconnecté de notre expérience vécue. Au contraire, la manière à la fois intense et suspendue dont il s’écoule ici contribue, avec le minimalisme du jeu et des décors (un train, une ferme, la nuit), à mettre à vif le climat de peur et de paranoïa d’alors, proche de celui d’une guerre d’occupation. Dans le récit central, Tommy, un chien de ferme dont les aboiements nocturnes exaspèrent la nervosité à la fois des rebelles et des militaires, devient l’incarnation martyre de la violence latente et de l’innocence meurtrie de la communauté rurale.
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La Quatrième Voie (Chauthi Koot) de Gurvinder Singh, avec Suvinder Vikky, Rajbir Kaur, Gurpreet Kaur Bhangu, Taanjeet Singh et le chien Tommy, France/Inde, 1 h 55, sortie le 8 juin.