Comment réussir son recrutement - La Semaine Vétérinaire n° 1677 du 01/06/2016
La Semaine Vétérinaire n° 1677 du 01/06/2016

DOSSIER

Auteur(s) : DOSSIER RÉALISÉ PAR FRÉDÉRIC THUAL 

Les difficultés actuelles de recrutement poussent les vétérinaires à s’initier à la culture des ressources humaines. Encore marginale, la démarche fait son chemin et séduit ceux qui s’y impliquent.

Face à la féminisation de la profession vétérinaire, à l’intégration de la génération Y, à la faible digitalisation des entreprises et au manque de culture en ressources humaines, les vétérinaires s’interrogent pour pallier les problématiques de recrutement récurrentes dans les secteurs rural et mixte. Dans un univers longtemps tourné vers les seules techniques de soins, la prise de conscience de la nécessité d’une politique de ressources humaines affirmée commence à faire son chemin. « La problématique du recrutement ? Nous sommes en plein dedans », affirme Arnaud Duet, l’un des six associés de la clinique mixte Optivet. Répartie sur plusieurs sites, elle compte dix praticiens, dont quatre vétérinaires salariés, et 14 employés non vétérinaires. « L’un de nos vétérinaires part plus tôt que prévu et nous avons besoin d’un rempl açant pour quatre mois en canine pure à partir de septembre. Or, en deux mois, nous n’avons eu aucune réponse… Nous voyons approcher l’échéance sans remplaçant, et redoutons de devoir nous partager la charge de travail et les gardes. » Dans ce bourg rural situé à une centaine de kilomètres de Lyon, les dirigeants d’Optivet peinent à faire venir les candidats. « Seule une minorité des jeunes diplômés veut exercer en campagne, soit par méconnaissance du métier en rurale, soit par méfiance vis-à-vis des charges de travail », constate Arnaud Duet, qui, après plusieurs échecs, s’est résolu à prendre le taureau par les cornes. Désormais, la clinique accepte toutes les demandes de stage. Sans exception. « Nous essayons de soigner l’accueil et tentons de détecter les jeunes qui auraient envie de continuer à collaborer avec nous », indique-t-il.

Mieux appréhender son organisation

Ce praticien envisage aussi d’instaurer des relations durables avec les écoles vétérinaires, pour y témoigner du quotidien des productions animales. « Des efforts ont certes été réalisés, mais l’école doit faire plus pour motiver les vocations », reconnaît-il. Il voudrait informer la génération Y, qu’il voit arriver parfois avec des égos prononcés et des prétentions salariales et de vacances qu’il estime incompatibles avec les réalités des productions animales. « Il ne s’agit plus de travailler comme il y a 20 ans, mais malgré nos efforts, nous ne trouvons pas de candidats. » Et des efforts, Optivet en a fait. Avec le concours de l’association Ergone, notamment. « Nous avons réfléchi aux procédures de recrutement, reformulé nos annonces, retravaillé nos entretiens d’emba uche, pris soin de montrer aux candidats les perspectives de carrière », développe Arnaud Duet. L’entreprise a revu son organisation, en créant deux sociétés d’exercice libéral (SEL), l’une pour les animaux de compagnie, l’autre pour les productions animales… « Le problème majeur concerne l’insuffisance de réponses aux annonces. » Dans ces conditions, la clinique Optivet s’est décidée à embaucher un vétérinaire espagnol, même si la formation ibérique lui semble en décalage par rapport aux écoles françaises et que les différences linguistiques peuvent s’avérer compliquées en clientèle.

Trouver des profils pour le temps partiel

Faute de trouver des vétérinaires français intéressés par des temps partiels ou des remplacements le samedi, Michaël Silber, PDG du réseau de cliniques Familyvets, s’est, lui aussi, résolu à recourir au recrutement de vétérinaires étrangers, « parce que huit fois sur dix, ce sont eux qui répondent aux annonces. Ils sont motivés et s’impliquent davantage que leurs homologues français, qui sont peu nombreux à postuler pour des temps partiels. Le seul problème, c’est la langue. Ils peuvent avoir du mal à s’exprimer et à s’affirmer devant la clientèle », confie Michaël Silber, qui emploie 20 vétérinaires, dont les trois quarts en collaboration libérale. Aujourd’hui, 50 % de l’effectif est originaire d’Italie, d’Espagne, de Roumanie, de Pologne. « Je rencontre personnellement chaque candidat. Pour voir s’il est à l’aise, comment il communique, sa personnalité. Il est presque impossible de trouver un vétérinaire sûr de lui et autonome à la sortie de l’école. Et je ne suis pas à l’aise pour le laisser seul face à la clientèle. Or un mauvais recrutement, c’est 20 à 30 % de chiffre d’affaires en moins. » Pour favoriser l’esprit d’équipe entre les cliniques géographiquement proches, Familyvets organise des réunions et des soirées, souvent avec le concours d’un laboratoire, pour créer du lien au sein du réseau.

Piloter les ressources humaines

La gestion des ressources humaines est un métier à part entière. « Aujourd’hui, le recrutement fait partie de mon quotidien. Il ne se passe en effet pas une semaine sans que j’effectue un entretien et ce, pour nos trois métiers : les auxiliaires spécialisés vétérinaires (ASV), les vétérinaires et les postes administratifs », affirme Félix Pradies, cofondateur du groupe Vplus, aujourd’hui composé de huit cliniques mixtes situées en Gironde et en Charente-Maritime. « J’ai pris conscience de la nécessité de maîtriser les ressources humaines alors que je préparais un diplôme en management à l’école vétérinaire de Toulouse. À l’époque, nous étions trois cliniques. Pour continuer à nous développer, nous devions nous structurer et nous organiser. » En accord avec ses associés, Félix Pradies prend en charge le pilotage des ressources humaines. La recherche d’une assistante de direction ayant des compétences en comptabilité lui ouvre alors les yeux. « Nous allions intégrer des métiers que nous ne connaissions pas. En menant ces recrutements, j’ai reçu des profils de toutes sortes. Du pire à l’excellence. Les vétérinaires n’y sont pas habitués, vivant dans une bulle. »

Associer toutes les équipes

Le rapprochement avec Pôle emploi a permis à ce praticien d’affiner le profil des postes recherchés. « En se posant un certain nombre de questions sur les compétences requises, sur les champs et les frontières des compétences vétérinaires, sur les façons d’optimiser le temps et la plus-value vétérinaire », explique Félix Pradies, qui a mis en place une démarche originale pour attirer les talents. « Nous sommes en mixte, alors évidemment, c’est un peu plus compliqué. Autrefois, nous passions une annonce, attendions les retours et, dans l’urgence, recrutions par défaut », reconnaît-il. Aujourd’hui, il mobilise l’ensemble du personnel de la clinique : associés, vétérinaires et ASV. « Je leur ai expliqué que les recrutements de demain allaient influer sur leur confort de travail, sur l’ambiance, sur l’état d’esprit de la structure. Résultat, je ne suis plus seul à chercher. Nous sommes 50 et en permanence. Tout le monde est à l’affût d’un talent. Même si une personne ne correspond pas, nous voulons qu’elle ait une bonne image de la clinique », constate-t-il. Enfin, chaque candidat recruté passe une journée complète à visiter toutes les structures et à discuter avec tous ses collègues. « Le recrutement d’un vétérinaire, c’est six à huit mois de travail. Alors sa réussite tient en trois points : être régulier dans l’effort, être à l’écoute des at tentes des confrères et bien définir le poste, conseille-t-il. Il importe aussi de ne pas négliger le rôle des ASV. »

Proposer des plans de carrière

Le processus de recrutement s’est professionnalisé à partir de 2010 chez Labovet Conseil (réseau Cristal), situé aux Herbiers, en Vendée. « Auparavant, nous récoltions ce que nous n’avions pas semé ! », reconnaît Charles Facon, l’un des associés du cabinet, qui s’est résolu à anticiper la démarche pour éviter de subir le manque de candidats. Si les stages de thèse demeurent toujours un vivier utile pour jauger les futurs recrutés, l’entreprise a peaufiné sa démarche, « pour proposer des conditions d’insertion en fonction des affinités des candidats. Pour cela, poursuit-il , il faut connaître les attentes de la génération Y et lui faire confiance. Elle est très bien sélectionnée, très bien formée, mais ses références diffèrent des nôtres. Ce sont souvent deux mondes qui ne se comprennent pas. On le voit dans la filière canine. Beaucoup peinent à recruter, mais ils ne proposent que des emplois morcelés et rien de sexy. » Charles Facon souligne que « la question est surtout de savoir ce que l’on met en œuvre pour garder les personnes, une fois le recrutement effectué. L’apprentissage de la médecine aviaire est un processus long où il faut apprendre à maîtriser la gestion de la clientèle, le rapport avec les éleveurs, les groupements, l’environnement, l’organisation… Il est nécessaire de savoir proposer des plans de carrière, d’intégration et d’association dans l’entreprise. Les personnes doivent pouvoir s’investir sur ce qu’elles ont envie de développer. »

Recourir aux CDI

Dans la banlieue de Nancy, en Meurthe-et-Moselle, les cliniques Vetonimo proposent exclusivement des postes à temps plein et en contrat à durée déterminée (CDI). « C’est extrêmement rassurant », déclare Gaël Peiffer, l’un des dix associés de la structure, en charge des ressources humaines, et qui, via l’association Ergone, a mené une enquête sur les attentes des jeunes diplômés. Ils voulaient avoir accès à la formation professionnelle, ne pas travailler seuls, avoir recours à l’aide d’un senior. » L’initiative a permis d’y voir clair. « En nous organisant, nous avons réussi à proposer des postes qui tiennent la route et à peaufiner le contenu des annonces, en mettant l’accent sur l’insertion du candidat dans l’équipe, l’ambiance de la clinique et en nous mettant à la place du postulant, sans a priori . » Depuis 2013, quatre vétérinaires ont ainsi été embauchés. Cette approche qualitative a eu un effet inattendu. « En proposant des CDI, nous n’avons pas seulement touché les demandeurs d’emploi, observe Gaël Peiffer , mais plus largement des confrères en poste, dont certains qui n’ont pas hésité à lâcher un autre CDI pour venir nous rejoindre ! »

MENER UNE VRAIE RÉFLEXION POUR ATTIRER LES TALENTS

« Au-delà des problèmes de marché, la difficulté à recruter des vétérinaires provient d’une approche a minima. Les praticiens ne se donnent pas les moyens de faire un choix et les annonces sont souvent mal présentées. Les postes sont détaillés de façon sommaire, les projets d’entreprise n’apparaissent souvent pas. Du coup, ils s’obligent à recruter par défaut », observe René-Paul Hervé, consultant pour l’Atelier du management installé à Rennes. À ses yeux, rares sont les cabinets qui mènent une vraie réflexion sur leur capacité à attirer de nouveaux talents. « L’embauche d’un vétérinaire repose souvent sur la seule considération économique, rarement sur la dimension d’un projet commun, à savoir les services à mutualiser, le niveau de qualité des prestations envisagées, les relations avec les ASV, le niveau de coopération économique attendu pour le recrutement d’un associé, l’ambition de l’entreprise… En général, l’échange est assez limité et, au final, générateur de tensions. On se limite trop souvent à la seule embauche d’un technicien du soin, une dimension incontestablement insuffisante. La période d’essai n’est que rarement mise à profit. Elle est vite dévorée, sans qu’un véritable bilan soit dressé. Toutefois, une prise de conscience s’opère. »
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