Une nouvelle hémoplasmose décrite en France - La Semaine Vétérinaire n° 1673 du 06/05/2016
La Semaine Vétérinaire n° 1673 du 06/05/2016

CONFÉRENCE

Pratique mixte

FORMATION

Auteur(s) : Éric Collin*, Béatrice Bouquet**

Fonctions :
*Pôle vétérinaire du Gouet au Lié,
Plœuc-sur-Lié (Côtes-d’Armor),
commission épidémiologie SNGTV.
Article rédigé d’après deux présentations
faites lors de la 6e Journée vétérinaire
bretonne à Ploufragan, le 10 mars 2016.

Les maladies naissent, vivent et meurent », rappelle Éric Collin, citant ainsi Charles Nicolle (prix Nobel de médecine en 1928) et son ouvrage Naissance, vie et mort des maladies infectieuses (1930). Certaines peuvent avoir un impact sur la filière, voire présenter un risque zoonotique. Le vétérinaire mérite sa place à leur chevet.

La dernière-née parmi les maladies bovines décrites en France est une hémoplasmose. Elle provoque de la fièvre, associée à un œdème des trayons et un engorgement des jarrets, et une anémie non hémolytique. Mycoplasma wenyonii a été identifiée par l’école vétérinaire de Toulouse sur les photos de frottis réalisés par notre confrère Éric Collin en élevage. Autrefois classée dans le genre Eperythrozoon (plus connue chez le porc et le mouton), cette bactérie a quitté les rickettsies pour rejoindre le vaste monde des mycoplasmes. Un test d’identification par polymerase chain reaction (PCR) a été conçu à Toulouse dans la foulée de l’élucidation du cas susdit. L’image sur le frottis de globules rouges basophiles, avec de petits éléments en périphérie qui diffèrent de ceux observés dans l’anaplasmose, est toutefois assez évocatrice (photo). Une équipe irlandaise1 vient d’expliciter le processus sous-jacent comme étant auto-immun. La maladie a été décrite dans les îles britanniques et en Suisse, en plus des autres continents, surtout dans une forme subclinique ou bien chez des bovins immunodéprimés. Elle affecte le mâle aussi, ce qui est une source potentielle d’infertilité. Une augmentation des nœuds lymphatiques précruraux est parfois décrite. Au Japon, cette affection est rapportée dans le cas de retards de croissance avec anémie chez le veau.

La source est l’animal infecté chronique, et la transmission s’effectue par les insectes piqueurs ou les aiguilles. L’incubation dure de 1 à 3 semaines, la phase de forte infection de 5 à 10 jours. L’anémie peut, quant à elle, s’étendre sur 1 à 2 mois. Le processus pathogénique s’accompagnerait d’une forte consommation de glucose. Certains cas d’acétonémie curieusement fébriles mériteraient d’être reconsidérés à la lumière de cette première description en France.

Vite : prélever !

Face à pareils cas inhabituels, le réflexe de prélèvement de sang sur EDTA s’impose. Mieux vaut faire le frottis au chevet de l’individu et le fixer (la coloration peut attendre le retour au cabinet). Le bon candidat est un animal fébrile, car la charge infectieuse diminue avec l’évolution de la maladie.

Non identifiée, cette maladie pourrait coûter cher à un élevage : 19 cas ont en effet été recensés sur un troupeau de 50 vaches laitières en 2014, dans le foyer décrit par Éric Collin, avec une baisse de production de 12 % chez les individus atteints et de 5 % chez les autres, sur des mesures effectuées avant et après l’épisode, mais au moment de l’infection la chute de production atteignait 50 à 80 % chez les malades (les comptages cellulaires n’ont pas été affectés, l’impact sur la reproduction n’a pas été évalué).

Rétrospectivement, d’autres foyers ont pu rester non élucidés précédemment, dans la même commune et dans la même région. Un projet de recrutement de cas (cliniques) est en cours (recherche de connaissances et d’imputabilité). Une fiche d’accompagnement des prélèvements est en cours de conception.

S’il convient de se garder de voir des maladies nouvelles partout, Éric Collin constate, à l’échelle d’une vie de pratique en rurale, combien certaines peuvent avoir un impact sur la filière. Sans compter un potentiel impact zoonotique « suspendu au-dessus de nos têtes » pour certaines affections.

“Syndrome inhabituel à investiguer prioritaire”

Pour que le praticien tienne toute sa place dans la vigilance par rapport à des phénomènes sanitaires atypiques potentiellement dangereux pour la filière ou l’homme, notre confrère propose de concevoir une méthodologie d’investigation pour tout “syndrome inhabituel à investiguer prioritaire” (SIIP). Un cas inhabituel ne renvoie pas toujours à une maladie réglementée et ne deviendra pas toujours une émergence, ce qui peut bloquer la capacité du vétérinaire à s’interroger dessus. Le praticien doit être aidé à réagir de la façon la plus appropriée à une émergence possible, sachant que le contexte y est propice : échanges rapides, de toutes provenances, modification des biotopes, des pratiques agriculturales, de la sensibilité des cheptels, du climat, voire menaces de bioterrorisme.

Dans chaque région, une cellule pourrait être créée, associant un clinicien, un épidémiologiste et un pathologiste (école vétérinaire, par exemple). La plateforme d’épidémiosurveillance, à l’échelle nationale, ne prendrait le relai que face à une alerte émergence suffisamment robuste. Dans l’autre sens, la plateforme peut aussi s’appuyer sur le dispositif pour une surveillance orientée.

Pour sensibiliser le praticien lambda à y recourir « dès le premier cas SIIP », un travail d’information est à prévoir et le retour sur information à organiser. Cohérence, efficacité, simplicité, raison, standardisation seraient les maîtres mots du dispositif. Mais aucun référenciel n’est possible dans ce contexte. Par ailleurs, la prise en charge financière reste à trouver.

Avec pareil dispositif, les cas inhabituels potentiellement dangereux pour la filière ou pour l’homme ne risqueront plus de glisser sous le tapis du quotidien en rurale.

POINTS FORTS

Fièvre, œdème des trayons, raideur postérieure, anémie sans hémoglobinurie seraient des signes de recrutement de cas d’infection à Mycoplasma wenyonii.

Un frottis est à étaler et à fixer au chevet du bovin pour être exploitable.

À l’abord d’un cas inhabituel, un tube EDTA mérite d’être prélevé systématiquement.

Des trinômes régionaux constitués d’un clinicien, d’un pathologiste et d’un épidémiologiste mériteraient d’être déployés en France pour l’investigation prioritaire de syndromes inhabituels.

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